L’ex-recteur estime non fondées les poursuites engagées contre sa personne devant le Tribunal criminel spécial sur la base d’un rapport du Consupe annulé par le Tribunal administratif a annulé pour cause d’irrégularités.
Pour Bruno Bekolo Ebe sa deuxième affaire pendante devant le Tribunal criminel spécial (TCS) n’a plus aucun fondement, notamment le supposé détournement de 4 milliard de francs qu’on lui impute tantôt à titre personnel, tantôt en coaction. Le 26 novembre dernier, alors que le tribunal a commencé à l’entendre sur les différents chefs d’accusation retenus contre lui dans cette procédure, l’ancien recteur, répondant aux questions de son avocat, a estimé qu’il est désormais en-jugement pour rien.
Pendant près de quatre heures, M. Bekolo Ebe a expliqué que le rapport de la mission de vérification du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) comportant l’audit de sa gestion de (‘Université de Douala entre 2007 et 2010, sur la base duquel l’accusation s’est appuyée pour lancer les poursuites contre sa personne, a été annulé devant le Tribunal administratif de Yaoundé le 13 juillet 2021 pour cause de multiples irrégularités.
De ce fait, tous les griefs mis à sa charge n’ont plus «existence juridique». «Toutes les accusations auxquelles j’ai à répondre devant votre tribunal font partie de toutes ces fautes de gestion annulées par le tribunal administratif […] C’est légitiment que nous nous interrogeons sur le fondement de ces accusations», a-t-il indiqué.
«Conflit d’intérêt»
L’ancien recteur a planté le décor de sa défense en faisant un tir groupé sur les inspecteurs d’État auteurs du rapport d’audit au centre du procès. Il raconte qu’une mission de vérification du Consupe a séjourné à l’Université de Douala du 12 août au 12 novembre 2010. Cette équipe, conduite par l’inspecteur d’État Fortune Kane Ebanga, avait pour mission de passer à la loupe la gestion de l’université durant les exercices budgétaires (te 2007 à 2010. Selon l’accusé, la désignation de Mme Kane Ebanga viciait l’audit dès le départ.
En effet, .lorsque l’audit se déroulait M. Kane Ebanga, le mari de la cheffe de mission, était lui-même en fonction à l’Université de Douala comme chargé de cours à la Faculté des Sciences juridiques et politiques. Il était surtout sous le coup d’une sanction disciplinaire reçue l’ex-recteur. «En 2007, M. Kane Ebanga a été sanctionné par le recteur Pr Bekolo Ebe à l’issue d’une procédure disciplinaire pour participation active à un réseau de fraude aux examens», déclare M. Bekolo Ebe estimant que ce «conflit d’intérêt manifeste compromettait l’objectivité de la mission».
Au début des travaux, indique l’accusé, Mme Kane Ebanga avait exigé que «tous les dossiers disciplinaires fussent mis à sa disposition». «Le signal était donné, com-mente-il que le contrôle allait être instrumentalisé pour régler son compte au recteur. De jour en jour, le contrôle devenait un audit essentiellement à charge destiné à démontrer que le recteur Bekolo Ebe était un mauvais gestionnaire.» L’ex-recteur déclare avoir constaté que les membres de la mission avaient une connaissance approximative des principes fondamentaux d’un audit comptable.
Lettres de félicitation
Pour l’accusé, la «volonté de jeter l’opprobre» sur sa gestion ne visait qu’à le discréditer-aux yeux de l’opinion internationale. En fait, il venait de réussir à rendre l’Université de Douala éligible au classement africain et mondial des meilleures universités, mais aussi il a reçu des «lettres de félicitation» successivement de l’Association internationale des universités, de l’Association africaine des universités et du Conseil africain et malgaches de l’enseignement supérieur (Cames). L’accusé estime que les inspecteurs d’État ont menti sous serment
L’ancien recteur explique que lorsque la mission de vérification a terminé l’audit, son «rapport de base» a été déféré devant le Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf). Cet organe présidé par le ministre en charge du Consupe avait désigné un rapporteur pour confirmation ou infirmation (tes conclusions du rapport de base.
Selon l’ex-recteur, une fois que le Cdbf a désigné un rapporteur, «le rapport de base de la mission de vérification devient caduc et ne peut être opposable au mis en cause». C’est donc sur la base du rapport rédigé par le rapporteur que le Cdbf a pris sa décision imputant à l’accusé 27 fautes de gestion, dont certaines avec incidence financière.
M. Bekolo Ebe affirme qu’il a aussitôt attaqué la décision du Cdbf devant le Tribunal administratif de Yaoundé. Dans son jugement déjà évoqué, ce tribunal a annulé 24 fautes de gestion. Les trois fautes de gestion maintenues par les juges administratifs sont sans incidence financière, détaille-il Pour lui, du moment où «le juge administratif a désavoué le Cdbf […] le rapport de base de fa mission de Contrôle est caduc et n’a plus d’existence juridique et comme tel ne peut servir de base aux accusations contre [lui] parce qu’il ne peut [1] être opposable.»
M. Bekob Ebe n’a pas manqué d’indiquer que la Chambre des Comptes de la Cours suprême a également jugé les comptes de l’Université de Douala pour la période querellée, soit 2007 à 2010. «Aucun de ces arrêts ne me met en cause et ne m’impute aucune faute de gestion ou irrégularités.» Néanmoins, l’accusé s’est dit disposé à s’expliquer sur les chefs d’accusation pour «fournir toutes les preuves factuelles et de droit» démontrant qu’il est blanc comme neige. Son audition se poursuit ce 1er décembre.
En rappel M. Bekolo Ebe passe en jugement devant le TCS en compagnie de certains de ses anciens collaborateurs à l’Université de Douala. Il s’agit de Louis-Max Ayina Ohandja, l’ancien directeur de l’IUT de Douala, Augustin Marie Mboudou, l’ex directeur des affaires administfatives et financières, Akumah Reuben Fon, l’ex-agent comptable et Jean Pierre Pokem, ex-responsable du restaurant de l’université.
On leur impute de supposées irrégularités constatées dans leur gestion à l’université. Le 31 janvier 2020, M. Bekolo Ebe a été acquitté dans une première affaire, notamment celle du détournement allégué de 344 millions (te francs. Ce montant représentait le supposé non reversement des cotisations sociales des personnels de l’Université de Douala.