Jadis redouté en qualité de grand ordonnateur de l'Opération épervier, le ministre des Relations avec le parlement est quasiment aux oubliettes. Rongé par la maladie, les affaires de détournement de deniers publics pendent sous son nez.
Ses problèmes au grand jour ont débuté le 08 mai 2013. Ce jour-là, un de ses hommes visiblement soulagé, quitte le bâtiment de la direction de la police judiciaire (Pj) à Yaoundé. Arrêté la veille à l’aéroport alors qu’il s’apprêtait à prendre un avion pour la France, Francis Dooh Collins vient d’être auditionné par les policiers de la division des enquêtes économiques et financières. Dans les couloirs de la Pj, il se dit que le Franco-camerounais a fourni de fausses informations dans des fiches de la liste des comptes bancaires à l’étranger de certaines personnalités camerounaises, poursuivies pour détournement de fonds dans le cadre de l’Opération épervier déclenchée dans le cadre de la lutte contre la corruption et les détournements de fonds.
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Les limiers de la Pj tiennent entre les mains des éléments sur différents hauts cadres et anciens membre du gouvernement. La connexion est vite établie entre Dooh Collins et Amadou Ali. Le ministre délégué à la présidence chargé des Relations avec le parlement est d’après une source chargée du dossier, la véritable cible de la justice. Car si Paul Biya est l’initiateur de l’Opération épervier, qui a conduit des dizaines de ministres et de directeurs généraux en prison, Ali en a été le maître d’œuvre.
Pendant de nombreuses années, c’est lui qui a orienté les enquêtes et «fabriqué» certaines preuves. Tenant dans ses mains l’épée de Damoclès au-dessus de la tête de ses collègues du gouvernement. Réputé intrigant en témoigne l’affaire des écoutes téléphoniques contre Titus Edzoa en 1997, qualifié intègre, le chasseur des criminels de l’argent public s’est même attaqué au taiseux et redouté Laurent Esso.
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Câbles de WikiLeaks
Attendu au tournant, il est comme tombé. Surtout que ses adver- saires, avec la publication des câbles de WikiLeaks au mois d’avril 2013, l’homme est donc vulnéra- ble. «Son intégrité brandie n’est donc que de surface», ironise une de ses victime d’ancien collègue. Le câble publié date d’octobre 2007, mais ne manque pas d’intérêt. L’ambassade américaine à Yaoundé y affirme qu’Amadou Ali a confié à Dooh Collins près de 800 millions de Fcfa de fonds publics pour financer ses investigations. Ses «victimes» sont convaincues qu’Ali «a poussé le chef de l’État à couper des têtes des régions du Centre et du Sud, majoritaires dans les filets de l’Opération épervier, pour affaiblir Biya dans son propre fief électoral».
Et on cite abondamment le cas de Giles Roger Belinga L’ancien direc- teur général de la Société immobilière du Cameroun (Sic), séjourne à la prison centrale de Yaoundé et a été condamné à vingt ans ferme pour détournement, l’une des listes d’Ali et Dooh Collins lui attribue quatre comptes inexistants après vérification. Des enquêtes ouvertes au sein du Crédit agricole et de la banque d’investissement Natixis n’ont rien révélé du tout. À Emmanuel Gérard Ondo Ndong, l’ancien directeur général du Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale (Feicom), à Jean-Baptiste Nguini Effa, de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (Scdp), et à bien d’autres personnalités poursuivies, les listes établies attri- buent aussi, et toujours à tort, des comptes à l’étranger.
«Je n’ai donné aucun nom (…) et n’ai jamais fourni de comptes sur ces personnes», s’est défendu Dooh Collins devant les enquêteurs. Je pense qu’il peut mieux édifier l’en- quête sur la question.» Amadou Ali est le commanditaire de la liste de Dooh Collins et ministre de la Justice de 2001 à 2011. Il a donc ourdi un complot contre Paul Biya tentant ainsi de le fragiliser pour mieux se payer sa tête.