Actualités of Wednesday, 17 November 2021

Source: Kalara

Epervier: les avocats du Minfi sans questions pour Amadou Vamoulké

Après une attente infructueuse, le tribunal décide de poursuivre le cours du procès Après une attente infructueuse, le tribunal décide de poursuivre le cours du procès

Plus de cinq ans après le déclenchement de l’affaire, le ministère des Finances est à la recherche sans succès des preuves pour coincer l’ancien DG de la Crtv à propos d’un présumé détournement de fonds publics de plus de 10 milliards de francs. Après une attente infructueuse, le tribunal décide de poursuivre le cours du procès. Retour sur les échanges entre les avocats de l’État et l’accusé.

Les trois avocats commis par le ministère des Finances (Minfi) dans la deuxième affaire qui oppose l’État du Cameroun à Amadou Vamoulké devant le Tribunal criminel spécial (TCS) n’ont finalement posé aucune question à l’ancien DG de la Crtv. Alors que le procès est à la phase du contre-interrogatoire (cross examination) de l’accusé par la partie civile et qu’ils disposaient de deux jours (les 10 et 11 novembre 2021) pour le faire, Maître Ndjodo Bikoun, le doyen du trio, a déclaré qu’ils ne prendront pas la parole.

Ils n’ont pas encore trouvé les documents dont ils entendaient se servir pour cet exercice. Il s’agit notamment du listing de tous les mouvements de reversement de la Redevance audiovisuelle (RAV) opérés du Trésor public vers le compte de la Crtv depuis la prise de fonction de M. Vamoulké en 2005.

Le 24 août 2021, dès la fin de la phase de l’interrogatoire de M. Vamoulké par ses propres avocats, Maître Ndjodo Bikoun avait déjà annoncé de façon solennelle qu’il avait sollicité le Trésorier payeur général (TPG) de Yaoundé, par écrit et avec l’aide du procureur général près le TCS, pour obtenir la trace d’un virement de 10,6 milliards de francs du produit de la RAV suspecté d’avoir été détourné.

Et M. Vamoulké avait immédiatement riposté pour dire que l’accusation ne trouvera rien, parce qu’il n’y a aucun détournement de ce type. Chose curieuse : les trois avocats du Minfi peinent à trouver un document qui devrait émaner d’un service du Minfi. Au point d’amener un proche de l’ancien DG à se demander ce que fait cette administration dans le procès. Cet observateur aura peut-être la réponse lors des plaidoiries finales.

Dans ce procès, l’accusation ne se limite pas au Minfi. En dehors du ministère public, qui avait contre-interrogé l’ancien DG de la Crtv en premier, Maître Bell Hagbè, l’avocat commis par la Crtv elle-même, s’est acquitté de la tâche lors des audiences du 10 septembre et le 28 octobre 2021. Il est revenu comme ses devanciers dans l’exercice sur chacun des chefs d’accusation retenu contre l’accusé.

1. Au sujet de l’apurement des comptes-tiers

L’accusé sur ce chef répond d’un présumé détournement d’un peu plus de 2,1 milliards de francs. Et l’accusation, évoquant tantôt l’article 99 (g), tantôt l’article 41(j) de la loi portant statut général des entreprises publiques et parapubliques, estime que les créances correspondantes à ce montant ont été effacées des comptes de la Crtv sans l’autorisation du ministre en charge des Finances et celle du ministère de tutelle. «Avez-vous présenté ces deux autorisations préalables tel que l’exige la loi a demandé Maître Bell Hagbe.

Pour l’accusé, les articles de toi évoqués ne concernent pas l’apurement des comptes : «L apurement n’est pas un acte d’aliénation. C’est un acte comptable. On n’aliène rien. On dit seulement, et c’est ça l’apurement, l’argent que vous dites que les entreprises X ou Y détiennent, cet argent n’existe pas. Sortez cet argent de vos comptes. Il n’y a pas un radis là-dedans. Et vous appelez ça aliénation : c est grave», a-t-il répondu pour dire qu’il n’y avait pas d’autorisation à obtenir.

2. Au sujet du contrat de retransmission de la CAN 2010

Il s’agit ici de la gestion d un contrat d’achat de droit de retransmission des images de la CAN 2010 et de certains matches éliminatoires de la coupe du monde suivante, pour une valeur de 884 millions de francs. L’avocat conteste, documente à l’appui, une déclaration faite par M. Vamoulké le 31 mai 2021, selon laquelle ce contrat avait été signé par M. Wongibe Emmanuel, actuel DGA de la Crtv, son collaborateur charge du dossier.

Il interroge ensuite l’ancien DG sur le fait, curieux selon lui, que le Crédit Suisse apparaissait sur la dernière page de la convention, avec le DG de la Crtv parmi les signataires, en lieu et place du prestataire, CC Foot Limited.

Pour M. Vamoulké, l’identité du signataire du contrat était «sans intérêt» pour le procès, dès lors «qu’elle ne prouve pas que les matches ont été diffusés ou non [et qu’elle] ne prouve pas que le montant des droits est inapproprié ou que le prix à payer ait été viré à quelqu’un d’autre sans rapport avec CC Foot».

S’agissant du cachet et de la signature du Crédit Suisse apposés dans le contrat, l’accusé évoque des hypothèses de réponse, pour montrer qu’il n’est sûr de rien, avant de faire part de ce qui lui revient de mémoire : «Je peux dire que j’ai eu vent de ce que le Crédit Suisse est l’institution qui a permis à CC Foot de s’arroger les droits de diffusion de la CAN auprès de la CAF en déposant les ressources qu’elle exigeait, c’est-à-dire plusieurs milliards de francs. Je soupçonne que la signature du Crédit Suisse relève d’une clause contractuelle que la Crtv ignore».

L’avocat est revenu à la charge : le match Ile Maurice contre Cameroun, prévu dans la convention avec CC Foot, avait fait l’objet d’un double paiement. Le second paiement, d’une valeur de 50 mille euros, avait bénéficié à Ifax Sports. En s’appuyant sur une liasse de documents, Maître Bell Hagbe pose la question : «Comment expliquez-vous que pour une seule et même prestation, vous avez payé deux prestataires différents ?» En guise de réponse, l’accusé rappelle les circonstances exactes de ce qui s’était passé.

A l’avant-veille du match lies Maurice-Cameroun, a-t-il dit, la Crtv s’est rendu compte que CC Foot n’était pas détenteur des droits tv pourtant déjà acquittés. Après avoir discuté avec les dirigeants de CC Foot qui ont dit qu’ils vont s’arranger à rembourser, le DG de la Crtv a.pris ses responsabilités pour que . les Camerounais regardent le match. «Nous avons engagé en son temps des procédures contre CC Foot dont je ne sais pas ce qu’elles sont devenues»’ a-t-il déclaré, avant de conclure : «Oui, nous avons payé deux prestataires pour la même prestation, mais nous n’avons pas détourné».

3. Au sujet des primes versées au personnel et au DG

Sur ce volet de l’accusation, l’avocat de la Crtv a voulu savoir pourquoi les travaux de la division des affaires administratives et financières (DAF) évoquées par Amadou Vamoulké pour la restructuration en vue de l’adoption du budget programme au sein de la Crtv avait donné lieu au paiement des primes pour travaux spéciaux.

Un détournement présumé d’un peu plus de 71 millions de francs, selon l’accusation pour les travaux de fin d’exercice budgétaire. L’avocat a aussi questionné l’accusé sur la nature du contrat de collaboration qui liait la Crtv aux fonctionnaires du ministère du plan et des experts des cabinets privés, bénéficiaires des paiements jugés douteux.

L’ancien DG explique que, de manière générale, ce département a toujours effectué le budget annuel de l’entreprise. Dans le cadre du budget programme préconisé par le gouvernement, l’office avait fait appel à des experts du ministère du plan pour renforcer les capacités du personnel de la DAF et les aider à assimiler cette nouvelle prévision s’étalant sur plusieurs années. «La maîtrise de cette technique a été laborieuse et a requis de nombreuses essais avant d’aboutir à la copie finale du budget programme», explique l’accusé.

Toujours pour renforcer les compétences des cadres de la DAF, l’ancien directeur général (DG) informe qu’il avait aussi engagé des cabinets privés pour augmenter la célérité du travail immense qui se profilait devant eux. C’est fort de tout cela que le DG avoue avoir fait confiance à cette équipe pour confectionner la répartition des primes pour la période de travail intense enduré.

«Depuis des décennies, la confection du budget de l’État a toujours donné lieu à des paiements d’émoluments en rapport avec l’ampleur des tâches et la nécessité de tenir les délais», a ajouté Amadou Vamoulké, rappelant ainsi la spécificité de l’établissement du budget et les textes qui encadrent la rémunération des heures supplémentaires et éventuellement les émoluments.

Revenant aux primes qui lui étaient destinées à titre personnel l’ancien DG explique que son nom s’est retrouvé dans l’équipe du budget programme en raison de la nécessité de superviser ce travail assez laborieux. Le DG est le garant du budget, puisque c’est à lui que revient la responsabilité de le présenter devant le conseil d’administration pour adoption, a-t-il précisé.

Dans son ironie habituelle, l’accusé fait observer que ses anciens collaborateurs inculpés avec lui, à,savoir notamment le DAF, Mohaman Sali, et Marthe Bassong, les deux garants de la comptabilisation des sommes qui lui sont imputées, ont été remis en liberté par le juge d’instruction qui a trouvé crédibles leurs explications. Mais pas lui, qui a pris les décisions sous leurs conseils avisés.

4. Au sujet de la gestion du compte logé au Trésor.

Maître Bell Hagbe a demandé à l’accusé de s’expliquer sur la présence d’opérations de débit enregistrées au trésor sur le compte de la Crtv, qui ne se retrouvaient point dans les registres de comptes à la Crtv. Soit 10,6 milliards de francs. Ici, l’ancien DG se veut didactique, avant de contester toute possibilité de détournement des fonds évoqués : «Lorsque la Crtv a besoin d’argent, elle envoie, un ordre au trésorier payeur général (TPG) qui lui met à disposition la ou les sommes demandées et qui sont utilisées pour l’exploitation quotidiennes, explique l’accusé qui précise que l’argent logé dans ce compte provient principalement de la RAV.

Quant à la procédure d’exécution d’une opération dans le compte logé à la trésorerie, M. Vamoulké déclare qu’il faut absolument l’accord du DG pour y retirer de l’argent. Revenant à la somme de 10 milliards de francs, qu’on l’accuse d’avoir détourné, il se montre sentencieux : «Cet argent n’est pas perdu. Vous le retrouverez à la Trésorerie. Eux-mêmes disent qu’il n’y a pas de problème. 11 n’y a pas 10 milliards qui sont arrivés à la Crtv». Au passage, le DG évoque des «maladresses et insanités» contenues dans le rapport d’audit de l’expert-comptable Isaac Joël Bela Belinga ayant servi de base à l’accusation. C’est cet expert qui entretient la confusion, selon M. Vamoulké.