Dos au mur parce qu’incapable de se plier aux exigences calendaires de la Coupe d’Afrique des nations, le gouvernement appelle le Génie militaire à la rescousse. Une unité régulièrement reformée en son temps par l’ex ministre de la Défense, tombé en disgrâce à cause d’une affaire de détournements de deniers publics.
C’est pratiquement en renfort que le Génie militaire a été appelé pour sauver la Can 2021. Face à une voirie des villes hôtes qui laisse à désirer, des chantiers routiers qui piétinent et des travaux de réhabilitation de certaines voies d’accès en piteux état, le gouvernement, dos au mur, à moins d’un mois de cette grand’messe du football africain, se retourne vers l’unité créée en 1962.
Un appel à la rescousse aux allures de 505 alors qu’on sait qu’il y’a une Task Force créée et chapeautée par Ferdinand Ngoh Ngoh, ministre d’Etat/ Secrétaire général à la présidence de la République. Ce dernier qui, depuis ces trois derniers mois, s’essaye à convaincre la Confédération africaine de football (Caf) de surseoir à ses injonctions (en lieu et place du ministre de tutelle) au sujet de certaines grosses infrastructures non-livrées telles que le fameux stade Paul Biya, à l’origine de plusieurs scandales financiers.
Porté sur instructions du Chef de l’Etat à la tête d’une mission d’information sur les sites d’accueil de la Can TotalEnergies en octobre dernier, le natif de Minta dont on connait l’implication mafieuse à travers son gouffre à sous pompeusement baptisé « Task force », n’a-t-il pas transformé la visite technique en un meeting populaire à la gloire du Vice-dieu qu’il est ? Voilà donc le Génie civile obligé aujourd’hui de multiplier des heures supplémentaires de travail parce que pris dans l’engrenage d’une course contre la montre provoquée par les pouvoirs publics et plus précisément par Ngoh Ngoh et ses réseaux.
Les hommes du colonel Jackson Kamgain réussiront-ils à rattraper le gap et permettre au pays hôte d’être prêt pour le démarrage de la compétition prévue le 9 janvier prochain ? On a de fortes chances à répondre par l’affirmative. Connaissant la taille du parc du matériel roulant et la puissance des engins dont dispose le Génie civile, on peut d’ores et déjà pousser un ouf de soulagement.
Outil d’appui au développement
Mais ce que le public ne sait pas, c’est que ce bras séculier de l’Armée en termes de réalisations d’ouvrages, est un lourd et précieux héritage de Edgar Alain Mebe Ngo’o, ex patron du ministère délégué à la présidence de la République chargé de la Défense, cloué à la prison centrale de Kondengui.
Invité à l’Assemblée nationale la semaine dernière par la Commission de la Défense nationale et de la Sécurité, pour exposer sur la thématique : « Statut et contributions du Génie militaire aux objectifs de développements », son successeur au poste Joseph Beti Assomo n’a pas tari d’éloges à l’endroit de ce véritable cadeau du Chef des forces armées. « Le Génie militaire est non seulement une arme de combat, mais aussi un outil d’appui au développement du pays », confiait-il à ses interlocuteurs.
En ce qui concerne sa dimension militaire, le Génie est une mission d’appui au combat pour faciliter le mouvement des hommes en opération, notamment sur le terrain où la mobilité des combattants n’est pas aisée, par exemple sur les routes endommagées ou abandonnées, dans la forêt dense, sur les sols sablonneux, argileux ou marécageux, les itinéraires minés par l’ennemie avec des bombes, des explosifs conventionnels, des engins explosifs improvisés, des bombes artisanales et autres.
S’il y’a une vérité implacable qui transpire des procès au Tribunal criminel spécial (Tes), c’est que dans le cas du Génie militaire comme dans le cas de l’équipement des Forces de défense, Mebe Ngo’o n’a fait que mettre en œuvre les hautes directives du Chef de l’Etat auquel il est demeuré fidèle et loyal. « L’homme, en administrateur chevronné, a toujours fait passer l’intérêt de la nation avant toute chose. Malheureusement, il se retrouve aujourd’hui dans une affaire de détournement de derniers publics que la justice éprouve toutes les difficultés à établir », commente une source proche du dossier.
Maintenir la paix au NoSo
En un mot donc comme en mille, les militaires du Génie sont au cœur du développement du Cameroun parce qu’ils contribuent avant tout à défendre efficacement le patrimoine national partout où besoin se fait sentir sur toute l’étendue du territoire.
« Si Mebe Ngo’o est embastillé depuis deux ans sans suite, ce n’est certainement pas pour avoir brillé par son immobilisme au Mindef. Mais parce que des mains noires manœuvrent pour le maintenir en prison. Il en est du Génie militaire que pour l’équipement de l’Armée camerounaise, grande bénéficiaire de cette « manne » de nos jours », ajoute la source.
Sinon d’où viennent les armes avec les lesquelles nos soldats combattent la secte Boko Haram dans l’Extrême-Nord depuis six ans et les blindés pour affronter les milices de l’Ambazonie dans le Nord-Ouest et le Sud-ouest ? D’où provient cet équipement de guerre dont la puissance de feu n’a d’égal que la haute technologie de ses fabricants ?
Le Cameroun a-t-il entre temps débloqué des faramineuses sommes d’argent pour équiper ses soldats ? Si oui dans quel budget et avec quel autre partenaire si ce n’est la Chine ? S’il est établi que Mebe Ngo’o a détourné l’argent destiné à l’achat de ces armes dernier cri, par quel miracle l’armée s’est-elle aussi bien équipée pour aller au front ?
Face donc à un rouleau compresseur qui n’épargne aucun serviteur loyal du président de la République, « le fils du Dja et Lobo paie sans doute le prix de sa discrétion légendaire sur laquelle il a bâti sa carrière.Lui qui est toujours resté tais eux, choisissant de souffrir en silence et de clamer sereinement son innocence dans cette affaire où plusieurs apparatchiks du Pouvoir veulent le voir toucher le fond », analyse froidement un fonctionnaire du Mindef à la retraite.
En rappel, il est reproché à Edgar Alain Mebe Ngo’o un détournement de plus de 20 milliards de Fcfa, représentant des surfacturations et marchés fictifs, deux détournements de 196milliards Fcfa représentant le coût total d’une Convention de prêt par laquelle Paul Biya a obtenu de la Chine, le rééquipement de toutes les composantes de l’Armée camerounaise.