Entamé depuis trois semaines, l’ex-recteur a poursuivi son témoignage devant le TCS. Jusqu’ici silencieux, le parquet s’est plaint de ce que l’accusé insiste longuement sur des «généralités» qui allongent «inutilement les débats». Une observation que la défense a énergiquement balayée.
L’interrogatoire de Bruno Bekolo Ebe par ses avocats s’est poursuivi devant le Tribunal criminel spécial (TCS) le 8 décembre dernier dans une ambiance surchauffée. Si le parquet est resté silencieux depuis le début de l’audition de l’ancien recteur, le 26 novembre dernier, au sujet du second procès qu’il lui a intenté, il est sorti de ses gongs en trouvant que l’accusé fait du dilatoire en s’attardant longuement sur des détails qui n’ont, à son avis, rien à voir avec le procès. Allégation qui a enflammé l’audience.
Ce jour-là, alors que M. Bekolo Ebe présentait en effet sa version des faits sur le chef d’accusation portant sur le supposé détournement de 32,1 millions de francs opéré, selon l’accusation, à travers le paiement de marchés sans contrepartie, le ministère public a trouvé que l’ex-recteur «fait perdurer les débats avec des généralités sans se défendre sur les faits pour lesquels il est accusé».
En fait, M. Bekolo Ebe est abondamment revenu sur les différentes étapes de la commande publique en expliquant qu’en sa qualité d’ordonnateur au moment des faits, il n’a fait que passer les marchés. Le suivi, le contrôle et l’exécution d’un marché, de la certification des quantités exécutés par rapport aux quantités prévues dans le marché. De plus, c’est sur la base du procès-verbal de réception dressé par la commission de réception des marchés que les paiements ont été effectués par l’agent-comptable de l’université. Commission de réception à laquelle il n’était pas membre. L’ex-recteur estime donc qu’il est absurde qu’on lui impute les faits querellés.
«Depuis de longues heures Pr Bekolo Ebe livre des enseignements de finance publique sans se défendre sur les faits pour lesquels il est poursuivi devant votre tribunal», a réagi le procureur arguant qu’il l’a «toléré» lors des précédentes audiences et ne compte plus le faire. En réplique, les avocats de l’ex-recteur ont opposé que leur client prendra «tout le temps qu’il faute pour s’expliquer sur «le détournement de 4 milliards de francs qu’il conteste». Ils n’ont pas hésiter à qualifier «l’accusation de bancale» au motif que le parquet n’indique pas les différents marchés qui auraient été payés dans les conditions décriées.
M. Bekolo Ebe a emboité le pas à ses avocats estimant à son tour que le grief retenu contre sa personne est imprécis. «Je ne peux pas laisser que l’avocat général dise que j’ai présenté des généralités parce que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. L’accusation a avancé un chiffre : 32,1 millions de francs sur des marchés et lettres commandes. A aucun moment, l’accusation n’a présenté ni un des marchés concernés ni des lettres commandes concernés. Elle n’a présenté aucun procès-verbal de réception établi dans les formes régulières prescrites déterminant les écarts constatés et commentées écarts ont été constatés, et portant ma signature».
Construction des forages
Pour calmer les esprits, le tribunal a rendu un jugement à la Salomon en priant l’accusé de poursuivre avec ses explications mais de faire «l’effort» d’être concis.
M. Bekolo Ebe s’est également expliqué sur le détournement allégué d’un peu plus de 10 millions de francs. Ce supposé forfait, selon l’accusation, a été réalisé à travers «l’application des prix illicites» lors de l’attribution de deux marchés. Pour sa défense sur ce volet, l’ancien recteur explique que les marchés querellés portaient sur la construction des forages à l’Université de Douala. L’un avait été attribué à l’issue d’une procédure d’appel d’offre, l’autre dans le cadre d’une procédure de gré de gré (sans concurrence) sur autorisation du Premier ministre, alors autorité des marchés.
Il a donné lecture d’un ensemble de textes indiquant en substance que l’autorité habilitée à fixer les prix est le ministre en charge du Commerce. Ce dernier le fait en début de chaque année budgétaire prenant arrêté fixant la «mercuriale des prix». Mais lorsqu’un prix ne figure pas dans la mercuriale, les prix projetés lors d’une transaction sont soumis au visa préalable de la direction (te la protection du consommateur au ministère du Commerce ou alors celui de la brigade régionale de répression de la fraude territorialement compétente.
L’accusé a donné lecture des dispositions de l’article 5 de l’arrêté ministériel évoqué selon lequel : «l’appel d’offre étant en soi un appel à concurrence, les prix et tarifs relatifs en découlant ne sont pas opposables à celle de la mercuriale des prix». «Les marchés en question ayant été passés par appel d’offre ne sont soumis ici ni à l’obligation du visa de la direction protection consommateur, ni à l’obligation de la mercuriale», indique l’ex-recteur.
Il va préciser que lorsqu’un marché est attribué sans appel d’offre, il revient aux membres de la commission (te passation des marchés parmi lesquels se trouve le contrôleur financier de l’université de s’assurer de la conformité des prix pratiqués. M. Bekolo indique qu’il n’était pas membre de ladite commission.
L’interrogatoire de l’ancien recteur par ses avocats se poursuit les 25 janvier, 2 et 16 février prochain. Rappelons que M. Bekolo Ebe répond d’un supposé détournement de la somme globale de 4 milliards réalisé tantôt à titre individuel tantôt en coaction pendant son séjour à la tête de l’Université de Douala entre 2007 et 2010. Il passé en jugement aux côtés d’anciens collaborateurs.