La présidentielle 2018 s’annonce à grands pas. Dans le landerneau politique camerounais, l’ébullition et la ferveur sont perceptibles. Déjà de nombreux candidats déclarés : AkereMuna, Cabral Libii, Joshua Osih, Serge Espoir Matomba, Maurice Kamto. Ceux-ci sont, si on peut le dire, les grosses pointures de l’opposition camerounaise actuelle.
Et tous semblent avoir mobilisé le capital-confiance nécessaire pour se lancer à l’as- saut d’Etoudi. Akere Muna se présente comme le candidat de la rupture, porté par son mouvement Now. Joshua Osih du Sdf, fort de son adoubement lors des primaires à Bamenda, devrait dans les prochains jours lancer sa campagne électorale à Mbouda. Cabral Libii, déjà investi par le parti Univers, surfe également sur la vague de son mouvement 11 millions de citoyens.
Maurice Kamto quant à lui, après avoir été reconduit à la présidence du Mrc, au terme d’une convention tenue au palais des congrès, qui a fait beaucoup de bruit du fait de la grande mobilisation, en est le candidat naturel. Mais dans tout ce maelstrom, une seule question de- meure : les partis d’opposition peuvent-ils réussir à battre l’homme-lion au terme de la présidentielle d’octobre prochain ? Etant donné que le président de la République sortant bénéficie d’emblée de la loi électorale, d’Elecam, du conseil constitution- nel et de la machine de l’Etat. Du coup, pour certains analystes, si les leaders de l’opposition se pré- sentent en rangs dispersés à cette présidentielle, comme les années précédentes, ils perdront.
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Les exemples de la Gambie et du Sénégal sont alors agités dans les airs. On sait qu’en 2012, face à un Abdoulaye Wade qui ne voulait pas lâcher le pouvoir, MackySall a été soutenu par toute l’opposition sénégalaise. L’année dernière en Gambie, c’est sans doute parce que Adama Barrow a été le candidat unique de l’opposition qu’il a pu renverser la vapeur en portant contre toute attente l’estocade au très redouté Yahya Jammeh. Ces scénarii sont-ils adaptables au Cameroun, quand on sait que lors de la présidentielle de 2004, une pareille initiative s’était soldée par un échec, les opposants n’ayant pas réussi à trouver un entre-deux ?
La Coalition pour la reconstruction et la réconciliation nationales (CRRN) avait en effet vu se briser son rêve de présenter un « candidat unique » : John Fru Ndi, du Social democratic front (SDF), déclarera une candidature concurrente à celle de Adamou NdamNjoya, désigné par leurs pairs.
Dans le camp opposant camerounais, certains avis sont tranchés, d’autres nuancés. Cabral Libii, par exemple ne cache pas son appétit pour les primaires de l’opposition. Quant à AkereMuna, lors de sa première conférence de presse au lendemain de l’annonce de sa candidature, il a bien souligné qu’il n’était pas dans une logique du « Akere Muna ou rien ». Dans une interview qu’il a récemment accordée à votre journal, sans être radical, il indique que s’il faut parler d’une primaire au sein de l’opposition, tout cela commence par définition d’un cadre. Le Sdf quant à lui est un peu obscur sur le sujet, même si on parle de rencontres entre Joshua Osih et Maurice Kamto, tout comme ce dernier a eu à rencontrer Akere Muna, pour des pourparlers.
Le tireur de pénalty Parlant justement de Maurice Kamto, le leader du Mrc semble avoir pris de court des autres op- posants en s’érigeant leader auto- proclamé de l’opposition. En effet, pendant son discours de clôture de la deuxième convention de son parti, il s’est présenté comme le«tireur de pénalty » qui ne se lou- perait pas le moment venu. Lors de l’émission « La Grande Inter- view » diffusée sur Canal 2, il est resté ferme sur sa position. C’est lui qui tirera le pénalty. Autrement dit, les autres n’ont qu’à venir se greffer à lui. Une posture qui n’a pas manqué de soulever un tollé. D’abord parce Maurice Kamto, au cours de cette émission, a bien mentionné que son projet de société n’est pas encore abouti parce qu’il attend les propositions des autres. Dans ce cas, n’est-il pas contre-productif de se présenter comme le candidat de l’op- position alors qu’on attend encore les contributions de ceux-là ? En outre, comme l’ont analysé cer- tains, comment peut-il vouloir se tailler un tel costume alors que Jo- shua Osih lui, candidat du Sdf, est l’aboutissement d’un processus plus démocratique ?
En effet Osih est passé par une primaire au sein du Sdf face à des challengers qu’il a battus à plate couture. De plus, il peut se targuer d’être un élu du peuple qui jouit d’une certaine légitimité. Il connaît ce qu’on ap- pelle une campagne électorale, puisqu’il en a déjà gagné une, contrairement à Kamto qui aux lé- gislatives de 2013, a essuyé un ca- mouflet. C’est sans doute pour cela, que Jean Robert Wafo, mi- nistre de la communication du shadow cabinet, reprenant une déclaration du Pr. Aboya Ma- nassé, lâche sur les réseaux so- ciaux : « ce n’est pas l’avion qui entre dans la voiture, c’est la voi- ture qui entredans l’avion.Fran- çais facile, c’est au Mrc de s’aligner derrière le sdf ».Le ton est donné.
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Rappelons quand même que le patron du Mrc, lors de la convention du parti, n’avait pour seul challen- ger que lui-même, un peu comme ce qui se passe souvent au sein du Rdpc. Il est néanmoins vrai à ce sujet que l’un des lieutenants de Maurice Kamto nous a expliqué que « rien n’obligeait Kamto à re- mettre son mandat de président du parti en jeu. Personne n’a voulu se porter candidat face à lui. Mais il y a eu une élection libre. Et, nous n’avions pas à lui fabriquer un adversaire fictif, puisque nous n’avons pas voulu tricher ».
On peut aussi comprendre qu’au sein des états-majors des partis, chaque candidat veule se croire le meilleur. C’est de bonne guerre. Surtout que pour un parti comme le Mrc, l’occupation du terrain a été si intense ces derniers temps que son aura inquiète déjà les autres adversaires. Et le leader de ce parti n’a de cesse de démontrer que 2018, c’est son année. S’y pend-il seulement de la bonne manière ?
Raison pour laquelle, cette semaine, nous avons posé les questions suivantes à nos experts : Le fait que Maurice Kamto ait pris les devants en se présentant comme le tireur de pénalty de l’opposition, alors que lui-même déclare que pour boucler son projet de société, il attend encore les propositions des autres, est-ce pour lui la bonne méthode ? Est-ce que cette démarche du patron du Mrc est de nature à rassurer les autres ?
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Akere Muna parle de la nécessité de définir un cadre pour parler de candidature unique de l’opposition. N’a-t-il pas raison ? Est-ce que Joshua Osih, qui est passé par des primaires au sein de son parti, est élu du Wouri, peut-il accepter de joindre Kamto ?