Chantal Biya a son propre service de renseignement et pas, comme le disent les mauvaises langues, pour surveiller « Monsieur » de très près. C’est avant tout un symbole de pouvoir. À la présentation d’une cérémonie de voeux, devant un aréopage d’épouses de ministres et autres femmes d’influence, les participantes étaient contraintes de laisser leur portable à l’entrée… C’est dire la paranoïa sécuritaire au palais alors qu’aucun secret n’a jamais circulé dans ces réunions de courtoisie. L’une des participantes a cependant cru être la plus maligne : elle a gardé son appareil et envoyé un texto à une amie. Un acte qui a vite été repéré par les grandes antennes et autres équipements de surveillance installés par les Israéliens sur le toit et dans le palais. À la sortie, toutes les participantes ont été interrogées et la coupable retrouvée. On ne sait pas quelle a été la sanction pour ce crime de lèse-majesté.
Au Cameroun, les hommes du Mossad, officiels et officieux, sont chez eux depuis le 6 avril 1984, date d’une tentative de coup d’État contre le président Paul Biya. Le chef de l’État camerounais leur a confié sa sécurité et ses services de renseignement. Il a toujours été persuadé que certains milieux français, nostalgiques de la période de son prédécesseur Ahmadou Ahidjo, avaient soutenu le putsch. Aussi est-il toujours méfiant à l’égard de la DGSE, même si les relations avec Paris se sont améliorées dans le cadre de la récupération de la riche région pétrolière de Bakassi, revendiquée un temps par le Nigeria, puis de la lutte commune contre le mouvement terroriste Boko Haram.
Encadré par des officiers israéliens, le BIR (Bataillon d’intervention rapide) camerounais a d’abord été dédié à la sécurité présidentielle avant d’intervenir dans le Nord du pays contre le mouvement djihadiste nigérian.
Le patron du BIR est Maher Herez, un ex-général de Tsahal (l’armée israélienne), après la disparition en 2010 de son prédécesseur, le colonel Abraham Avi Sivan, dans le crash de son hélicoptère. Sivan était l’ancien attaché de défense de l’ambassade d’Israël à Yaoundé. Auparavant, c’était un autre colonel du Mossad officiellement à la retraite, Meir Meyouhas, dit Meyer, qui supervisait l’encadrement de la garde présidentielle. Jusqu’en 1988, ce dernier avait officié au Zaïre (aujourd’hui RDC), au sein de la garde du maréchal Mobutu.
Pour l’équipement militaire, tous ces officiers israéliens travaillent ou travaillaient avec Sami Meyuhas, fournisseur agréé par le ministère israélien de la Défense et qui opère depuis Genève. Pour la garde présidentielle et le BIR, les crédits sont illimités pour l’achat des armements et équipements les plus sophistiqués. Les 6 800 hommes de la garde présidentielle, véritables « rambos » suréquipés, pourraient sans problème résister aux 40 000 hommes de l’armée camerounaise. On reconnaît les commandos formés par le BIR à leurs Pataugas beiges et, surtout, à leurs conversations en hébreu, langue obligatoire si l’on veut grimper dans la hiérarchie de cette brigade d’élite. Les officiers camerounais doivent apprendre l’hébreu pendant un an et demi. Après tout, Yaoundé n’est qu’à quatre heures de vol de Tel Aviv.
La passion de Paul Biya pour Israël va au-delà du simple parapluie sécuritaire. Selon les confidences d’un ancien diplomate israélien, le président camerounais a été initié à la Kabbale par le rabbin franco-israélien Léon Ashkenazi. Aussi le Cameroun est-il l’un des rares pays africains qui vote toujours en faveur d’Israël au Conseil de sécurité des Nations unies, en tout cas jamais contre. Au pis, l’ambassadeur camerounais prétexte une envie pressante pour s’abstenir de voter…
Dans cette ambiance sécuritaire israélienne, mieux vaut ne pas être trop proche des services français, sous peine d’être marginalisé. C’est ce qui est arrivé à Edgard Alain Mébé Ngo’o, ancien délégué général à la sûreté nationale du Cameroun puis ministre délégué à la présidence, chargé de la Défense. Avec Léopold Maxime Eko Eko, l’un de ses proches, directeur général de la recherche extérieure, il avait bien géré la libération en 2008 des dix marins français du Bourbon Sagitta enlevés au large de la péninsule de Bakassi. Nicolas Sarkozy, qu’Alain Mébé Ngo’o avait fréquenté quand le président français était encore ministre de l’Intérieur, voulait le décorer de la Légion d’honneur à l’Élysée. Prudent, Mebe Ngo’o a demandé l’autorisation à Paul Biya. Pas vraiment de réponse de l’énigmatique chef de l’État.