Une nouvelle affaire de prédation foncière secoue les hautes sphères de l'État camerounais. Des documents consultés révèlent comment un terrain familial historique de Nlongkak a été réattribué à une société pétrolière, dans des conditions qui soulèvent de nombreuses questions sur l'implication de hauts responsables de l'administration. C’est ce que le lanceur d’alerte Boris Bertolt indique dans une nouvelle publication sur sa page Facebook.
Le 17 octobre 2024, le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, Henry Eyebe Ayissi, signait un arrêté autorisant un certain Gueya Gueya Hervé Crépin, représentant de la société Jociddalo Petroleum, à occuper un terrain de 2185m² au lieu-dit "Bata Nlongkak" moyennant une redevance annuelle de 7.647.500 FCFA.
L'enquête révèle que ce terrain, appartenant à la famille Bounou et titré avant l'indépendance du Cameroun, a été brutalement reclassé dans le domaine public, son titre foncier annulé, avant d'être attribué à la société Jociddalo Petroleum.
Une investigation plus approfondie dans le registre des sociétés dévoile que Jociddalo Petroleum SA, créée le 11 mai 2022 avec un capital de 100 millions de FCFA, est en réalité une entreprise familiale dont les véritables bénéficiaires seraient le directeur adjoint du Cabinet Civil de la Présidence de la République, Oswalde Baboke, et son épouse Awapira Crescence épouse Baboke.
La structure actionnariale de l'entreprise révèle une répartition familiale du capital : Awapira Crescence épouse Baboke (17.500.000 FCFA), et leurs deux enfants, Baboke Tamboulo Eden Indira et Baboke Daniel Oswald (3.750.000 FCFA chacun). La société, selon ses statuts, se destine à la distribution, l'import-export de produits pétroliers et aux soutes maritimes.
Cette affaire intervient dans un contexte particulier où une enquête sur la prédation foncière a été ordonnée par le président Paul Biya. Selon des sources proches du dossier, cette investigation piétinerait notamment en raison de l'implication de nombreux hauts responsables dans des opérations similaires.
Le cas de Jociddalo Petroleum soulève des questions sur l'utilisation de prête-noms dans l'acquisition de biens immobiliers et le développement d'activités commerciales par des hauts fonctionnaires. Il met également en lumière les mécanismes d'expropriation qui continuent d'affecter des propriétaires légitimes, même lorsque leurs titres fonciers datent d'avant l'indépendance.
Cette affaire pourrait compromettre l'enquête présidentielle sur la prédation foncière, d'autant plus que selon des sources proches du dossier, le ministre Henry Eyebe Ayissi aurait impliqué de nombreux responsables dans ces pratiques, y compris des officiers de gendarmerie chargés d'enquêter sur ces malversations.
La famille Bounou, victime de cette expropriation, n'a pour l'instant pas réussi à faire valoir ses droits, malgré l'antériorité de son titre foncier. Cette affaire illustre les défis persistants en matière de gouvernance foncière au Cameroun, particulièrement lorsque des intérêts de hauts responsables sont en jeu.