Ce 6 Avril, le Cameroun s’est rappelé du Coup d’Etat manqué de 1984. Dans une chronique, le Journal Le Témoin démontre que Paul Biya a déjà pardonné les instigateurs mais n’a jamais oublié l’affront.
Ce jour-là ! Chronique d’un coup d’Etat manqué
Ce jour-là, ce 6 Avril 1984, ce jour où tout a failli voler en éclat, ou tout le pays a failli s’embraser, ce jour où tout le Cameroun a failli prendre feu. Le feu d’ailleurs, ce jourlà, le Cameroun est entré en ébullition, ça crépitait, ça tressaillait. Le sang a coulé, les victimes, il y’en a eu mais surtout, les morts, plusieurs camerounais ont perdu la vie, ce jour-là. Les soldats camerounais, ces hommes qu’on n’aperçoit généralement très difficilement, inondaient les rues, les quartiers et prenaient parfois d’assaut, les domiciles privés à la recherche soit, d’un abri, soit pour se mettre à l’affut soit alors pour besoin d’enquête. Il faut dire que ce jour-là, les camerounais, dans leur entièreté, ont perdu, au moins pendant 24 heures, le sommeil, leur liberté d’aller et de venir, leur vie… La guerre, cette connérie !
Que s’était-il passé pour arriver là ?
Si tous les observateurs s’accordent à dire que tous les signaux étaient au rouge, moins d’un an juste après le départ du Président Ahidjo du pouvoir, le 02 Novembre 1982, il conviendrait cependant de dire, que la brouille diplomatico-politique entre le « Père de la Nation » au sens de François Bayard, et l’homme du Renouveau est à l’origine de cette déflagration d’une courte durée, certes. Et ce n’est pas Enoh Meyomesse qui nous démentirait, lui qui nous apprend que, le Président Ahidjo, surpris par un complot perpétré contre lui par ses anciens amis français, et ayant surtout pris conscience qu’il se portait bien, contrairement à ce que relevait son bulletin de santé de l’époque, il s’était résolu, avec l’aide de certains militaires qui lui étaient restés fidèles de reconquérir ce palais qu’il avait construit mais dans lequel, il n’était pas entré. Ca d’autant plus, qu’à ce complot, le Président Ahidjo se rendait de la précarité et surtout de l’indigence dans laquelle on pouvait se retrouver une fois sortie de la gracieuse vie qu’offre les palais vitrés de la présidence de la république, à l’instar de la perte de la préséance. L’histoire lui donnerait-il raison ? Laissons l’histoire faire son propre jugement. Même le parti qui lui permettait de garder la main sur certaines affaires du Pays avait été transformé, un mois avant l’instant fatidique en un autre dont il n’avait plus le contrôle. Le putsch manqué La technique audiovisuelle et la tactique militaire se sont mises en branle pour sauver le Cameroun d’un embrasement violent et sans précédent. L’aide divine a certainement aussi été de quelque chose surtout que, en quelques heures, en quelques jours, les militaires rangeaient leurs épées de combats respectifs au fourreau, et regagnaient leurs casernes sans aucune autre forme de procès. Et cette voix de l’homme du Renouveau dont les partisans étaient restés quelques peu perplexes, ne sachant s’il avait été capturé, s’il était toujours en vie, est revenue donner de la vie à ces milliers des camerounais qui avaient perdu la vie. L’herbe foulée par les soldats régénérait, le sang de martyrs séchait les larmes des victimes avec, les armes à feu cessaient de crépiter, tout rentrait dans l’ordre, au grand désarroi des théoriciens de la guerre qui prédisaient déjà l’apocalypse au Cameroun, sauf au moins deux choses dont il conviendrait de ressusciter aujourd’hui, 38 années après les évènements malheureux.
Pardonnés certes mais pas oubliés
La tentative de coup d’Etat, puisque c’en était une, la toute première et la seul de l’histoire politique du Cameroun avait donc laissé des fractures ouvertes, des blessures béantes qui peinent jusque-là à se cicatriser. Si on peut dire avec le Président Biya que le Cameroun est un et indivisible malgré sa complexité et sa diversité sociale, malgré le pluralisme juridico-politique qui sait parfois diviser les camerounais, il n’en demeure pas moins que la césure entre ressortissants du Grand nord regroupés autour du concept socio-anthropologique de « Nordiste » et ceux du Grand Sud, « Sudiste » reste d’actualité et a d’ailleurs fait des héritiers. Le mouvement onze millions des nordistes est une illustration parfaite des conséquences collatérales du 6 Avril 1984. En outre, la dépouille du tout premier Président de l’histoire politique du Cameroun des temps modernes, le Président Ahmadou Ahidjo est toujours au Sénégal, où d’ailleurs, son épouse aussi y a été inhumée il y’a un peu plus d’un an. Si certains enfants de l’ancien Président ont rejoint les rangs du régime d’Etoudi à l’instar d’Aminatou Ahidjo d’autres par contre sont restés auprès de leurs parents sans espoir de retour au Pays natal. Pourtant, il faudrait bien que ce jour, qui finalement, continue, cesse. Et cela ne saurait se faire sans que les mémoires ne décident de passer à autre chose, d’oublier définitivement. Surtout que la recommandation de Robert Badinter reste d’actualité : Les guerres naissent dans les cœurs des hommes et ces dans ces cœurs qu’elles prennent fin.