Si Paul Biya n'aime pas apparaître en première ligne et préfère diriger le pays derrière les murs du palais présidentiel d'Etoudi ou depuis son lieu de villégiature en Suisse, le chef de l'État camerounais n'en contrôle pas moins de près le terrain. Alors que la crise sévit dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, il s'appuie sur un réseau composé de chefs traditionnels incontournables, d'élites locales fidèles et de ministres bien renseignés.

Au Cameroun, être président depuis 1982 ne signifie pas pour autant avoir la connaissance parfaite du terrain, et en particulier des régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Paul Biya, né dans l’extrême-sud du pays en 1933, le sait. En pleine crise anglophone, le chef de l’État camerounais sait devoir compter sur des relais locaux, indispensables autorités traditionnelles, parlementaires de terrain ou ministres du cru rompu au renseignement, afin de gérer au mieux une situation de plus en plus délicate.

S’il a envoyé son Premier ministre, Philémon Yang, natif du Nord-ouest sur place, depuis le 16 octobre, Paul Biya a d’autres cartes anglophones au gouvernement, notamment Paul Atanga Nji, ou Ivo Desancio, directeur de sa sécurité. Il consulte également Baba Danpullo, l’homme le plus riche du pays et autorité du Nord-Ouest, tandis que Fon Angwafor III et Victor Nfon Muhete sont incontournables dans leurs fiefs respectifs.

Qu’il soit au palais d’Etoudi à Yaoundé ou à l’hôtel Intercontinental à Genève, Paul Biya garde un œil sur la crise qui sévit dans les régions anglophones du Cameroun. Il s'appuie notamment sur les personnalités originaires de la région et qui lui sont proches. Ministres du gouvernement, parlementaires, chefs traditionnels, hommes d'affaires... Le chef de l'État camerounais joue des cartes locales, qu'il consulte et/ou dépêche sur le terrain, avec plus ou moins de succès. Jeune Afrique fait le point des soutiens du chef d'État chez les "anglos".


Rose Mbah Acha

Originaire du département de la Momo dans la région du Nord-Ouest, Rose Mbah Acha occupe la fonction de ministre déléguée à la Présidence chargé du Contrôle supérieur de l’État.

Victor Arrey Mengot

Né le 20 août 1958 à Mbinjong dans le département de la Manyu, dans le Sud-Ouest, Victor Arrey Mengot est ministre chargé de mission à la présidence de la République. Il accompagne parfois Paul Biya dans ses déplacements à l'étranger.


Philémon Yang

Le Premier ministre, né dans le département de Bui, dans le Nord-Ouest, est le visage du dialogue que veut afficher Paul Biya. S'il n'est pas le principal atout anglophone de Paul Biya au gouvernement, il joue son rôle, en se déplaçant, notamment mi-octobre, dans les régions frondeuses afin de rencontrer les élites locales. Il est parfois secondé par son directeur de cabinet, lui aussi anglophone du Nord-Ouest, Ghogomu Paul Mingo.

Paul Elung Che

Ministre des Finances natif du Sud-Ouest, Paul Elung Che est également un proche de Martin Belinga Eboutou, le directeur du cabinet civil de Paul Biya, qui a plus que tout autre l'oreille du chef de l'État.

Paul Atanga Nji

Paul Atanga Nji, ministre chargé de mission à la présidence et secrétaire permanent du Conseil national de défense, est originaire du Nord-Ouest et est chargé d'y faire jouer ses réseaux locaux. Il est l'un des hommes de confiance de Paul Biya en ce qui concerne la sécurité de la région, où il est l'un des hommes les mieux renseignés. Paul Atanga Nji a en effet fait ses classes aux côtés de feu Jean Fosevi, le principal patron du renseignement camerounais durant un quart de siècle. qui avait lui-même beaucoup appris du Français Jacques Foccart. Atanga Nji est par ailleurs pressenti pour occuper le poste de ministre de la Défense lors d'un prochain remaniement.

Joseph Dion Ngute

Né le 12 mars 1954 à Bongongo Barombi dans le département du Ndian, dans le Sud-Ouest, Joseph Dion Ngute est ministre des relations extérieures chargé des relations avec le Commonwealth. C'est notamment lui qui est chargé d'apaiser les effets de la crise anglophone sur la diaspora, notamment en Afrique du Sud.


Général Ivo Desancio

Directeur de la sécurité présidentielle, cet officiel anglophone du Nord-Ouest a gagné la confiance de Paul Biya lors du putsch manqué de 1984, lorsqu'il a mis le président à l'abri des soldats mutins.

Simon Achidi Achu

Ancien Premier ministre, sénateur du Nord-Ouest, Simon Achidi Achu est le relais de Paul Biya auprès des élites et des populations de sa région. Il s'y entretient également régulièrement avec le gouverneur, Adolphe Lelè Lafrique et sillonne le terrain.

Fon Angwafor III

À l'instar de Victor Nfon Mukete dans le Sud-Ouest, Fon Angwafor III est le chef traditionnel essentiel à Paul Biya dans le Nord-Ouest. Premier vice-président du Rassemblement démocratique camerounais (RDPC), il est l'autorité traditionnelle la plus puissante de la région de Bamenda, épicentre de la crise anglophone. Sans lui, Paul Biya ne peut tout simplement pas imaginer gagner le coeur des populations.

Dorothy Njeuma

Née à Buéa, dans le Sud-Ouest, Dorothy Njeuma a été vice-ministre de l'Éducation (1975-1985). Première femme rectrice d’université de l’histoire du Cameroun, elle est très respectée du président Biya et est également membre du conseil électoral d'Elecam. On a même sérieusement évoqué son nom pour le poste de Premier ministre, avant que Philémon Yang ne vienne occuper le poste.

Victor Nfon Mukete

Sénateur et patriarche de la famille Mukete, Victor Nfon Mukete est le chef traditionnel le plus respecté du Sud-Ouest, comme Fon Angwafor dans le Nord-Ouest. Très écouté, il bénéficie d'une famille active, dont ses fils, Colin, président du conseil d'administration de MTN Caameroun, et Jacob Diko, représentant de la Banque africaine de développement. Élément essentiel du dispositif de Paul Biya dans le Sud-Ouest, il reste en outre président du conseil d'administration de Camtel.

Baba Danpullo

Homme d'affaire du Nord-Ouest, dont le fief est situé à Ndawara, il est l'homme le plus riche du pays et a l'estime du président, qui n'hésite pas à le consulter et lui a assuré l'obtention d'un passeport diplomatique. Danpullo connaît Paul Biya depuis de nombreuses années. Il était notamment proche de Youssoupha Daouda, l'ancien ministre de l'Économie, mais aussi de l'ancienne Première dame, Jeanne-Irène Biya. Discret, il évite généralement de s'afficher dans les affaires politiques, tant que celles-ci ne viennent pas gêner ses affaires.

Peter Mafany Musonge

Ancien Premier ministre, ancien sénateur, il dirige la Commission pour la promotion du bilinguisme, où siège également David Abouem A Tchoyi, ancien gouverneur des régions anglophones du Nord-Ouest puis du Sud-Ouest, l’abbé Jean-Marie Bodo, Benjamin Mutanga Itoe, ancien ministre des Transports puis de la Justice, ou Ama Tutu Muna, secrétaire d’État au Commerce puis ministre des Arts et de la Culture jusqu’en octobre 2015. Fin connaisseur des dossiers économiques, il n'a pas la culture de proximité avec le terrain dont bénéficie Simon Achidi Achu, mais dispose d'un carnet d'adresses international fourni.