Le Rwandais d’une trentaine d’années mène une carrière dans le journalisme. Il y a enrichi l’environnement médiatique d’une nouvelle structure en quête de positionnement.
L’intégration d’Eugène Shema au Cameroun relève d’un périple. Ce Rwandais de nationalité est arrivé au Cameroun dans des circonstances tragiques, au plus fort de la guerre ayant opposé les Tutsi aux Hutu dans son pays en 1994. Il a alors huit ans. Et ses principaux souvenirs se concentrent sur son séjour à l’école publique de Bastos, et ses difficultés à communiquer convenablement dans ce nouvel environnement. «On s’exprimait mieux en Lingala, vu que la famille s’était d’abord installée au Congo-Zaïre. Donc sur ce plan, c’était un peu difficile. Mais bon, après, on était des enfants», raconte-t-il. Cette période se déroule sans véritable entrave pour lui, nonobstant son statut de réfugié. Sa famille a su retrouver assez rapidement une certaine stabilité, notamment financière grâce aux emplois décrochés par ses parents, d’anciens fonctionnaires rwandais. Les revers de son statut d’étranger ne se font sentir qu’au sortir de sa formation de journaliste à l’École supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic). Eugène Shema ne trouve pas d’emploi, après son passage au quotidien Mutations. «M. Cyrille Nono fait partie des personnes qui m’ont donné ma chance. On avait échangé et il m’a dit qu’il ne trouve pas d’inconvénients à travailler avec moi. C’est ainsi que je suis embauché à Journalducameroun.com», confie-t-il. Il assure les fonctions de coordonnateur éditorial de ce site d’information entre 2015 et 2017. Eugène Shema garde actuellement un statut similaire au sein de la rédaction de Africa 24 au Cameroun. Mais dans un élan entrepreneurial, il a créé en juillet 2017 un média en ligne dénommé Energie Médias. Il offre par ailleurs des prestations à des structures en matière de communication. Une aventure pas facile, reconnait-il. «Au Cameroun, on fait difficilement confiance aux jeunes. J’ai raté plusieurs marchés à cause de mon âge», indique-t-il. Les difficultés à décrocher des partenariats pour son média et la corruption font également partie du lot de ses désillusions.
Perdu au Rwanda
Eugène Shema est retourné au Rwanda en 2019. Formalités administratives obligent, il a dû s’y rendre une première fois pour se faire établir quelques documents officiels nécessaires pour des voyages. Il y retourne au courant de la même année pour un séjour privé. «Je me sentais perdu. Je n’étais pas à ma place. J’ai décidé de revenir au Cameroun», souligne-t-il avant d’exprimer plus tard les raisons de son attachement au Cameroun. «Le Cameroun, c’est un pays où on peut exprimer un certain nombre de positions sans crainte. En plus, les Camerounais sont des gens accueillants et travailleurs».
Désormais écrivain
Une chose caractérise Eugène shema. C’est son franc-parler. Ce journaliste ne s’encombre pas de formules creuses lorsque de sa plume, il assure l’exercice de ses fonctions. Quitte à se créer quelques inimitiés au passage. Dans de tels cas, l’homme d’une trentaine d’années garde le sourire. Ses arguments, en est-il convaincu, sont implacables. Ce trait de personnalité transparait également dans son ouvrage, «Ici repose le droit à l’information», dédicacé le 16 décembre 2021. Car le Rwandais choisi, pour son premier ouvrage, de s’attaquer à l’épineux problème de la liberté de la presse au Cameroun. Favoritisme, servitude des journalistes et des patrons de presse, les difficultés d’accès à l’information, tout passe au scanner avec lui. Le trentenaire d’âge élabore déjà d’autres sujets d’écriture sur des sujets tout aussi sensibles.