Actualités of Tuesday, 17 July 2018

Source: cameroonvoice.com

Exécutions sommaires: un journaliste pro-Biya accuse un cabinet noir à Paris

Paul Biya au pouvoir depuis plus de 35 ans Paul Biya au pouvoir depuis plus de 35 ans

Les dénégations du gouvernement camerounais au sujet de l'origine camerounaise des soldats filmés en train de procéder à des exécutions extrajudiciaires de prétendues militantes de la secte Boko Haram et de leurs enfants, n'ont visiblement pas convaincu grand monde.

Hormis les Ong de défense des droits de l'homme tels Amnesty International (basée en Grande Bretagne) et le Redhac (basée au Cameroun) qui ont très rapidement battu en brèche les arguments du "démenteur" de service du gouvernement camerounais qu'est le ministre de la Communication, Issa Tchiroma, et apporté ce qui constitue selon eux la preuve qu'il s'agit bel et bien de soldats camerounais se livrant à des exécutions sommaires, l'animateur vedette de Radio France internationale (RFI) d'origine guadeloupéenne, Claudy Siar, vient de joindre sa voix au concert de protestations qui a suivi la publication de cette vidéo devenue virale sur les réseaux et médias sociaux.

«Si ce ne sont pas des soldats Camerounais il faut vraiment que les autorités camerounaises en apportent la preuve», recommande l'animateur mondialement célèbre, profondément choqué par les faits, qui dénonce au passage les pratiques d'« un continent où les puissants se permettent de taper sur les plus faibles. De laisser des jeunes en esclavage ou de tirer sur ceux qui ne peuvent même pas à travers la parole se défendre ».
Rappelant qu'« un rapport d'Amnesty international vient nous donner les preuves que ce sont bien des soldats camerounais qui ont commis ces crimes abjects et inacceptables », Claudy Siar met en garde -à travers le cas camerounais, tous les puissants d'Afrique qui laissent prospérer de tels actes sans en mesurer les conséquences à terme : « Les puissants de ce continent ne se rendent pas compte que le début d'une révolution, une envie de révolution de la jeunesse, c'est peut-être ce qui va se passer ».

Fortement convaincu de la véracité des faits publiés Claudy estime qu'ils jettent l'opprobre sur une armée camerounaise qui a pourtant à son actif de hauts faits d'armes, et dont l'honneur doit être par conséquent rétabli : « Qui va laver l'honneur de l'armée camerounaise ??? Je ne peux croire que ces soldats/tueurs soient dignes de l'armée camerounaise dont les forces se battent avec courage, sens du sacrifice (et peu de moyens) pour garantir l'intégrité et la sécurité nationale. Bientôt on nous dira que ce sont des blancs grimés en noirs qui tuent ces femmes et ces enfants ! Sommes-nous devenus idiots et fous ??? Incapables de voir la vérité en face ? De gérer et défendre ce continent contre les prédateurs ... ...et contre nous-mêmes ??? ».

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La sortie prévisible d'un journaliste affilié au régime

Le questionnement pertinent de l'homme de médias et panafricaniste antillais est cependant battu en brèche par un journaliste camerounais très proche du pouvoir.

Le journaliste Ernest Obama, réputé pour sa dureté à l'égard de tout ce qui s'oppose au régime en place au Cameroun, s'est lancé dans une démonstration visant à démontrer non seulement la fausseté de la vidéo, mais ce qu'elle recèle de motivations complotistes contre les dirigeants camerounais.


Jeudi, sur la chaine de télévision Vision 4 dont il est le Directeur Général, Ernest Obama s'est fendu à son tour d'une déclaration qui s'appuie sur les termes du démenti apporté par le ministre de la Communication : « Est-ce que dans l'armée camerounaise on se balade en slip comme ce monsieur ? Les foulards-là ce sont les arabes et les musulmans qui les portent, les camerounais ne mettent pas ça. On ne combat pas avec cette tenue au Nord du Cameroun. Quel soldat peut tirer sur une femme qui porte son enfant ainsi que sur celui-ci ? Votre tentative de nuire à l'image du Cameroun a été vouée à l'échec. On vous a eus », a-t-il affirmé en moquant ce qu'il appelle « un mauvais montage » produit par « cabinet noir basé à Paris »(Sic).

Question de ne pas laisser inachevé son travail de blanchiment de l'image sali des dirigeants camerounais, Ernest Obama prévient ceux qui tirent les ficelles de cette affaire quant aux capacités stratégiques de ceux dont il se fait l'avocat, à déjouer tous les coups : « « Le Cameroun aujourd'hui ressemble à l'équipe de France. Le Ngolo Kanté de l'équipe du Cameroun s'appelle Issa Tchiroma Bakary. Monsieur Atanga Nji est Paul Pogba, monsieur Biya lui-même est monsieur Deschamps ». Et de conclure : « Le coach Biya joue bien et met en difficulté tous les cabinets noirs qui vont perdre ».

Une déclaration qui pour certains observateurs, rentre dans le registre des nombreuses actions que le gouvernement camerounais a entreprises pour se dédouaner mais qui sont réalisées avec maladresse.

C'est par exemple le cas lorsque le ministre de la Communication met en exergue, et avec force démonstration, l'aspect vestimentaire des militaires bourreaux mis en cause .

Car en d'autres circonstances de lieu et de temps, l'on a pu constater que les militaires camerounais ne se soumettaient pas forcément à cette orthodoxie vestimentaire.


Sur une vidéo (cliquer sur le lien ci-dessous), on voit au moins un militaire qui n'est pas chaussé de bottes de type rangers, et on entend un officier dire « BH » pour désigner Boko Haram. Exactement comme celui qui dit « BH… tu vas mourir » dans la vidéo des exécutions.

La charrue avant les boeufs, ou la stratégie de défense foireuse du gouvernement camerounais.

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Par ailleurs, à moins que soit avérée la version du ministre de la Communication camerounais selon laquel des voix auraient été apposées sur la vidéo pour que la barbarie ainsi filmée soit imputée à des soldats camerounais, l'accent francophone d'au moins deux exécuteurs (des deux femmes "BH" et de leurs enfants), ainsi que du commentateur de la vidéo est typiquement camerounais. Ils ont une élocution de type pahouin comme on n'en trouve que dans les régions du Centre et du Sud du Cameroun, ainsi qu'à l'Extrême-nord du Gabon, frontalier avec le Cameroun. Les Gabonais n'étant pas en "affaire" avec "BH", il est difficile de penser qu'il s'agisse ici de militaires gabonais. En tout cas, l'accent des tueurs n'est pas celui des autres pays du Bassin du Lac Tchad et du Sahel engagés dans la lutte contre les organisations terroristes (Boko Haram, AQMI…) que sont le Nigeria, le Niger, le Mali, le Burkina…

Cela n'a pas pour autant empêché ceux qui font feu de tout bois pour laver les forces armées camerounaises plus blanc que neige, de réaliser un montage qui pourrait laisser croire que la scène incriminée se déroule en territoire malien, comme semble l'indiquer la vidéo ci-dessous, avec des images beaucoup plus floues, et sur laquelle on n'entend pas s'exprimer les exécuteurs mais plutôt un observateur dénonçant avec un accent bambara, les exactions des soldats maliens sur une communauté malienne… ostracisée.


Peut-être que la sagesse aurait commandé que les porteurs de démenti à tout vent se taisent et laissent se dérouler l'enquête qu'aurait prescrite le président camerounais. Une enquête qui aurait certainement pu accoucher d'une énorme souris blanche comme savent en faire les soi-disant commissions d'enquête au Cameroun, le temps que l'affaire se tasse et que les Camerounais soient passés à autre chose.

En adoptant la stratégie foireuse de la réaction épidermique, le gouvernement et ses satellites des médias pro-gouvernementaux ont poussé les diffuseurs de la vidéo qui l'ont fait pour manifester leur désaveu de la façon dont certains de leurs collègues exécutent aveuglement les consignes du Haut Commandement à tout dévoiler. Car aux dernières nouvelles, les soldats mécontents auraient révélé les noms des mis en cause, si l'on en croit cette autre vidéo diffusée vendredi sur Youtube.