L'ex-otage Dagui Baldena a été interviewée par le journal L'Oeil du Sahel.
Comment avez-vous été enlevés ?
Je ne sais par quel élément commencer, car beaucoup des choses se sont passées au même moment. Il devait être 23 h et quelques minutes quand ils ont fait irruption dans notre maison. Ils n’ont pas usé de la violence. Nous étions déjà endormis. Mais ils nous ont réveillés en frappant à la porte. Nous avions cru au départ avoir la visite des voisins.
Je me suis levé et j’ai ouvert la porte de la chambre où je dormais avec mes frères et soeurs. Je suis sorti pour voir qui étaient-ce exactement. Je les croyais hors de la concession alors qu’ils évoluaient vers l’intérieur. Ils avaient investi toute la concession. Quand je les ai vus j’ai crié de toutes mes forces pour alerter non seulement celles qui dormaient encore dans la chambre, mais aussi les voisins. Un de mes petits frères était sorti et s’était accroché à moi. Il avait senti le danger. Je lui ai demandé de me suivre.
J’ai voulu me réfugier chez des oncles qui habitaient non loin de la maison. Nous avons couru ensemble, mais je ne l’ai pas retrouvé une fois dans la concession des oncles. Ils l’ont capturé en chemin. Je pensais leur avoir échappé, mais curieusement, de ce côté-là, ils s’y trouvaient aussi. Ils m’ont maîtrisé et m’ont amené dans le groupe des otages. C’est là que je découvre qu’ils avaient aussi pris mes frères et soeurs.
Vous étiez combien à avoir été kidnappés ?
Nous étions neuf otages à être conduits cette nuit-là à Tchénéné. Huit ont été enlevés à Dzaba et une personne dans une autre localité. Nous étions donc cinq filles et quatre garçons.
Avez-vous été violentés ?
Non. Ils ne nous ont pas touchés. Ils nous ont juste conduits au Nigeria, précisément à Tchénéné.
Combien de temps avez-vous mis en route pour arriver à destination ?
Nous avons marché toute la nuit sans repos. Nous sommes arrivés dans le campement le lendemain aux environs de 8h du matin.
Quel accueil vous ont-t-ils réservé et combien de temps y êtes-vous restés ?
Ils nous ont parqués dans un endroit à notre arrivée. Nous étions regroupés par village. C’est comme s’ils n’avaient pas notre temps. Ils sont venus vers nous pour nous donner des choses à manger. C’était des petites choses à grignoter. C’était en fait des aliments contenus dans le butin qu’ils avaient pris dans notre village.
Vers 12 h, il nous a été révélé que le chef dudit campement s’en était pris à nos ravisseurs. Il leur avait reproché de s’être attaqués aux femmes et leur a demandé de renvoyer celles-ci. C’est comme ça qu’un intermédiaire est venu nous demander si nous pouvions retrouver le chemin qui mène au village à partir de Hodogo, une localité camerounaise située à la frontière avec le Nigeria. Nous lui avons rétorqué qu’à partir de Hodogo, nous pouvons rentrer au village. C’est donc comme ça qu’ils nous ont fait escorter à Hodogo, aux environs de 13 h de l’après-midi.
Comment avez-vous été transportés ?
Nous sommes partis de là à pied. C’est la brousse. Il n’y a pas de route pour dire que les voitures peuvent y circuler. Ils sont d’ailleurs les seuls, à mon avis, à pouvoir s’orienter dans cette brousse.
Vous ont-ils dit pourquoi ils s’en sont pris à votre village ?
En nous relâchant, ils nous ont demandé de dire aux autorités locales qu’ils reviendront commettre des exactions pires que celles que nous avons connues cette nuit-là. Ils disent que nous sommes des mécréants. Ils continueront à nous faire souffrir aussi longtemps que nous le serons. Ils ont aussi promis étendre leurs exactions aux autres localités de l’arrondissement.
Avez-vous reconnu quelques-uns d’entre eux ?
Parmi nos ravisseurs, oui. Ce sont nos frères de Vouzi qui ont été enrôlés de force, il y a juste quelques semaines, qui leur servaient d’éclaireurs. Veved Waïdama que je connais bien était le principal acteur.
L’armée avait-elle réagi cette nuit-là ?
Vous êtes sans ignorer qu’un poste militaire a été créé à Mokosta-centre, quelques jours avant l’attaque. C’est d’ailleurs la présence des militaires qui nous avait encouragés à revenir au village puisque nous l’avions vidé à la suite des multiples attaques qu’a connues notre localité. Malgré cette présence militaire, ils ont eu l’audace de s’en prendre à nous.
Dzaba est située à deux ou trois kilomètres du poste militaire. Ils avaient tiré en l’air pendant plus de deux heures. Les militaires n’ont pas pu bouger d’un iota. Nous, et moi particulièrement, croyions qu’ils viendraient nous libérer. Mais tout ce qu’ils ont fait, c’était de tirer en l’air à partir de leur camp.
Quel est le climat qui règne aujourd’hui dans votre village ?
Le village est complètement vide. Nous nous sommes repliés à Moskota-centre. C’est donc un village fantôme, car il n’y a plus de maisons. Ils ont incendié, à en croire le dernier rapport, 76 concessions. Ils ont complètement rayé Dzaba de la carte du Cameroun.