Politique of Tuesday, 14 December 2021

Source: Émergence

Fin de règne de Paul Biya: le Cameroun au bord de l'implosion

Les discours de haine et ethniques ont gagné en intensité au Cameroun Les discours de haine et ethniques ont gagné en intensité au Cameroun

C’est la fin de règne de Paul Biya est glauque. De havre de paix, le Cameroun est devenu un havre de guerre, sur fond de division, de haine tribale, de rejet de l’autre, le tout saupoudré du mutisme traditionnel du chef de l’État.

La banalisation des discours de haine, l’indifférence face à la mort, les injures graves portant atteinte à l’honorabilité et même à l’humanité des uns et des autres laissent craindre le pire devant un après-Biya qui approche à grands pas et aiguisent les appétits.

L’on ne s’est pas encore remis des affrontements entre Mousgoums et Arabes Choas qui ont fait près des morts et 30 000 déplacés. On a encore dans les mémoires les images d’habitations et d’espaces incendiés et saccagés. Durant toute cette année qui s’achève, les affrontements entre ces deux communautés ont rythmé l’actualité.

Il y a peu, une vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux. Elle présente un pasteur devant des ouailles tenant un discours d’une extrême gravité. Avec la sérénité d’un pyromane en plein saison sèche dans un maquis, il parle d’« esprit anglophone et bamiléké ». Sous les applaudissements et les youyous de ses fidèles, il martèle qu’un « Bamiléké ne sera jamais président dans ce pays ».

Attentisme

Alors que l’État est souvent prompt à embastiller ceux qui marchent pacifiquement ou qui revendiquent leurs droits, il est plutôt muet et couard devant ce dérapage langagier qui n’a même pas fait l’objet d’une condamnation de la part des thuriféraires du régime toujours prêts à se jeter sur quiconque menace la paix publique. Sans inquiétude aucune ledit pasteur vaque tranquillement à ses occupations. De quoi exacerber les tensions tribales dans un contexte où l’État a du mal à se défaire d’une crise anglophone dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, deux régions dans lesquelles les velléités séparatistes sont à leur comble.

Quel président garde le silence durant des jours lorsque ses compatriotes s’entretuent, préférant au final laisser la charge à son ministre de la communication d’afficher ses préoccupations ? Quel gouvernement croise les bras lorsqu’un supposé homme de Dieu devant lequel sont agglutinés des centaines de Camerounais et instille des paroles de haine contre des communautés. Ce, alors que le pays est assis sur un cratère et maintient tant bien que mal un équilibre devenu précaire.

Quel Cameroun veut-on construire dans une telle ambiance de flambée de haine ? Quel Cameroun ceux-là qui nous dirigent veulent-ils laisser aux générations futures ? Est-ce l’héritage qu’on veut laisser aux Camerounais ? Quo fait la justice devant la promotion du tribalisme ? Notons que d’après l’article 241 alinéa 1 du code pénal, toute personne reconnue coupable de propos haineux à caractère tribaliste sera punie :

– d’un emprisonnement d’un à deux ans,

– d’une amende comprise entre 300.000 et 1 million de Fcfa.

L’alinéa 3 pour sa part prévoit que les peines sont doublées et les circonstances atténuantes pas reconnues lorsque l’auteur du discours de haine est un fonctionnaire, responsable do formation politique, de média, ou d’une institution religieuse.

Les discours de haine et ethniques ont gagné en intensité au Cameroun avec la crise sociopolitique et sécuritaire des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Mais aussi, au lendemain de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, notamment avec la contestation de certains leaders politiques d’opposition. Avec un peu plus de 250 ethnies; le Cameroun doit plutôt en faire une richesse, et non un moyen d’exclusion.