• Louis Paul Motaze était devant les sénateurs
• Il est revenu sur le financement de certains médias privés par les pouvoirs publics
• Mise au point du DG d'Equinoxe Tv
La question du financement de certains médias privés par les pouvoirs publics continue de faire des remous au sein du monde médiatique camerounais. La dernière sortie du ministre des finances au Sénat vient jeter de l'huile sur le feu.
En effet, face aux sénateurs, dans la traditionnelle séance questions-réponses, Louis Paul Motaze a été interpelé sur le financement accordé par l’Etat camerounais à l’homme d’affaires Amougou Belinga afin que celui-ci puisse procéder à la construction de l’université privée dénommée « Institut Supérieur des Sciences, Arts et Métiers (ISSAM) ». Selon lui, cette pratique qui consiste à appuyer financièrement les opérateurs économiques est courante aux Cameroun. Il a précisé que le montant perçu par Amougou Belinga et qui fait actuellement polémique est infime par rapport aux sommes touchées par certains professionnels de la communication.
« Si vous voulez qu'on reste dans le domaine de la communication, il y a eu des bénéficiaires qui ont eu cinq fois plus que ce que vous avez cité. J'ai ces données mais je ne mets pas ça dans les réseaux sociaux parce que je suis un responsable », a-t-il déclaré.
Cette déclaration du ministre des finances a provoqué la réaction du Directeur général de la chaine de télévision Equinoxe.
Dans une mise au point publiée ce mercredi 1er décembre 2021, Séverin TCHOUNKEU persiste et signe que son institution n'a jamais bénéficiée d'une quelconque subvention de l'Etat.
"Équinoxe Télévision et toutes les différentes entités du groupe la Nouvelle Expression réitèrent qu'elles n'ont jamais reçu une quelconque subvention du gouvernement depuis leur création.
Mieux, nous précisons n'avoir jamais reçu la moindre subvention venant tant du ministère de l'Économie, du plan et de l'aménagement du territoire que du ministère des Finances.", a déclaré Séverin TCHOUNKEU.
AFFAIRE AMOUGOU BELINGA: LISTE DES MEDIAS FINANCES ET LE MONTANT PERÇU PAR CHAQUE ORGANE
Des médias de forte renommée tels que Vision 4 ou Africa24 sont portés à bout de bras par le gouvernement camerounais par des financements colossaux estimés à 26 milliards pour le second, selon le tribunal de commerce de Nanterre en France.
Au sein des milieux médiatiques, l’information a fait l’effet d’un coup de tonnerre : dans les périodes précédant l’élection présidentielle de 2018, la chaîne de télévision Vision 4 a reçu du gouvernement, selon des documents qui ont fuite sur les réseaux sociaux, des financements de près de deux milliards de francs CFA.
Une subvention gouvernementale destinée à la mise à jour de la régie centrale de Yaoundé, et à l’amélioration du système d’information; à l’arrimage sur le satellite ARAB Sat, ainsi qu’à l’acquisition du matériel roulant et de transmission; à la certification du système de management, à l’extension du studio central de Yaoundé, et’ au renforcement des capacités de personnel.
Dans un contexte ou le secteur médiatique est en crise économique grave avec une aide publique chétive accordée à la presse privée, cette information a de quoi choquer, mais elle est loin de surprendre. Car c’est de tradition que le gouvernement verse des sommes astronomiques à des groupes de presse qui lui sont favorables, principalement à la veille d’échéances politiques importantes.
Dans un environnement audiovisuel libéralisé, l’enjeu pour le pouvoir est de s’assurer que les entités médiatiques qui lui sont favorables ont la capacité technique et en ressources humaines nécessaire pour influencer l’opinion nationale et internationale.
40 millions d’Euros
Dans une enquête publiée en mai 2021, le magazine économique français Capital révèle par exemple les dessous du financement de la chaine Africa 24 de notre compatriote Constant Nemale par le gouvernement Camerounais : “La chaîne d’information africaine qui réalise le plus d’audience, Africa 24 a reçu plus de 40 millions d’euros (soit 26,2 milliards de Francs CFA, NDLR) de Yaoundé », écrit Capital.
Selon cette publication très cotée au sein des milieux économiques et financiers français, officiellement, la chaîne est éditée par une société française, A Media France SAS, détenue et dirigée par Mylène Innocent, directrice déléguée de la chaîne. C’est cette société française qui a notamment signé la convention de la chaîne avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). « En réalité, la chaîne est financée par le Cameroun », écrit la publication.
Dans les détails, le magazine français qui tire ses information d’un jugement du tribunal de commerce de Nanterre révèle qu’ « en pratique, Yaoundé a versé plus de 40 millions d’euros à la chaîne depuis 2010, indique un jugement du tribunal de commerce de Nanterre. Cela a principalement pris la forme d’espaces publicitaires. Yaoundé en a acheté pour 21 millions d’euros entre 2010 et 2017, puis s’est engagé en 2019 à en acheter pour 3,2 millions d’euros par an, même si en pratique la somme a été un peu inférieure (2,8 millions d’euros prévus pour 2021).
Par ailleurs, le Cameroun s’était aussi engagé à subventionner les pertes de la chaîne, et a versé à ce titre 4,9 millions d’euros. En outre, il a apporté, en deux tranches, 10 millions d’euros en capitaux à Afrime-dia International, une holding luxembourgeoise qui détenait la chaîne jusqu’en 2019, indiquent les documents déposés au greffe. Mais tout cet argent n’a pas suffi. Armenia SAS, la filiale française de la holding luxembourgeoise, a déposé le bilan en janvier 2018, puis a été liquidée en février 2019.
Le Cameroun a alors versé encore un million d’euros supplémentaires pour reprendre les actifs, en demandant toutefois à ce que ces actifs soient apportés à une société française “de substitution”, à savoir A Media France SAS. De plus, Yaoundé a aussi promis de couvrir les éventuels déficits de trésorerie à hauteur d’un million d’euros ». On le voit, Yaoundé est prêt à payer le prix fort pour la survie de cette chaîne de télévision.
Lignes budgétaires
Le pouvoir a donc coutume de financer des médias à coup de milliards pour s’assurer qu’ils donnent la réplique à la presse indépendante jugée très critique à l’égard des autorités.
Pour cela, révèle un activiste, « l’État dispose de lignes budgétaires directement contrôlées par la présidence de la République et qui permettent de financer des « opérations secrètes » et même des missions officielles non budgétisées. C’est dans ce cadre que plusieurs acteurs de la scène publique peuvent bénéficier de subventions au gré et bon vouloir de la présidence de la République. S’agissant des médias.
Le cas Amougou Belinga peut susciter beaucoup de débats principalement par l’attitude arrogante et grossière de l’individu et non par sa spécificité. (…) Tenez, Biaise Pascal TALLA par exemple a reçu plusieurs milliards de FCFA du gouvernement de la République avec accord de la présidence de la République. Constant Némale d’Arica 24 a reçu plusieurs milliards FCFA avec accord de la présidence de la République. Des journaux français bien connus reçoivent de l’argent de la présidence de la république. Y compris de grands journalistes français qui évitent de parler du Cameroun. C’est connu ». Conclut le journaliste d’investigation qui ajoute que tout cet argent vient des lignes 94 et 65 des ministères des Finances et de l’Économie.