Umutesi Stewart n'avait que 12 ans lorsque le génocide rwandais a commencé en avril 1994. Dans tout le pays, environ 800 000 personnes ont été tuées en seulement cent jours.
Elle a perdu plus de 40 membres de sa famille, dont son jeune frère. Aujourd'hui, 29 ans plus tard, elle affirme que vivre en Écosse avec son mari et ses deux enfants est "un miracle", et qu'elle a trouvé le bonheur après "toute cette douleur".
Alors qu'elle prépare un thé lacté au gingembre et au miel, elle se souvient de son enfance heureuse au Rwanda.
"C'est si bon, c'est délicieux, on sent le goût du gingembre", dit-elle en souriant.
Mais tout a changé avec le début du génocide.
La plupart des personnes tuées appartenaient à la minorité tutsie et la plupart des auteurs des violences étaient des Hutus.
Le génocide a été déclenché par la mort du président rwandais, un Hutu, lorsque son avion a été abattu.
En quelques heures, une campagne de violence s'est propagée de la capitale à l'ensemble du pays. Sa marraine a été la première personne à être tuée dans le village d'Umutesi.
"Ils faisaient les choses si vite, si vite. En une minute, ils tuaient 20 personnes et passaient à la maison suivante - ils avaient une liste", se souvient-elle.
Comme beaucoup de familles, celle d'Umutesi a entamé un dangereux voyage hors du pays, mais lorsque sa mère est tombée malade, elle prend en charge ses frères et sœurs.
Les larmes aux yeux, elle se souvient que sa mère lui a dit qu'elle devait faire preuve de maturité et s'occuper d'eux.
Elle est partie avec sa petite sœur attachée à son dos par une écharpe que sa mère lui avait donnée.
"Une fois que ma mère m'a donné cette écharpe, j'ai dû prendre mes responsabilités à partir de ce jour-là", explique-t-elle.
Le voyage qui a suivi a été dangereux et cauchemardesque.
Sa mère est morte lorsqu'un groupe de voitures a pris feu, une sœur a péri dans le chaos, et son frère de sept ans, Nshuti, a souffert de malnutrition.
"J'ai prié pour qu'il s'en aille parce qu'il souffrait. Il est décédé et nous avons dû le laisser sur la route, raconte-t-elle. Je devais le pousser un peu pour éviter que les gens ne lui marchent dessus."
Les enfants ont alors dû poursuivre leur voyage vers la frontière.
Avec le recul, Umutesi dit qu'elle ne sait pas comment elle a pu faire tout cela à un si jeune âge.
"Pour être honnête, je ne peux pas dire comment j'ai fait parce que ce sont des choses que je ne peux même pas faire à mon âge, dit-elle. Mon cœur me disait que je devais protéger mes frères et sœurs."
Après quelques semaines, ils ont atteint le Congo, pensant que tout irait bien là-bas.
La réalité était différente et ils ont passé des années à se cacher et à éviter la violence.
Les frères et sœurs sont finalement rentrés au Rwanda, où ils ont découvert combien de membres de leur famille avaient péri dans le génocide.
"À 12 ans, j'ai essayé de compter et je suis arrivé à 40, raconte Umutesi. C'était le chaos, c'était terrible."
Umutesi explique qu'elle parle de son expérience pour conscientiser les gens, en particulier les jeunes, sur ce qui s'est passé, et alimenter "l'espoir qu'à l'avenir, cela cessera".
Sa sœur Natacha, qui était bébé lors du voyage, est aujourd'hui une jeune femme.
Elle et son autre sœur, Delphine, ont rendu visite à Umutesi en Écosse au début de l'année.
Elle parle de l'impact de ce que la famille a vécu. "C'est horrible de grandir sans parents, dit Natacha. C'est horrible de grandir sans connaître le visage de ses parents."
La famille n'a pas de vieilles photos, car elles ont toutes été détruites.
En 2014, l'histoire d'Umutesi a pris un tournant différent lorsqu'elle a épousé l'Écossais Iain.
Ils s'étaient rapprochés grâce à la musique que Iain avait écrite sur le génocide et les espoirs pour l'avenir du pays, en collaborant avec l'artiste rwandais Jean Paul Samputu, lui-même survivant du génocide.
Leur relation a commencé par des messages en ligne, mais s'est développée lors des visites de Iain au Rwanda, où sa musique est devenue très connue.
"Nous avons deux beaux enfants, déclare Iain. C'est une histoire incroyable, et le Rwanda et moi sommes désormais intimement liés. C'est une grande partie de mon identité, une grande partie de mon cœur, une partie de l'identité de nos enfants."
"Ce que certaines personnes ont vécu au Rwanda est tout simplement horrible. Quand on va au Rwanda, les gens sont tellement gentils et compatissants qu'on se dit que si cela peut arriver au Rwanda, cela peut arriver n'importe où."
"J'ai une belle famille et un mari très serviable. Être en Écosse est un miracle pour moi", ajoute-t-elle, tout en reconnaissant que les séquelles du traumatisme sont toujours présentes.
"Depuis que je suis arrivée ici, j'ai vu que tout était possible. Après toutes les ténèbres que j'ai traversées, après toutes les souffrances que j'ai endurées, je suis heureuse", se réjouit-elle.