Selon les rapports d’activités du programme national de transfusion sanguine, la région du Nord enregistre un déficit estimé à 40 000 poches de sang par an. « En 2019, seulement 5 000 poches de sang ont été collectées. Ce qui signifie qu’il y a un gap de 35 000 poches de sang à résorber. Aussi le taux de couverture en besoins est estimé à 12 %. Ce qui est très faible. Nous avons un travail à faire ; un grand travail », clame Dr Sadou Pierre Waldorf, coordonnateur régional du Centre régional de transfusion Sanguine (CRTS).
Annoncé il y a de cela quelques mois, le Centre régional de transfusion sanguine de Garoua (CRTS) sera construit pour desservir le Grand-Nord. Une fois opérationnel, le CRTS de Garoua permettra d’approvisionner les centres de transfusion sanguine généralement appelés « banques de sang », logés dans les hôpitaux. Son rôle consistera à appuyer ces banques de sang et à distribuer du sang à ces unités. Avec pour site le quartier Nassarao, dans la ville de Garoua, le CRTS qui s’étendra sur une superficie de 7 948m2 sera constitué de plusieurs unités dont des unités de collecte et de prélèvement pour le don de sang.
À côté de cela, une unité de qualification (biologique) qui consiste à entuber le sang pour le faire passer à certains examens tels que le VIH et les hépatites. On aura également une unité de conservation où les poches de sangs prélevées seront conservées. Enfin, une unité de distribution sera disponible dans ce centre. « Cette distribution se fera grâce à des véhicules qui feront le tour des banques de sang des hôpitaux de la région. Il faut aussi noter que pour l’unité de qualification, la collecte qui se fera à Ngaoundéré par exemple devra envoyer les échantillons de sang collectés ici à Garoua pour la qualification. Grâce au système informatique, les résultats seront aussitôt envoyés à Ngaoundéré pour pouvoir juger de la qualité du sang. En effet, tout le matériel de diagnostic sera ici à Garoua », explique le coordonnateur régional du CRTS.
Stratégies
Dans plusieurs pays comme au Cameroun et dans les régions septentrionales de façon particulière, les populations sont très réticentes au don de sang. C’est ce qui explique le faible approvisionnement des banques de sang dans les hôpitaux qui disposent des fois d’une vingtaine à une trentaine de poches de sang seulement, pour une population se comptant par millions. Pour changer ces comportements, les initiateurs du futur centre de transfusion, ont pensé aux stratégies à adopter dans le but d’encourager les populations à donner de leur sang, à sauver des vies. « Nous allons nous atteler à recruter des donneurs bénévoles et réguliers. En effet, c’est l’idéal à faire. Selon l’OMS, 90 % des personnes qui donnent de leur sang le font pour remplacer du sang dont un proche a bénéficié. Les autres 10% sont des donneurs bénévoles non rémunérés », ajoute Dr Sadou Waldorf.
En effet, l’objectif est de faire des populations des donneurs bénévoles réguliers et non rémunérés. En réalité, dans l’éthique du don du sang, les notions de l’anonymat et le bénévolat sont importants. Toutefois avant d’en arriver là, les responsables du centre régional de transfusion projettent faire des plaidoyers auprès des autorités religieuses et traditionnelles. « Nous comptons aller dans les villages demander aux lamibé de rassembler leurs populations afin qu’ils soient sensibilisés sur la culture du don du sang et enlever les préjugés de la rémunération du don du sang », commente le Dr Sadou Waldorf, coordonnateur régional du CRTS de Garoua.
Pour éclairer la lanterne de certaines personnes qui refusent de donner de leur sang sous prétexte qu’on leur en préserve gratuitement pour en vendre plus tard, le coordonnateur répond que le sang n’est pas vendu. « C’est en effet le poids des examens qu’on effectue sur le sang que le demandeur paye. Il y a aussi les frais pour la conservation du sang et même pour l’achat du contenant », explique Dr Sadou.
« Il faut que les gens comprennent qu’on ne vend pas du sang et que les prix appliqués sont des prix forfaitaires car le gouvernement endosse une grande partie », poursuit-t-il. L’on situe cette subvention à 42 000 francs CFA pour une poche. Ce qui permet d’avoir une poche de sang à une dizaine de mile, en fonction des hôpitaux. Pour le cas de l’hôpital régional de Garoua par exemple, une poche de sang coûte 12 000 francs CFA. Les médecins disent qu’une personne peut donner de son sang de façon régulière quatre fois par an.
Du moment où la personne est éligible, il n’y a aucun risque. Comme critère d’éligibilité, il faut être âgé entre 18 et 50 ans ou à 55 ans tout au plus. Il faut également avoir un poids supérieur à 50 kg, ne pas avoir des rapports sexuels à risque pendant les jours qui précèdent le don et ne présenter aucune fièvre, entre autres. De façon générale, les critères concernent l’âge, le poids et l’état de santé du donneur. Avant tout prélèvement, il y a un médecin qui procède à un questionnaire et c’est ce dernier qui juge de votre aptitude à donner du sang ou pas. Financé par la Banque islamique de développement, le centre régional de transfusion sanguine de Garoua aura une grande capacité de stockage de sang, soit plus de 1 000 poches de sang. Il est très attendu par cette ville.