Menacée de disparition, la compagnie aérienne camerounaise Camair-co vient de bénéficier d’un énième plan de relance. Dans une nouvelle tribune intégralement publiée ci-dessous, l’honorable Martin Oyono procédé à une analyse de la situation de Camair-co et s’interroge sur les chances de réussite du nouveau plan de relance proposé par les experts de Boeing Consulting.
Gouvernance et CAMAIR-CO : Le choix de la guérison ou de la perfusion ?
Le Plan de redressement de la Camair-co dressé par le Cabinet BOEING Consulting et approuvé récemment par la très haute hiérarchie de la République S.E.M Paul BIYA loin de constituer un fait isolé se révèle plutôt être l’illustration de l’une des faces cachées de la gouvernance qui a caractérisé les dossiers de la privatisation des grandes entreprises qui ont fait il y a quelques décennies la fierté du citoyen de ce pays.
Aussi me permettrez-vous d’adresser ma reconnaissance à la mémoire de Monsieur MBOZO’O NDO Emmanuel, élite de la Région du Sud et ancien pilote de ligne de Cameroon Airlines qui vient de nous quitter à l’âge de 59 ans.
En choisissant de nous attarder sur le cas Camair-co, portefeuille du secteur du transport aérien, le citoyen camerounais devrait déjà prendre conscience avant l’exigence des résultats qu’il s’agit bel et bien d’un « cadeau empoisonné » dont vient d’hériter le nouveau Ministre des Transports M. Edgard Alain MEBE NGO’O qui aura besoin de redoubler l’énergie dont il a toujours fait montre pour venir classer enfin ce grand dossier médical Camair-co posé sur sa table.
A la commission de la production et des échanges où nous sommes membres à L’Assemblée Nationale, depuis plusieurs années, nous nous sommes souvent butés à la non-production par le gouvernement des conventions de cession de nos grandes entreprises aux opérateurs privés et cela est valable pour la Camair-co, comme pour la Camrail, Camwater, Enéo ou Hévécam.
C’est en effet le grand débat sur la restructuration du secteur des transports du secteur de l’Eau et de l’Énergie ou du secteur de l’agro-industrie, bref des mystères de la non-guérison de ces grands malades, dont les prescriptions médicales, n’ont jamais, sinon tout à fait concouru à leur totale guérison depuis plusieurs décennies.
Ce constat à lui seul nous fait prendre conscience de l’ampleur du mal qui ne devrait pas s’accommoder dans certains cas de simples perfusions, mais de vrais traitements de choc.
Mais notre tribune ne voudrait pas revenir sur les choix stratégiques opérés par les gouvernements successifs qui ont décidé des privatisations suscitées, mais des acteurs qui ont été désignés pour accompagner la gestion de ces mutations.
Et à ce niveau de la réflexion, nous gardons en mémoire la remarque pertinente faite par Monsieur le Ministre de l’Économie et de la Planification lors de sa présentation devant les Députés des atouts du Cameroun à l’issue du dernier salon international des entreprises organisé par le Chef de l’État.
Abordant la question des privatisations, il n’a pas manqué de regretter le non-suivi des processus de privations et surtout de l’exécution conforme des cahiers de charges, que les repreneurs de nos sociétés d’État se sont engagés à respecter et le cas cité était celui d’Hévécam sur lequel nous reviendrons ultérieurement.
Alors nous pouvons dire que l’attitude du gouvernement qui refuse de divulguer ne serait-ce qu’au niveau de l’institution chargée du contrôle de son action les diverses conventions de concessions évoquées plus haut est un frein majeur à l’information complète du parlement sur ces dossiers hautement stratégiques.
Aussi comme les citoyens ordinaires de ce pays les parlementaires dans certains ces ne peuvent orienter leur action que sur les faits vécus et les constats empiriques tirés des évènements qui entourent la gestion de ces dossiers.
Et c’est là que nos souvenirs sous ramènent en 2011, année de la relance de la Camair-co, sur le grand ramdam fait par la communication officielle sur le vol inaugural vers l’étranger de notre «Etoile du Cameroun» à destination de Paris en France.
Cinq ans après nous nous souvenons que sur interpellation du Président de l’Assemblée Nationale qui recommandait aux Députés et aux membres du gouvernement de faire désormais preuve de patriotisme en privilégiant notre compagnie aérienne nationale lors de nos voyages, nous avons choisi avec une centaine de compatriotes, un soir de Mars 2011 d’emprunter le vol inaugural de Camair-co.
Hélas notre constat s’il nous était vraiment donné de choisir ce soir-là de continuer notre voyage, malgré notre fierté et notre patriotisme, nous aurions soit renoncé à voyager, soit choisi d’emprunter une autre compagnie aérienne.
En effet, nous nous sommes posé la question de savoir comment certains gestionnaires de grands dossiers de la République dont celui de Camair-co justifient leur patriotisme envers notre pays, et même leur fidélité aux institutions qu’ils incarnent. Quelques arrêts sur images qui nous ont frappées sont la qualité des sièges de l’aéronef qui devait assurer ce vol long-courrier « inaugural » pour constater que même un voyageur pour sa première édition pouvait s’étonner de la vétusté apparente des sièges dont le confort et les couleurs des tissus de revêtement n’étaient pas dignes d’un vol inaugural.
De plus, ayant eu envie de faire un tour dans les coins intimes de l’avion, le voyageur ne pouvait que s’étonner qu’en lieu et place des savons liquides et parfumés dont on s’est familiarisé dans les avions des compagnies étrangères, la Camair-co offrait plutôt un morceau de savon qui prenait la couleur du degré de saleté des mains des différents utilisateurs passés avant vous.
Voilà pour le décor que nous avons enregistré lors du vol inaugural de la Camair-co en 2011 au départ de l’aéroport international de Yaoundé Nsimalen.
Vous pouvez aisément conclure du nombre de passagers décroissant que notre compagnie nationale a enregistré au départ de l’aéroport de Paris lors de notre retour, car d’une centaine de passagers, nous n’étions plus qu’une trentaine, effet logique du marketing oblige.
Voilà un des tristes tableaux de la gestion de la Camair-co que le Chef de l’Etat par patriotisme a décidé une fois de plus de guérir des maux chroniques qui ne lui ont jamais permis de se relever.
De tous ces constats nous ne pouvons que nous demander comment ceux qui ont organisé la relance de la Camair-co et fait la publicité de ce vol inaugural à l’époque, des personnes habituées au sérieux et au confort des compagnies étrangères comme Air France, SN Bruxelles ou Ethiopian Airlines ont pu se livrer à une telle imposture sans subir des sanctions réservées aux traîtres à la patrie ?
Certainement que ces personnes qui jouent toujours un rôle autour de la Camair-co ont rapporté sans pudeur, ni honte à son Excellence Monsieur le Président de la République que le vol inaugural fut un succès et que la compagnie était sur les bons rails de son envol et aujourd’hui on est surpris que l’on se retrouve encore à la case départ.
En apprenant donc que le plus grand mal dont souffrait la compagnie aérienne nationale n’est pas comme pouvait le croire le commun des mortels, la dette de l’État vis-à-vis de Camair-co, nous ne pouvons que nous inquiéter de la destination et de l’utilisation des énormes ressources que l’État dans son budget aura affectées à la Camair-co tout au long de ces dernières années.
Et c’est vraiment une douloureuse question.
Car à l’analyse des faits, et au-delà du manque criard d’aéronefs supposés accompagner un vrai plan de relance conformément aux besoins relatifs à la desserte intérieure, à la desserte régionale ou à la desserte continentale, il s’avère que depuis Monsieur Yves Michel FOTSO à Monsieur Jean Paul NANA SANDJO, les cas de conflits d’intérêts et de délits d’initiés n’ont pas manqué d’émailler et de plomber la gestion de la Camair-co.
Le syndicat national des techniciens avion au sol ou la presse n’ont cessé de dénoncer les méfaits de la préférence des locations des aéronefs sur l’acquisition définitive de ceux-ci par la Camair-co, les managements successifs ayant eux-mêmes poussé l’audace comme pour le cas de Monsieur Yves Michel FOTSO d’après nos informations à créer des structures qui allaient devenir des prestataires de l’entreprise qu’il était censé gérer avec neutralité et intégrité.
Aujourd’hui, on reparle de plan de relance, sans un accent particulier sur le statut de l’actuel Directeur Général qui avant sa nomination était déjà un prestataire de services à la Camair-co et qui le demeurerait jusqu’à nos jours sauf preuve contraire.
Alors de qui s’est-on moqué réellement avec le dossier de la privatisation de la Camair-co ?
Aujourd’hui encore on peut se réjouir du retour triomphal du « DJA » fleuron de la flotte Camair-co qui selon les experts techniques n’affiche même pas encore le temps de vol moyen correspondant à son âge, donc encore très viable, seulement la question qu’on évite de creuser est celle des vraies raisons de sa longue immobilisation sur un sol étranger ou encore de la localisation et la destination de ses moteurs d’origine ?
Tout comme l’énigme du sort des pièces récupérées de ces avions accidentés ou immobilisés de la Camair-co ?
Voilà les mauvaises questions que nous espérons que les experts du plan de relance de la Camair-co qui a été présenté au Très Haut arbitrage du Chef de l’État n’ont pas choisi d’ignorer, sinon alors nous ne pouvons que redouter que comme pour le passé, pour l’avenir, la mission de relance de notre compagnie aérienne nationale proposée par « Boeing Consulting » ne débouche elle aussi sur le triste constat qu’on a une fois de plus tenté de guérir le grand malade Camair-co avec de simples perfusions en lieu et place d’une « opération chirurgicale » appropriée.
En conclusion, et patriotisme obligeant, nous ne pouvons que souhaiter bonne chance à Monsieur le Ministre en charge des Transports pour la réussite de cette mission ambitieuse et audacieuse qui lui est assignée par la gestion de cet épineux dossier.
Hon. OYONO Martin
Député RDPC de l’Océan
Secrétaire de la Commission de la
Production et des Echanges de
l’Assemblée Nationale