Telle est la quintessence d’une Mise au point publié ce 2 mars 2022 par le Collectif des enseignants « On a trop souffert » (Ots).
D’emblée il convient d’observer que dans la Mise au point qui répond au communiqué gouvernemental publié la veille, « Ots » se désolidarise de la signature de ceux des enseignants qui y ont participé en son nom car de ce côté on est formel, le gouvernement n’a pas convié ses membres. Tout en saluant les efforts du gouvernement dans la résolution des problèmes posés par les enseignants, « Ots regrette de n’avoir pas été associé à ces échanges. De ce fait, il n’assume aucunement toute signature en bas de ce communiqué portant la mention « Ots » », lit-on dans la Mise au point. Plus concrète encore, ce collectif des enseignants revient sur les résolutions au terme de la rencontre avec le gouvernement et déplore dans un premier temps l’absence d’un échéancier clair et précis en vue de l’épuration de la dette due aux enseignants. Il s’agit notamment, précise le Collectif Ots, du paiement des arriérés liés à l’office du Baccalauréat qu’on aurait pu préciser par exemple « dès la semaine prochaine » tout comme le gouvernement aurait pu indiquer que le paiement des compléments de salaire se fera « dès la fin de ce mois au plus tard ». Il en va de même du paiement des avancements dont le gouvernement ne met nullement sur la table un échéancier de paiement. Le Collectif estime qu’en tout état de cause, cet échéancier ne devrait pas excéder trois mois. En ce qui concerne la proposition gouvernementale de discuter de l’application du statut particulier de l’enseignant, ces derniers regrettent l’absence d’une date précise à partir de laquelle cela se fera. Joint au téléphone, Hubert Lipem II, enseignant au Lycée technique de Nkongsamba, signataire de la Mise au point, affirme que ceux des leurs qui sont allés à la réunion à la Primature n’étaient mandatés par personne, qu’ils y sont allés de leur propre chef. Il confie qu’ils ont appris que cette rencontre était prévue mais que les membres du collectif Ots ont attendu en vain une invitation.
Le gouvernement pris à son piège ou division du collectif « Ots » ?
Dans le communiqué signé ce mardi 1er mars, suite à la réunion entre le gouvernement (le ministre des Enseignements secondaires, le ministre du Travail et de la sécurité sociale, le Secrétaire adjoint des services du Premier ministre ainsi que ses principaux collaborateurs) et les enseignants (les représentants des collectifs des enseignants et les syndicats des enseignants), on apprend effectivement que le gouvernement s’est engagé à poursuivre avec les syndicats et collectifs des enseignants les travaux entamés, « afin de régler les problèmes clairement posés suivant un ordre de priorités et de clauses de rendez-vous arrêtés de manière consensuelle ». Effectivement on y retient qu’il s’agit entre autres du règlement des compléments de salaire, du paiement des arriérés dus aux enseignants mobilisés dans le cadre de la correction des examens officiels organisés par l’Office du Baccalauréat du Cameroun (Obc), au titre des sessions de juins de 2020 à 2021 ; de la régularisation des avancements ; de la prise en compte des primes de non logement ; du paiement des allocations familiales. Par ailleurs, il est indiqué que « les autres problèmes relatifs à la carrière des enseignants et à leur statut feront l’objet de concertations ultérieures selon un calendrier arrêté d’accord parties. Les syndicats et les collectifs ont pris acte de cet agenda ». Pour conclure, on apprend de ce document officiel que les membres des collectifs Ots ont accepté d’inviter leurs membres à arrêter l’opération « craie morte » et à suspendre le mot d’ordre de grève. C’est sur ce que le gouvernement a invité les membres de la communauté éducative à poursuivre normalement leurs activités pédagogiques sur toute l’étendue du territoire national, dans l’attente des diligences en cours. Ce document est signé par les collectifs des enseignants du secondaire, par les syndicats des enseignants et par le gouvernement.
La réaction de la classe politique
Patricia Toaïno Ndam Njoya, présidente nationale de l’Udc
« Le Gouvernement doit prendre immédiatement les mesures concrètes »
« Réitère son soutien total aux Enseignants dans la revendication pacifique de leurs droits légitimes acquis, et de l'amélioration de leurs conditions de travail ; prend note de la réaction du Collectif OTS, qui ne se reconnaît pas dans la signature du Communiqué ayant sanctionné la réunion tenue hier, 1er Mars 2022 à la Primature, ce qui dénote une tentative de manipulation de la part du Gouvernement ; prend bonne note de la réaction du Syndicat des Enseignants du Supérieur, Synes, au collectif OTS, ainsi que de l'adhésion massive et progressive des Enseignants à ce Collectif. Condamne l'attitude du Gouvernement visant à minimise l'ampleur et la gravité de la situation et son impact sur l'année scolaire et le rendement académique dans le pays. Demande au Gouvernement de prendre immédiatement les mesures concrètes pour une véritable réunion de concertation avec les principaux et vrais acteurs en vue de trouver des solutions concrètes assortie d'un chronogramme de réalisation sous le contrôle d'un Comité paritaire mixte chargé de son suivi. Soutient qu'en dépit du principe de l'unicité de caisse, le Gouvernement doit veiller à ce que les primes de correction des examens et concours, normalement inclus dans les frais de dossier soient versés en amont. En cette veille du 8 Mars, Journée internationale de la Femme, le visage de l’enseignant au Cameroun, de la maternelle au primaire, collège et lycée étant majoritairement au féminin, l’Udc, soucieuse de l’effectivité de la prise en compte de l’Egalite du genre dans les politiques publiques, exprime sa solidarité avec les enseignantes qui, non seulement sont les plus nombreuses, mais aussi, sont en proie, en l’absence d’un Code de la famille, aux violences sexistes, domestiques en plus de ces traitements inappropriés dénoncés dans le cadre général de tous les Enseignants ; par conséquent, en appelle à des aménagements tenant compte de ces discriminations ».
Al Imam Mohaman Saïne, le Secrétaire national du Mrc à l’éducation de base et secondaire, à l’éducation civique et à l’hygiène publique
« Le Mrc se tient aux côtés de tous les personnels de l’Éducation »
« Selon les informations qui nous sont parvenues à travers plusieurs canaux dont les médias sociaux, cette grève connait un large succès sur le terrain et bénéficie d’un soutien considérable de l’opinion publique nationale. Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) suit avec intérêt l’évolution de cette situation…Il faut noter que les revendications pertinentes dans leur entièreté ne sont pas méconnues du Gouvernement qui les a d’ailleurs reconnues lors de la rencontre du 18 février 2022 tenue dans les Services du Premier Ministre pendant laquelle les leaders du Mouvement ont estimé que les propositions du Gouvernement sont minimalistes et, de ce fait, inacceptables…Le Mrc considère que la grève entamée depuis lundi 21 février dernier par les enseignants du Secondaire est tout à fait légitime dès lors qu’elle s’inscrit dans la défense des droits des citoyens garantis par notre Constitution, et ce en usant des moyens non violents…Sur le total estimé à plus de 180 milliards de dette publique à l’égard des enseignants, le Gouvernement estime avec arrogance ne pas pouvoir dégager plus de 20% de cette enveloppe sur l’exercice budgétaire 2022 tandis que cette dette accroit de près de 60 milliards par an. Arrivé à cet état de choses, il nous parait clair que le pouvoir en place n’a aucune intention de proposer des solutions séreuses face à la montée des revendications. Au vu de tout ce qui précède, le MRC, suivant sa démarche républicaine constante : Se tient aux côtés de tous les personnels du secteur de l’Éducation et leur exprime sa solidarité profonde dans leur lutte contre la clochardisation et pour le droit à l’estime et au respect de leur profession ; Rappelle aux pouvoirs publics que les revendications permanentes des enseignants n’auraient pas lieu si le décret N° 2000/359 du 5 décembre 2000 portant statut particulier des fonctionnaires des corps de l’éducation nationale était appliqué. Ses articles 61 sur la rémunération et 65 sur le profil de carrière pourraient à eux seuls, en cas de bonne application, répondre à une grande part des revendications qui motivent la grève en cours des enseignants. Il réitère au Gouvernement la nécessité de prendre toutes les dispositions utiles pour l’application sans délai de ce décret ; de prendre les mesures adéquates pour répondre aux nouvelles considérations relatives au rétablissement de la bourse pour les élèves-professeurs et l'augmentation des primes dues pour le non-logement, la technicité, la recherche et l'évaluation ; Invite toutes les administrations concernées par les revendications des enseignants à apporter des solutions urgentes pour que cesse la grogne grandissante, afin que les apprenants qui ne demandent qu’à être bien formés continuent de bénéficier des précieux enseignements de leurs Enseignants ».
Jean Michel Nintcheu, député Sdf du Wouri, président régional Sfd du Littoral
« Je suis solidaire des revendications des enseignants Ots »
« Le Cameroun est particulièrement secoué depuis pratiquement deux semaines par la grève des enseignants du primaire et du secondaire. Si rien n'est fait, cette grève s'étendra à l'enseignement supérieur. On observera de ce fait une paralysie totale de l'éducation qui est un droit fondamental et inaliénable du citoyen inscrit dans notre Constitution et ratifié par le Cameroun à travers différents instruments juridiques internationaux. Je suis solidaire des revendications des enseignants qui ont lancé le mouvement OTS. Ils ont trop souffert. Il faut être criminel pour ne pas compatir à leurs souffrances. Ils sont ceux sans qui le pays ne serait et ne sera rien. Yaoundé gagnerait à satisfaire leurs revendications. La rémunération ne saurait être incompatible avec le travail effectué. Parmi les réclamations des enseignants, figurent l'attribution des matricules aux enseignants en attente de leur solde, le statut particulier de l'enseignant, le paiement des compléments de salaire, le paiement des avancements dont les arrêtés sont disponibles, la prise en compte des primes de non logement, l'intégration des vacataires etc. Le régime de Yaoundé, fidèle à son habitude, veut jouer à la roublardise. Ce régime doit sortir des menaces, des discours et éventuellement des promesses pour du concret. Tous ces problèmes soulevés par les enseignants peuvent et doivent être réglés. Il me revient que l'impact financier se situe autour de 180 milliards de Fcfa. En tant que député de la nation, j'estime que pour résoudre ce problème, en plus d'accélérer les procédures administratives et de sanctionner tous les responsables de cette inertie, il suffit sur le plan financier de pourchasser les gaspillages et de supprimer les dépenses inutiles et improductives contenus dans la loi des finances de l'exercice 2022 qui comporte des lignes opaques et des niches budgétivores entretenues par l'oligarchie régnante notamment les prédateurs de la fortune publique. La ligne 65 intitulé "Interventions de l'État en fonctionnement" a pour objectif de couvrir les charges non réparties de l'État en fonctionnement. 400.406 milliards de FCFA en 2022 contre 358,453 milliards de Fcfa en 2021. Soit une augmentation de 41.953 milliards de Fcfa. Toutes les institutions de l'État bénéficient pourtant d'un budget de fonctionnement. La ligne 65 ne contient aucune information sur les critères de sélection des bénéficiaires, la nature des bénéficiaires ainsi que les montants à allouer à chaque bénéficiaire. Cette ligne est porteuse de tripatouillages, de dissimulations et de maquillages du fait que les actions à entreprendre n'ont jamais été élucidées à l'avance et les comptes d'emploi n'ont jamais été détaillés. C'est une ligne fourre-tout de détournements de deniers publics à grande échelle. a) Les dépenses de fonctionnement somptuaires: le budget de 2022 comporte également des dépenses stratosphériques et brumeuses à même de renverser plus d'un camerounais à qui le régime de Yaoundé demande de faire preuve de résilience. À titre d'illustration : les dépenses de personnel se chiffrent à 1134,498.512 milliards de Fcfa dont 40,755 milliards de Fcfa sur la ligne « Autres personnels ». De quels autres personnels s'agit-il ? b- Les Dépenses des biens et services (858,589 milliards de FCFA) dont: - 66,382 milliards de FCFA pour l'eau, l'électricité, le gaz et autres. - 80,346 milliards de FCFA pour les matières, matériels et fournitures - 58,3 milliards de FCFA pour les frais de transport et de mission. - 16,54 milliards de FCFA pour le loyer- 223,426 milliards de FCFA pour le mobilier et matériel de logement et de bureau. Il faut cisailler de façon claire, limpide et utile les allocations budgétaires contenues dans ces lignes et affecter le gain de productivité tiré de cette opération à la résolution des problèmes cruciaux soulevés par le mouvement OTS. Nul n'a le droit de sacrifier l'éducation d'un peuple pour des intérêts bassement prébendiers. Pour provoquer l'effondrement d'un pays, il suffit d'assassiner son éducation. Pris dans ce sens, il est difficile de donner du tort à ceux qui pensent que c'est vers cette catastrophe que le régime de Yaoundé veut nous conduire en cette fin de règne ».
Propos recueillis par L.D.N.