Des enseignants ont initié un mouvement de grève le 27 février 2018 dans la ville de Yaoundé. Réunis au sein du Nouveau collectif des enseignants indignés, ils entendaient ainsi exiger le paiement de leurs arriérés de salaire et l’amélioration de leurs conditions de travail. Cette action a tourné court. Les manifestants n’ont pas eu le temps de suivre l’itinéraire fixé, qui incluait des sit-in au ministère des Finances, au ministère des Enseignements secondaires et à celui de la Fonction publique.
Les forces de maintien de l’ordre sur les lieux de la manifestation ont procédé à des interpellations. L’on parle d’environ 300 enseignants arrêtés. Certains seraient encore en détention, tandis que d’autres auraient été libérés hier.
Pour le moment, l’on n’en sait pas plus sur ce qui est reproché à ces enseignants. Ils ont d’ailleurs exprimé leur étonnement face à la réaction des forces de maintien de l’ordre, ce d’autant plus qu’ils n’ont reçu aucune notification d’interdiction de manifestation publique.
La grève du 27 mars 2017
Le Nouveau collectif des enseignants indignés rassemble les mécontents du Collectif des enseignants indignés. Ce dernier regroupement s’est illustré il y a environ un an dans le cadre d’une manifestation.
Le 27 mars 2017, en effet, le Collectif des enseignants indignés entame une grève. Le mouvement rassemble plusieurs centaines d’enseignants, diplômés des écoles normales de Yaoundé, Maroua, Bambili et Douala, venus des quatre coins du pays pour se plaindre de leurs conditions. Vêtus de leurs toges, ils s’asseyent sur les marches de l’entrée principale du ministère des Finances à Yaoundé.
Ils dénoncent le non-paiement de leurs rappels et de leurs salaires. Certains de ces enseignants avaient quitté les bancs depuis 2012, avaient rejoint leurs postes d’affectation mais tiraient le diable par la queue pour survivre parce que sans salaires et incapables de survenir à leurs besoins.
Le mouvement du 27 mars est encadré par la police et la gendarmerie. Personne n’est arrêté. Il faut préciser que le mouvement a été soigneusement préparé. Une campagne préalable (#Nopaynoschool) entretenue sur les réseaux sociaux a fédéré des milliers d’enseignants indignés par leur situation financière.
Suite à la grève du 27 mars, les leaders du collectif des enseignants indignés sont appelés à la table des négociations. A l’issue des pourparlers, le gouvernement promet une prise en charge financière rapide et intégrale, dès avril 2017, des plus de 20.000 enseignants concernés par cette situation. Un comité ad hoc est mis en place par le Premier ministre pour trouver des solutions aux problèmes qui requièrent une réflexion plus longue aux préoccupations posées par les enseignants.
Des mécontents dans les rangs
Au fil des semaines, la grogne se fait moins entendre dans les rangs des enseignants indignés. Tout semble calme jusqu’au 26 novembre 2017. A cette date-là, William Boaye Lihiki et quelques autres enseignants créent le Nouveau collectif des enseignants indignés, pour réunir les enseignants dont les dossiers de paiement restent en attente. L’argument mis en avant par ce nouveau groupe, est que les leaders du Collectif des enseignants indignés ont été corrompus et que, de ce fait, aucune solution n’a été trouvée pour leurs collègues en attente de paiement.
Un climat de suspicion et d’adversité s’installe dès lors. Des rumeurs d’une nouvelle grève circulent déjà. Le 4 décembre 2017, Jacques Bessala Ngono, le président du Collectif des enseignants indignés adresse une correspondance au ministre des Enseignements secondaires pour lui signifier que ses camarades et lui ne sont pas solidaires des « activités bizarres » du nouveau groupe qui s’est formé et « décline toute responsabilité découlant de toute action entreprise par les créateurs/membres de ces groupuscules, dont le vocable est une reprise subtile du nom de notre collectif ».
27 milliards de francs CFA payés
Et, pour répondre aux accusations de corruption, Jacques Bessala présente fièrement un bilan des avancées observées depuis la mise en place de la plate-forme de concertation avec le gouvernement. « Avant la grève du 27 mars 2017, à peine 10.000 dossiers financiers des enseignants avaient été payés. A ce jour, nous sommes à 38762 dossiers des lauréats des Ecoles normales supérieures (Ens) et des enseignants longtemps sur le terrain payés. Aujourd’hui, les lauréats qui sortent des Ens attendent trois mois au maximum pour que leurs salaires soient disponibles. Moi personnellement, j’avais passé 23 mois avant de toucher mon salaire. Est-ce que cela ne s’appelle pas des avancées ? Aujourd’hui, on en a fini avec les problèmes de complément de salaires, parce que lorsque vous sortez des écoles normales, on vous donne les 2/3 de votre salaire, en attendant que votre décret d’intégration soit signé. Une fois qu’il est signé, vous avez droit au complément de salaire. Mais c’était un chemin de croix pour obtenir ce décret d’intégration. Actuellement, dès que votre décret est signé et disponible, le même mois, vous avez votre complément de salaire. Il y a dix mois, l’Etat nous devait 35 milliards de francs CFA en arriérés de salaire. L’Etat en a déjà à payé 27. Et je dois vous dire que chaque fin de mois, qu’il pleuve ou qu’il neige, nous avons droit à 3 milliards de francs CFA, que le ministère des Finances nous accorde pour le paiement de la dette en arriéré de salaires. Le Premier ministre, dans une correspondance qui date du 17 janvier 2018, a sommé le Minfi d’arrêter de fractionner les rappels des collègues qui ont droit à l’intégralité de leurs rappels. Nous avons recensé plus de 15 mille cas (d’arriérés de paiement du 1/3 résiduel). Les rappels des diplômés de 2012 jusqu’à ce jour ont été payés », explique Jacques Bessala Ngono.
Motivations « bizarres »
Pas suffisant pour convaincre les membres du Nouveau collectif, qui jugent inefficace l’action menée jusqu’ici par le groupe présidé par Jacques Bessala Ngono. Celui-ci déplore leur impatience. Il va plus loin en estimant que le Nouveau collectif des enseignants indignés fait du chantage et que ses motivations sont « bizarres ». Malgré ce désaccord, hier mercredi 28 février 2018, les leaders du Collectif des enseignants indignés ont publié un communiqué pour annoncer une visite aux enseignants interpellés.
Mais, le groupe a tenu à préciser que « bien que n’approuvant pas la démarche/approche adoptée par ces collègues pour ce qui est de l’organisation des manifestations prévues pour les 27 et 28 février, le CEIC entreprendra et adoptera, en urgence, toutes les démarches qui s’imposent en vue de l’apaisement de la situation trouble qui prévaut, notamment pour ce qui est de la remise en liberté de nos collègues interpellé(e)s ».