Les obsèques des personnalités au Cameroun sont souvent l'occasion de manifestations publiques de deuil, mais également de luttes politiques pour le positionnement des acteurs. Cela a été le cas lors de la cérémonie d'inhumation de Jean-Bernard Ndongo Essomba, ancien président du groupe parlementaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti au pouvoir à l'Assemblée nationale. Son décès le 17 mars dernier a ravivé les ambitions politiques dans son département d'origine et d'élection, la Lekié, où deux acteurs politiques se sont affrontés en coulisses pour prendre le contrôle de la circonscription, renseigne Jeune Afrique.


Jeune Afrique dans son article précise que ;a Lekié revêt une importance particulière, même aux yeux du président Paul Biya. C'est dans ce fief, où l'ancien Premier ministre André Marie Mbida était originaire, que le chef de l'État avait choisi de lancer sa campagne pour la première élection présidentielle multipartite du Cameroun en 1992. Depuis lors, Paul Biya a toujours été attentif aux développements de cette région agricole, considérée comme un vivier électoral clé de la région du Centre. Et il s'appuyait sur Jean-Bernard Ndongo Essomba pour consolider son influence.

Jean-Bernard Ndongo Essomba, ancien membre de l'Union nationale camerounaise et homme d'affaires prospère dans le négoce du cacao, avait pu bâtir sa puissance politique depuis la Lekié, à la périphérie de Yaoundé. Il avait réussi à établir des connexions aussi bien dans les milieux économiques des planteurs que dans les arcanes politiques du pouvoir de Paul Biya. Au fil des années, il avait supplanté Henri Eyebe Ayissi, un autre ambitieux membre de l'élite locale, en occupant des postes clés dans la région.

Cependant, la rivalité entre Henri Eyebe Ayissi et Benoît Ndong Soumhet remonte à 2005, lorsque le président Biya avait choisi de nommer ce dernier comme directeur de l'École nationale d'administration et de magistrature (ENAM) plutôt que le candidat proposé par Jean-Marie Atangana Mebara, secrétaire général de la présidence à l'époque, qui était Henri Eyebe Ayissi. Depuis lors, les deux ministres se sont régulièrement affrontés, avec des tensions qui ont éclaté publiquement lors de réunions en 2015.

La rivalité entre les deux ministres a également trouvé un terrain d'affrontement dans la pré-campagne pour l'élection présidentielle de 2025, où ils ont cherché à mobiliser les populations de la Lekié pour soutenir une candidature de Paul Biya. Cependant, ils ont veillé à ne pas se croiser sur le terrain afin de revendiquer chacun le mérite d'un hypothétique "appel de la Lekié".

Le décès de Jean-Bernard Ndongo Essomba, connu comme le "roi du cacao", pourrait donner une nouvelle dimension à cette rivalité entre les deux ministres et les élites locales. La présence influente de Ndongo Essomba et sa proximité avec Paul Biya limitaient jusqu'alors l'affichage trop ostensible des ambitions politiques. Cependant, le parti au pouvoir, le RDPC, devra surveiller attentivement cette région pour éviter que des conflits internes ne profitent à l'opposition qui reste en embuscade dans le département.

Les prochains mois seront donc décisifs pour Henri Eyebe Ayissi et Benoît Ndong Soumhet. Qui obtiendra finalement les faveurs du président Paul Biya ? Y aura-t-il un successeur incontesté de Jean-Bernard Ndongo Essomba en tant que leader politique de la Lekié ? La bataille politique dans cette région stratégique du RDPC est lancée, et les enjeux sont considérables.