Actualités of Friday, 13 September 2024

Source: www.camerounweb.com

Guerre entre FECAFOOT et MINSEP: un ancien ministre porte de graves accusation contre Mouelle Kombi

Les deux protagonistes Les deux protagonistes

Dans cette tribune publiée sur Jeune Afrique, Adrien Poussou, ancien ministre centrafricain de la Communication et expert en géopolitique, analyse la crise qui secoue actuellement le football camerounais. Il porte un regard critique sur l'attitude du ministre des Sports, Narcisse Mouelle Kombi, dans son conflit avec Samuel Eto'o, président de la Fédération camerounaise de football. L'auteur s'interroge sur les motivations du ministre et les conséquences de cette querelle sur l'ensemble du sport camerounais, tout en appelant à un retour à l'ordre et au respect des règles internationales.


Lions indomptables : le ministre des Sports du Cameroun en fait-il trop ?
Narcisse Mouelle Kombi se verrait-il à la tête de la Fédération camerounaise de football ? Selon Adrien Poussou, son acharnement à combattre Samuel Eto’o, son actuel président, peut le donner à penser.


La déroutante constance du ministre camerounais des Sports, Narcisse Mouelle Kombi, à pourfendre avec une hargne insoupçonnée les décisions du président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), Samuel Eto’o, conduit à se demander si le ministre est véritablement dans son rôle.

Simple administrateur de la Fecafoot
Le flot de récriminations, dont Narcisse Mouelle Kombi inonde Samuel Eto’o, ainsi que l’interminable bras de fer qui les oppose autour de la sélection nationale, et qui connaît de nombreux rebondissements – s’enrichissant chaque jour d’un nouvel épisode –, finiront inéluctablement par éroder la crédibilité du ministre. Lui, qui est pourtant censé se placer au-dessus de la mêlée, éviter les conflits inutiles et user de diplomatie pour régler les différends.


On peut comprendre que le ministre n’apprécie guère le patron de la Fecafoot, avec qui il n’a rien en commun. On peut même admettre que les enjeux de pouvoir créent des tensions et de l’antagonisme entre les deux hommes. Sans doute que l’ancien international voit le ministre comme l’acmé des pratiques surannées tant décriées, auxquelles il tente de s’attaquer depuis son élection à la tête de la fédération. Pas étonnant que le titulaire du portefeuille des sports se méfie de lui à son tour. Doit-il, pour autant, transformer le ministère des Sports du Cameroun en une banale officine s’occupant exclusivement de la gestion du football ? On peut constater, sans cruauté ou mauvais esprit, que Narcisse Mouelle Kombi a une conception assez réductrice de son rôle.

En vérité, le ministre donne l’impression de considérer le football comme l’unique discipline sportive pratiquée au Cameroun, et il semble concevoir ses fonctions comme celles d’un simple administrateur de la Fecafoot. Alors qu’il y a plus d’une cinquantaine de fédérations sportives recensées dans le pays. Formulé autrement, pendant qu’il s’évertue à s’occuper uniquement des questions logistiques de l’équipe nationale de football, les autres fédérations vivotent, tirant le diable par la queue.

Contourner les règles de la Fifa et de la CAF
D’ailleurs, il est peu probable que, dans ce contexte d’effondrement des performances footballistiques du pays – comme si le Cameroun n’était pas la première nation africaine ayant atteint les quarts de finale de la Coupe du monde de la Fifa –, le ministre des Sports, tout accaparé à mener la vie dure à Samuel Eto’o, songe à s’occuper des autres fédérations sportives.

Sous le prétexte de se conformer aux « hautes instructions » du président Paul Biya dont les grandes lignes ont été tracées dans son discours du 10 février 2024, Narcisse Mouelle Kombi s’est découvert une nouvelle spécialité : contourner les dispositions légales, ainsi que les réglementations de la Fifa et de la CAF, semblant vouloir s’octroyer les prérogatives de président de la Fecafoot, à défaut d’exercer directement la tutelle de la fédération. De fait, son entêtement à vouloir court-circuiter Samuel Eto’o est la donnée essentielle du psychodrame sans fin qui agite les milieux footballistiques du Cameroun.

Certes, Samuel Éto’o n’est pas exempt de reproches, bien au contraire. Des erreurs, voire des fautes, lui sont directement imputables. Néanmoins, il devrait venir à l’idée du ministre des Sports et de ses soutiens qu’un discours présidentiel, fût-il celui de Paul Biya, et bien que comportant des directives (hautes instructions) ou des orientations diverses, ne saurait être érigé en norme juridique contraignante.
En revanche, les statuts de la Fifa, les règlements de la CAF et le décret de 2014, signé par Paul Biya lui-même, attribuant la « gestion administrative, sportive et technique des sélections nationales » à la Fecafoot, gagneraient à être appliqués dans leur intégralité, sans aucune sorte de restriction. Il est donc urgent de rétablir le primat du droit sur les considérations inavouables.

Car, en s’engageant dans une querelle digne de chiffonniers avec Samuel Eto’o, afin d’assouvir sa soif d’on ne sait quelle vengeance, le ministre des Sports ne cause pas seulement du tort à la fédération de football. Il fait de la mauvaise publicité au pays et ternit également l’image de marque des autorités camerounaises, réputées réfractaires aux fortes têtes. Pis, il accentue les clivages, les émiettements et les incertitudes, et expose le Cameroun aux sanctions des instances internationales du football.

Un bilan peu reluisant
Plutôt que se perdre dans des querelles stériles, Narcisse Mouelle Kombi ferait mieux de s’employer à la réhabilitation de l’ensemble des sports du Cameroun. La première étape consisterait à présenter son propre bilan à la tête du ministère. Par exemple, préciser à l’opinion publique le nombre des athlètes camerounais qui ont remporté des médailles lors des dernières olympiades ou indiquer la situation de l’équipe nationale de handball. Ces indications esquisseront un début de réponse, même s’il est fort à parier que ce bilan serait fort peu reluisant.

Le secrétaire général de la présidence du Cameroun, Ferdinand Ngoh Ngoh, sur le perron du palais présidentiel, à Yaoundé, le 17 mars 2023. © MABOUP
À commencer par la situation lamentable des installations sportives, en l’occurrence les stades, qui ont accueilli les matchs de la CAN 2019, dont la construction avait nécessité d’engloutir des milliards de francs CFA de fonds publics, et qui se révèlent aujourd’hui impraticables – la plupart ne disposant ni de l’homologation de la FIFA ni de la CAF.

En définitive, il ne faut pas nécessairement être un aficionado du ballon rond pour remarquer que depuis quelque temps, le football de la patrie de Roger Milla se trouve dans une situation aussi inédite qu’inquiétante. Et ce ne sont pas les résultats des deux derniers matchs disputés par les Lions indomptables lors des deux premières journées des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025, organisée au Maroc, qui vont permettre de sortir de la confusion.