Infos Santé of Saturday, 14 July 2018

Source: Le Messager

Hôpitaux publics: le business malsain autour de la transfusion sanguine

Des milliers de Camerounais meurent chaque année, par manque de sang. Des milliers de Camerounais meurent chaque année, par manque de sang.

Des jeunes qui vendent leur sang au quotidien, des prix qui varient d’une formation hospitalière à une autre, et d’un patient à un autre, la transfusion sanguine est un véritable marché noir au sein de certains hôpitaux à Douala.

Selon le ministère de la Santé publique, des milliers de Camerounais meurent chaque année, par manque de sang. En effet, la quantité de poches de sang disponible dans les hôpitaux de référence, est largement en dessous de la demande. Une situation malheureuse, dont se servent certains pour développer leur business.

Un marché noir

Comme des travailleurs à part entière, ils sont nombreux ces jeunes qui sillonnent les alentours de l’hôpital Laquintinie et de l’hôpital général de Douala, pour vendre leur sang. Selon des témoignages concordants, les prix de recrutement d’un donneur varient entre 5 000 et 10 000 francs. Une variation qui dépend de la rareté, ou de la disponibilité du groupe sanguin recherché. Mais aussi selon qu’on soit un connaisseur du circuit ou non.

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« La poche de sang coûte 35 000 francs à l’intérieur. Si tu viens avec deux donneurs, tu les payes à 10 000 francs chacun, et tu verse 17 000 francs à la caisse. Ce qui fait 37 000 francs pour deux poches », explique un membre du réseau. Avant de poursuivre : « dès que tu as toutes les informations sur la quantité et le groupe sanguin dont a besoin ton malade, vient me voir. Je vais te trouver des donneurs ».

Après des entretiens avec quelques personnes au sein et à l’entrée de l’hôpital Laquintinie, Le Messager a constaté que plusieurs jeunes s’adonnent à l’activité, au vu et au su des responsables de la structure médicale. Ils ont même un point de repère au sein de la structure. « Ils sont derrière le super marché Kado », nous indique un passant.

« Ces donneurs sont connus par les médecins, et à chaque fois que le besoin se fait savoir, ces derniers les appellent », se désole Damaris. La dame explique que, lors de la transfusion de sa fille, son frère avait été refoulé, sous le prétexte qu’il était atteint d’Hépatite B. Selon elle, il ne s’agissait que d’une manœuvre pour la contraindre à recruter un donneur dans les environs. Ce qu’elle a fait, contre la somme de 5 000 francs, plus une boîte de lait. « Après vérification dans un autre hôpital, on a constaté qu’il n’était pas malade », s’offusque-t-elle.

Un autre est devenu spécialiste de l’affaire, au point d’être recommandé aux nouveaux clients. Contacté, sans faire mention de notre qualité de journaliste, le monsieur nous demande d’apporter 35 000 francs pour une poche, plus le bon délivré par l’hôpital requérant, et l’échantillon du groupe sanguin recherché. A la question de savoir sur quelle identité nous devrions demander à le rencontrer une fois à l’hôpital, notre interlocuteur se méfie. « Dès que vous arrivez à l’hôpital, appelez-moi, je suis dans les environs », dit-il. Tout au long de notre conversation, il ne cessera de demander qui est-ce qui nous a remis son contact.

Des prix qui varient d’un patient à un autre

« Ma fille était hospitalisée à l’hôpital de Bonassama, et souffrait d’Anémie. Il lui fallait une poche de sang », confie Damaris. Faute de sang disponible au sein de la structure, on lui a délivré un bon, afin qu’elle se rende à l’hôpital La Quintinie pour l’achat de ladite poche de sang. « Quand je suis arrivé à Laquintinie, j’ai payé 20 000 francs CFA pour une poche. Et il m’a été demandé de venir avec deux donneurs, pour remplacer le sang qui m’a été vendu », explique-elle.

« J’avais fait un don de sang à ma nièce, hospitalisée à Laquintinie. Le médecin avait demandé à ses parents de venir avec deux donneurs, pour bénéficier d’une poche », se souvient Etienne. Selon ses dires, à chaque fois qu’on bénéficie d’une poche de sang, on doit rembourser deux. Faute de quoi il faudra payer 15 000 francs de plus, malgré qu’on soit venu avec son donneur. « Quand vous venez avec deux donneurs pour obtenir une poche, vous ne déboursez aucun frais », conclut-il.

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« Après une opération dans une clinique privée, mon épouse avait besoin de deux poches de sang », confie Michel. Faute de banque de sang au sein de ladite clinique, il a été commissionné à l’hôpital général de Douala, pour en acheter. « Au début, on a refusé de me vendre deux poches, prétextant qu’il n’y en avait pas assez », explique-t-il. Avant de poursuivre : « j’ai dû faire deux tour pour obtenir les deux poches, à hauteur de 20 000 francs chacune ». Une somme qui n’a pas empêché qu’on lui demande deux donneurs pour remplacer le sang qui lui a été vendu.

« Mon enfant devaient bénéficier d’une transfusion à l’hôpital général de Douala, et je n’avais pas de donneur. J’ai pleuré pendant longtemps, avant qu’un médecin consente à me servir du sang. Tout en me disant qu’il donnait la vie à mon enfant qui n’avait que deux ans. J’avais déboursé 26 400 francs », se remémore Carine. Voilà autant d’exemples non exhaustifs, qui renseignent à suffisance sur le trafic du sang dans les hôpitaux publics de Douala.