Aussi longtemps tardera que la mise en place effective d’un fichier national d’état civil informatisé, les données enregistrées dans le cadre de l’opération d’identification des abonnées au Cameroun, resteront peu fiables, soutient le Pr Moïse Timtchueng.
Après les bredouillements de son prédécesseur, Minette Libom Li Likeng a pris le relai pour poursuivre la supervision des opérations d’identification des abonnés dans le secteur de la téléphonie au Cameroun. Le Ministre des postes et télécommunications avait donné jusqu’au 30 juin dernier, aux opérateurs du secteur pour suspendre tout abonné non identifié. Ce qui fut fait. Seulement, les données fournies par les abonnés sont-elles suffisamment fiables ? A cette question, le Pr Moïse Timtchueng répond par la négative.
Dans la leçon inaugurale qu’il a faite vendredi 8 juillet 2016, lors de la cérémonie d’adoubement de 27 nouveaux agrégés, l’enseignant de droit privé en service à l’Université de Dschang, s’est focalisé sur ce sujet d’actualité. Pour lui, relativement au choix du nom, il y a un imbroglio couvert par la loi en vigueur au Cameroun et qui débouche sur l’insignifiance du nom. « L’Ordonnance de 1981 pose à son article 35 que le nom et prénom de l’enfant sont librement choisis par ses parents. Ce texte se garde des notions telles que le patronyme ou le nom de famille. Mais on les retrouve dans la loi n°69-LF-3 du 14 juin 1969 portant règlementation de l’usage des noms, prénoms et pseudonymes à ses articles 9 et 12», remarque d’emblée l’enseignant.
En plus ajoute-t-il, il serait chimérique de vouloir déduire de nos jours, l’origine d’une personne à partir uniquement de ce qui tient lieu de son patronyme ; encore moins par son prénom. Dans la mesure où, «en droit camerounais, l’attribution d’un prénom à l’enfant n’est pas obligatoire», précise Pr Moïse Timtchueng, se fondant sur l’article 39 de l’ordonnance de 1981 qui «laisse clairement entendre que l’attribution d’un prénom ne devient impérative que si les noms portés les enfants ne permettent pas de les identifier de manière non équivoque».
À côté de la difficulté qu’il y aurait à déceler l’identité réelle des personnes ayant les mêmes noms sans avoir de lien de parenté, il y a celle en rapport avec les populations du septentrion où, ce qui est le nom de l’un, est le prénom de l’autre, et vice-versa. «Dans les régions septentrionales du pays, il n’est pas rare de rencontrer un citoyen du nom d’Ahmadou Yérima, à côté d’un autre appelé Yérima Ahmadou. Dès lors, les éléments d’appellation de ces personnes crée nécessairement la confusion et l’insécurité», pense-t-il.
Après avoir étalé les limites de l’opération d’identification sur le plan de l’onomastique, tel que pratiquée actuellement, le Pr Moïse Timtchueng, l’un des majors du dernier concours Cames, rappelle l’urgence de l’instauration d’un fichier national informatisé d’état civil. Lequel selon lui, donnerait à notre système d’état civil une crédibilité et une fiabilité plus accrue au moins pour deux raisons.
Primo «sa mise en place suppose la collecte des données d’état civil dans tous les centres d’état civil au Cameroun et à l’étranger. Cette opération permettra de limiter les actes multiples dont une personne serait porteuse». Secundo «l’accessibilité du fichier national informatisé à tous les centres d’état civil via internet». Ce qui faciliterait l’authentification des actes produits en quelque lieu que ce soit, avant la certification des copies et extraits qui pourraient être sollicité par les usagers.
Ces suggestions font en effet partie des tâches dévolues au bureau national d’état civil (Bunec). Sauf que depuis sa création en 2011, la structure est restée transparente.