Actualités of Wednesday, 14 December 2016

Source: cameroon-info.net

Il ne faut pas exposer Biya à la CPI - William MANDIO

Peter William MANDIO, député RDPC du MBAM et INOUBOU Peter William MANDIO, député RDPC du MBAM et INOUBOU

Ancien journaliste et ancien Maire de NITOUKOU, l’Honorable Peter William MANDIO est Député RDPC du MBAM et INOUBOU. Il répond aux questions liées aux douloureux évènements survenus en zone Anglophone et commente la dernière activité parlementaire.

Mutations : Honorable, vous êtes devenu très silencieux depuis quelques mois, et ce nonobstant l’actualité brûlante. Est-ce une directive de votre parti ou alors un repli stratégique ?

Peter William MANDIO : Vous savez qu’en communication politique, il y a des paroles qui sont creuses et des silences qui sont lourds. A chaque étape d’une activité politique intense, il est impératif de marquer une pause et d’évaluer. L’actualité récente de notre pays secoué par la crise dite Anglophone commande que la parole qui est longtemps restée sous anesthésie se libère.

Mutations : Quel est le bilan de la dernière session parlementaire du mois de Novembre ?

Peter William MANDIO : Comme il est de tradition c’est une session consacrée à l’examen et au vote du budget pour l’année 2017. A l’analyse de ce budget, il est très ambitieux mais avec une légère pression fiscalo-douanière. Une priorité a été accordée à l’achèvement des grands projets structurants et l’octroi de moyens colossaux à nos forces de défense et de sécurité déployées sur le front de guerre contre BOKO HARAM. J’ai également apprécié l’activité intense des réseaux parlementaires.

Un accent particulier a été mis sur l’épineux problème du livre scolaire au Cameroun et la modernisation de notre Agriculture. Il est constant que le passage du Ministre de l’Economie et de la Planification dans l’une de nos commissions a marqué l’ensemble du parlement quant à l’exceptionnelle maîtrise des dossiers dont fait preuve ce membre du gouvernement. Il est à relever que cette session a connu également quelques remous et des débats forts enflammés notamment sur la question Anglophone.

Mutations : A propos de la question Anglophone n’a t-elle pas ruiné le semblant de cohésion qui existait entre les Députés ?

Peter William MANDIO : C’est une problématique très passionnante qui a suscité un vif intérêt dans toutes les chapelles politiques. Je dois à la vérité vous avouer que les « fédéralistes » et autres « sécessionnistes » se recrutent dans tous les camps politiques y compris dans le RDPC. J’ai été personnellement étonné des migrations idéologiques des uns et des autres au fur et à mesure que le débat prenait corps. Cela dit, ces débats font plutôt la vitalité et la solidité de notre parlement.

Mutations : A la clôture de votre session, le Président de l’Assemblée Nationale a vertement critiqué les parlementaires qui se retrouvaient dans les manifestations de rue portant des écharpes de l’Assemblée. Quel est votre avis sur ce sujet ?

Peter William MANDIO : Le comportement du Député est cadenassé par le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale. Nous avons un cadre de débats et d’actions bien défini. Il est donc impératif de questionner l’opportunité, la légalité et même la légitimité de nos collègues du SDF et de l’UPC qui se sont retrouvés dans les manifestations de rue à BAMENDA et à BUEA. En arborant les écharpes c’est –à-dire la République, je crois, qu’ils ont voulu se prémunir d’éventuels représailles tout en excellant dans un marketing politique en direction des populations révoltées.

Mutations : Justement, parlant de ces revendications formulées par nos compatriotes des régions Anglophones il y a eu ce débat enflammé sur le retour au Fédéralisme. Certains ont même envisagé l’hypothèse d’une sécession. Cette revendication vous semble telle fondée ?

Peter William MANDIO : Certains de nos compatriotes confondent tout. Le 1er Octobre 1961, marque uniquement, le jour de l’indépendance du southern et du NorthenCameroons conformément à la question à laquelle ces deux territoires sous tutelle de l’ONU ont répondu le 11 Février 1961. Le premier optant pour l’intégration de la République Fédérale du Cameroun est né après le 1er Octobre 1961 grâce à une révision de la constitution de la République du Cameroun adoptée après la conférence constitutionnelle de Foumban, dont les conclusions ont abouti, à la constitution instituant la République Fédérale promulguée en Mars 1962. Les gens veulent revenir à quoi ? Au territoire dont l’indépendance a été proclamée le 1er Octobre 1961, à Buea par le Président AHIDJO, qui avait reçu des mains du gouverneur Britannique, les attributs du pouvoir Exécutif, le 30 Septembre à Minuit ? Soyons sérieux. L’option Fédéraliste ou Sécessionniste qui tend à liquider les acquis, les fondements de notre Etat unitaire relève de la surenchère politique voire du suicide de notre vivre ensemble tant vanté que célébré.

Mutations : Leurs revendications seraient-elles infondées ?

Peter William MANDIO : Pas du tout. Au delà de la forme de l’Etat qu’on tente de remettre en cause, la plupart des problèmes posés sont réels et brillent même par une éloquente pertinence. Tenez ! La monopolisation des postes par nos compatriotes de culture dite Francophone dans les domaines de la justice et de l’Enseignement est révoltante. Il n y’a pas d’Anglophones dans la sphère décisionnelle. C’est un fait, c’est réel. La gourmandise affichée par l’élite Francophone dans la fixation des quotas lors des concours administratifs (ENAM, EMIA, IRIC etc…) est frappante. Il faut reconnaitre ces entorses et les corriger rapidement.

Mutations : Des premières mesures ont été prises par le Chef de l’Etat, mais la tension sur le terrain n’a pas baissé pour autant ?

Peter William MANDIO : C’est vrai que le Président Paul BIYA, sensible aux cris de ses compatriotes de cette partie du pays, a instruit ses collaborateurs de procéder par exemple à la traduction immédiate des textes OHADA et au recrutement de 1000 Enseignants de culture Anglophone. C’est à féliciter. Mais on aurait pu faire l’économie de cette crise si les gouvernants en charge de ces dossiers étaient plus ouverts au dialogue et proactifs.

Mutations : La violence observée sur le terrain laisserait penser que le problème est ailleurs ?

Peter William MANDIO : Je partage ce point de vue et vous fais une confidence. La question Anglophone a enflé au cours de la dernière session parlementaire. Nos compatriotes de ces zones ont été instrumentalisés par des forces endogènes et exogènes qui laissaient croire en petits comités, qu’une modification de la constitution était à l’ordre du jour et que l’une de ses dispositions porterait sur la création d’un poste de Vice-Président de la République. Les planificateurs du complot agitaient dans leur communauté linguistique le fait que ce poste reviendrait à un Francophone. Voila le détail de la surenchère politique qui a conduit à cette violence bête et aveugle.

Mutations : Vous insistez sur l’instrumentalisation des protestataires ?

Peter William MANDIO : Je m’incline à penser que le Président Paul BIYA fait face à quatre groupes d’adversaires qui pourraient tirer profit de la perpétuation de la violence en zone Anglophone.

Primo : L’élite Anglophone gouvernante, frustrée par la perte du contrôle de l’un des fauteuils parlementaires (SENAT et ASSEMBLEE NATIONALE), et résignée à occuper des postes Ministériels dits de moindre importance. Cette élite Anglophone RDPC tiendrait aujourd’hui à occuper le poste de vice-président de la République si ce dernier poste est crée.

Secundo : Les forces impérialistes et leurs suppôts locaux qui piaffent d’impatience et tiennent à écourter le bail du président Paul BIYA à Etoudi.

Tertio : La stratégie d’affaiblissement concoctée par les prisonniers de l’opération épervier et les potentiels clients de cette opération immensément riches aujourd’hui. Ils croient pouvoir échapper au jugement en finançant le chaos.

Quarto : Les forces politiques et le SCNC qui profitent de cette situation confuse, pour recruter et se faire une clientèle politique. La radicalisation du discours ambiant, et les velléités de repli identitaire mettront à coup sûr le RDPC en difficulté dans ces zones lors des prochaines échéances électorales. Vous mesurez avec moi l’étendue du complot de déstabilisation.

Mutations : Votre parti, le RDPC est descendu sur le terrain pour sensibiliser en organisant des Meetings ?

Peter William MANDIO : Je questionne jusqu’à ce jour l’opportunité et la justesse de ces meetings. La preuve, celui de Bamenda a viré au drame. La lancinante question est celle de savoir comment un parti qui est supposé être majoritaire et dominant dans ces villes peut être empêché de tenir un meeting public. Le constat est clair. Le personnel politique RDPC de cette zone souffrirait d’un déficit criard de légitimité.

Mutations : Certains médias ont évoqué la revue à la hausse du nombre de morts à BAMENDA et à KUMBA…

Peter William MANDIO : La perte d’une vie humaine est toujours à déplorer. Au cours de récents échanges, j’ai vivement conseillé à nos responsables de sécurité de privilégier le renseignement prévisionnel et l’encadrement des manifestations.

J’ai été surpris de constater que certains éléments zélés infligeaient des traitements inhumains et dégradants à nos jeunes étudiantes de l’Université de BUEA. C’est inadmissible. Les auteurs de ces actes blâmables n’aident pas le chef de l’Etat. Les vidéos circulent partout. Je fais partie des cinq parlementaires Africains cooptés par les Nations Unies et régulièrement consultés par le cabinet de la CPI lorsqu’il y a violations massives des droits de l’Homme dans un pays Africain. Il faut faire très attention et ne pas exposer le pouvoir du président Paul BIYA à la justice internationale.

Mutations : A vous entendre, le chef de l’Etat serait mal entouré ?

Peter William MANDIO : Quelques faits peuvent militer dans ce sens. Prenons les cas des animateurs du CODE à l’étranger qui perturbent les séjours présidentiels depuis une quinzaine d’années ou encore des leaders du SCNC qui hissent leur drapeau tous les 1er Octobre en zone Anglophone, au lieu de faire débloquer au chef de l’Etat des centaines de millions pour des missions avancées de sécurité ou de gestion de manifs, on gagnerait plutôt à procéder à la stratégie sophistiquée de l’infiltration – le noyautage – la discussion – le retournement puis le ralliement des contestataires. Le chef de l’Etat est un patriarche qui a un certain âge qui n’autorise pas qu’il soit exposé à des situations de stress permanent. Malheureusement, quantité de ses collaborateurs brillent par une incompétence et une étonnante déloyauté incurable.

Mutations : Comment pensez-vous qu’on puisse sortir de cette crise Anglophone ?

Peter William MANDIO : Il faut instaurer un climat permanent de dialogue et de confiance réciproque. Il faut rassurer ces compatriotes. Les problèmes de développement se posent partout au Cameroun. La floraison des memoranda est une manifestation non violente de ces malaises sociaux.

Nous devons aller vers l’effectivité des conseils régionaux avec une totale décentralisation. Le père de la Nation devrait aussi nommer aux hautes fonctions des élites plus légitimes et patriotes.

Entretien mené par Pascal DIBAMOU

Journal Mutations du 13 Décembre 2016