Actualités of Monday, 26 February 2018

Source: actucameroun.com

Insécurité alimentaire: une patate chaude dans les mains d’Eyebe Ayissi

Le ministre dégage sa responsabilité dans la montée de la faim au Cameroun Le ministre dégage sa responsabilité dans la montée de la faim au Cameroun

Après l’avoir bloqué pendant plusieurs semaines, le gouvernement a fini par autoriser, en fin janvier, le Programme alimentaire mondiale (Pam) «à partager avec les donateurs » le rapport sur la sécurité alimentaire au Cameroun. L’étude réalisée tous les cinq ans, conjointement par le Pam et le ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), est disponible depuis décembre 2017. Une restitution officielle des résultats de cette enquête n’est cependant toujours pas à l’ordre du jour. «Elle est du ressort du gouvernement camerounais qui l’a commandée», se défend-on au Pam.

En fait, l’affaire tombe mal pour les autorités camerounaises. En pleine année électorale, l’enquête met en exergue une contre-performance du pourvoir en place depuis plus de 35 ans sur la satisfaction d’un besoin élémentaire : manger à sa faim. De son nom officiel, Analyse globale de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité (CFSVA : Comprehensive Food Security and Vulnerability Analysis), l’étude montre en effet une dégradation de la sécurité alimentaire dans le pays. Le nombre de camerounais souffrant de faim est passé de 2,6 millions lors de la dernière enquête à près de 4 millions aujourd’hui.

La conférence de presse du 16 février dernier a permis au ministre Henri Eyebe Ayissi de faire le bilan des actions de son département ministériel en 2017 et de dresser les perspectives d’actions pour l’année 2018. Concernant la montée en puissance de la faim au Cameroun, l’on retient que «la situation alimentaire nationale demeure sous contrôle». Sans donner de chiffres, l’administrateur civil admet néanmoins une production déficitaire pour la campagne agricole en cours. Un recul qu’il attribue aux «facteurs externes»: l’insécurité, le climat (baisse de la pluviométrie dans l’Extrême-nord et arrivée tardive des pluies dans le sud du pays) et la lourdeur des procédures de passation des marchés publics (ce qui a empêché la disponibilité, au moment opportun, des semences et autres appuis aux agriculteurs…).

Face à cette situation, «des mesures d’urgence sont envisagées là où cela s’avère nécessaire, notamment dans la région de l’Extrêmenord », assure Henri Eyebe Ayissi. Le Minader pense précisément au «don alimentaire spécial du président de la République» distribué depuis 2014 dans cette région : «A la fin de l’année 2017, nous avons enregistré une mission spéciale prescrite par le président de la République concernant justement l’évaluation de la situation. Le don alimentaire spécial du président de la République, qui est un mécanisme de sauvegarde, permet d’assurer l’aide alimentaire d’urgence et en même temps, de renforcer les capacités de production qui existent. Nous considérons que la situation permettra d’apprécier l’opportunité de le déclencher. Nous avons de bonnes raisons de l’espérer», confie-t-il.

Plan d’action

Quid des régions du Nord-ouest et de l’Ouest, qui ont les taux d’insécurité alimentaire les plus élevés (respectivement 18,1% et 18% des ménages) après l’Extrême- nord (33,7%) selon CFSVA 2017 ? Le ministre Henri Eyebe Ayissi n’en dit rien. C’est que, à ce niveau, la planche est davantage savonneuse. Car, pour les experts du Pam, l’évolution de la faim dans ces régions est «très probablement» le fait «de la crise anglophone qui s’est intensifiée». A en croire le Pam, 41% des sondés dans le Nord-ouest disent avoir été affectés par l’insécurité alimentaire pendant les jours précédant l’enquête.

Parmi les priorités du Minader cette année, la lutte contre l’insécurité alimentaire figure donc en bonne place. Eyebe Ayissi l’a annoncé à ses collaborateurs venus lui présenter leurs voeux pour la nouvelle année, lors d’une cérémonie organisée ce même 16 février à Yaoundé. «Nous devons considérer comme une urgence prioritaire, l’augmentation de la production agricole dans son ensemble, dans les différentes filières et dans les différentes aires géographiques qui sont déficitaires parce qu’il faut réduire et maitriser les risques d’insécurité alimentaire», indique-t-il à son équipe.

Pour ce faire, il prescrit aux délégués régionaux et aux coordonnateurs des programmes de veiller à la bonne exécution des campagnes agricoles et à la mise à disposition à temps des intrants agricoles. Il invite aussi le personnel de son département ministériel à cultiver l’esprit de collaboration avec les autres administrations : «ce chantier requiert une synergie institutionnelle entre les ministères et une collaboration des différentes structures impliquées », précise le ministre.