Stopper l’anarchie et reprendre en main l’urbanisation de la capitale économique. Telle est l’ambition du nouveau schéma directeur d’aménagement urbain.
Où et comment caser les plus de 4 millions d’habitants que Douala abritera dans dix ans ? Grave question à laquelle sont confrontées les autorités de cette ville. Où la pression démographique fait naître des quartiers spontanés à vu d’œil.
Pour le moment, la situation est loin d’être sous contrôle. « Sous l’effet conjugué de la croissance démogra- phique et de l’exode rural, Douala se trouve confrontée à de graves difficul- tés », diagnostique le Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam).
La principale organisation patronale du Cameroun craint que cette poussée ur- baine devienne une menace pour la prospérité des entreprises. Les efforts des pouvoirs publics et des communautés locales ont rapidement été débor- dés avec la crise économique. Les plans d’urbanisation ont été abandonnés en laissant libre cours à une urbanisation anarchique.
La ville s’est retrouvée confrontée à de graves difficultés comme l’engorgement des réseaux linéaires (eau, électricité, routes), l’insalubrité et la dégradation de l’environnement, l’habitat précaire, la montée du grand banditisme, la prostitution, la désintégration des structures familiales et des liens sociaux, le chômage et l’insécurité.
« Pour Douala en particulier, la nécessité d’asseoir une maîtrise du développement humain, spatial, infrastructurel et social de la ville est décuplée par le rôle que joue la ville dans l’économie du pays et de certains de ses voisins. Douala concentre 35,1 % des entre- prises formelles, génère 61,4 % du chiffre d’affaires et offre 45 % des em- plois dans le secteur formel de l’écono- mie nationale », indique le Gicam.
L’ancien Plan directeur d’urbanisme, appelé « Plan d’Orian », élaboré il y a plus de cinquante ans et qui confinait la ville une superficie de 18 000 hectares, est aujourd’hui désuet. « Ce plan est de- venu plus une source de contentieux qu’un véritable guide de l'urbanisme », raille un cadre de la Communauté urbaine de Douala (CUD).
D’où la nécessité, selon le délégué du gouvernement auprès de la CUD, Fritz Ntonè Ntonè, de mettre en place un nouveau plan direc- teur d’urbanisme et un plan d’occupation des sols. Ce nouveau plan éclate les limites de la ville au delà de ses frontières administratives. A l’est, la capitale économique devrait s’étendre vers Edea. A l’ouest, l’extension naturelle de la ville vers Dibombari est désormais intégrée. Ce Plan directeur d’urbanisme prévoit notamment l’aménagement d’un
e zone logistique inté- grée au contact du port, de l’aéroport et du centre ville, la création d’un cen- tre des affaires modernes (Central business district) sur le plateau Joss et la construction d’autres infrastructures telles un Centre international de conférences, un Parc international des expo- sitions, des équipements marchands (marchés et gares routières), des loge- ments et des infrastructures routières structurantes, notamment un troisième pont sur le fleuve Wouri et une voie de contournement de la ville de Douala. Sont également prévus, de nouveaux hôpitaux et marchés pour déconges- tionner le centre urbain actuel.
« Le problème d’installation anarchique va être résolu par l’application du nou- veau schéma directeur, en anticipant sur les éventuels désordres », explique- t-on à la CUD. Des agents de la police municipale, déjà visibles dans les zones administratives et commerciales, vont également être déployés dans les régions périphériques de la ville.
L’objectif, explique-t-on à la CUD, est d’atteindre un corps de 500 agents. « Il nous parait plus simple de stopper une construction inappropriée, dès le début, que d’attendre la fin pour venir déguerpir une famille », aime à répéter Fritz Ntonè Ntonè.
Pour les quartiers les plus précaires, une des solutions actuelles consiste à viabiliser et à améliorer le cadre de vie. Un vaste programme de drainage plu- vial a été lancé grâce à un financement français de 82,5 milliards de francs CFA. Ce projet qui consiste à réaliser 39 km de canaux qui suivent les neuf cours d’eau des neuf bassins versants de la ville avec des exutoires calibrés de 9 km.
Ce financement inclut aussi l’amé- nagement des ouvrages de franchisse- ment routier, de passerelles pour piétons, l’aménagement des plusieurs quartiers défavorisés et la mise en place d’éclairages publics, de bornes fon- taines et d’embellissement paysagers pour changer l’allure des ces bidonvilles. A l’horizon 2025, quelque 260 km de drain et trois stations de traitement de boue de vidange sont envisagés avec l'extension des réseaux d'eau et d'électricité.
Mais plus globalement, l’ensemble des projets inscrits dans ce plan directeur dégagent un besoin de financement de l’ordre de 1 500 milliards de francs CFA pour les équipements publics, la voirie, le drainage et les programmes d’habi- tat. Une somme que le délégué du gou- vernement s’active à mobiliser, tant dans le cadre du partenariat public privé, que sur les marchés financiers et auprès de partenaires étrangers.