L'Inde a défendu sa décision d'interdire les exportations de blé après les critiques selon lesquelles cela pourrait aggraver la situation de l'approvisionnement alimentaire mondial dans le sillage de la guerre en Ukraine.

"Si tout le monde commence à imposer des restrictions à l'exportation... cela aggraverait la crise", a déclaré le ministre allemand de l'alimentation et de l'agriculture, Cem Ozdemir, après l'annonce de l'interdiction en mai.

Mais le ministre indien du commerce, Piyush Goyal, affirme que l'interdiction d'exporter ne devrait pas affecter les marchés mondiaux, car l'Inde n'est pas un grand exportateur de blé.

Quel a été l'impact de la décision de l'Inde ?

Hausse du prix du blé dans le monde

L'interdiction de l'Inde a été annoncée le 13 mai, après qu'un temps anormalement chaud ait affecté la récolte de blé, faisant monter en flèche les prix locaux.

Bien que l'Inde ne soit pas un grand exportateur de blé, cette décision a perturbé les marchés mondiaux, l'indice de référence du blé de Chicago ayant augmenté de près de 6 %.

Les prix de certains des principaux types de blé ont augmenté pendant plusieurs jours, atteignant un pic les 17 et 18 mai.

Les prix du blé avaient augmenté tout au long des mois de mars et d'avril après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, tout comme les prix d'autres denrées alimentaires.

En raison des perturbations causées par la guerre, des millions de tonnes de blé n'ont pas pu quitter l'Ukraine, qui est l'un des principaux exportateurs mondiaux.

Kelly Goughary, du groupe de recherche sur les données agricoles Gro Intelligence, explique que l'interdiction de l'Inde a entraîné une nouvelle flambée des prix car "les acheteurs mondiaux dépendaient de l'approvisionnement en Inde après la chute des exportations de la région de la mer Noire".

Qui a été touché par l'interdiction de l'Inde ?

L'Inde est le deuxième producteur mondial de blé, mais représente moins de 1 % du commerce mondial du blé. Elle en conserve une grande partie pour fournir des aliments subventionnés aux pauvres.

Mais juste avant d'annoncer l'interdiction, l'Inde visait à stimuler les exportations en expédiant un volume record de 10 millions de tonnes de blé cette année, contre seulement deux millions l'année dernière.

Elle proposait des livraisons à de nouveaux marchés en Asie et en Afrique, et même après l'interdiction, plusieurs pays ont déclaré être en contact avec l'Inde pour maintenir les exportations.

L'Inde affirme que certains pays continueront à recevoir des exportations de blé et qu'elle "continuera à aider ses voisins en cas de besoin".

Ses principaux marchés d'exportation sont le Bangladesh, le Népal et le Sri Lanka - ainsi que les Émirats arabes unis (EAU).

En 2019-20, le Sri Lanka et les EAU ont importé plus de 50 % de leur blé d'Inde, selon l'Observatoire de la complexité économique (OEC), et le Népal en a importé plus de 90 %.

On ne sait pas encore si ces pays obtiendront encore du blé indien dans le cadre des contrats existants, ou s'ils seront approvisionnés dans le cadre de futurs accords.

Toutefois, l'Égypte affirme que les achats publics de blé indien se poursuivront. C'est l'un des plus gros importateurs de blé au monde.

Le Fonds monétaire international a appelé l'Inde à reconsidérer l'interdiction d'exporter, affirmant qu'elle pourrait jouer un rôle important en contribuant à atténuer la crise actuelle de l'approvisionnement en blé des pays les plus touchés par la guerre en Ukraine.

Mauvais temps et prix des engrais

Outre la guerre en Ukraine, les conditions météorologiques ont eu un impact dans certains grands pays exportateurs de blé.

"La sécheresse, les inondations et les vagues de chaleur menacent les cultures dans certains autres grands producteurs [États-Unis, Canada et France]", explique Kelly Goughary de Gro Intelligence.

La production mondiale de blé pour la période 2022-23 sera la plus faible depuis quatre ans, et les stocks mondiaux de blé devraient être à leur plus bas niveau depuis six ans, selon un rapport du gouvernement américain.

Gro Intelligence souligne également que les prix mondiaux des engrais ont triplé au cours de l'année écoulée, ce qui risque de réduire "considérablement" les rendements des cultures cette année.

L'organisation estime que ce phénomène, conjugué à d'autres facteurs, signifie que les stocks mondiaux de blé ont atteint leur niveau le plus bas depuis la crise financière de 2008.

La Chine, premier producteur mondial de blé pour son immense population, a déclaré en mars que sa récolte d'hiver pourrait être la "pire de l'histoire" en raison des fortes précipitations de 2021.

L'incertitude demeure sur l'état réel de la récolte, et sur le fait qu'elle sera ou non gravement affectée.

Mais si c'est le cas, la Chine pourrait vouloir acheter sur les marchés mondiaux pour constituer ses stocks, ce qui resserrerait davantage l'offre mondiale et pousserait les prix à la hausse.