Politique of Friday, 27 October 2017

Source: lasymbiose-news.com

Issa Tchiroma: un caillou dans la chaussure de Paul Biya

Biya ne peut prendre le Cameroun dans la prospérité et le ramener à la misère - Issa Tchiroma Biya ne peut prendre le Cameroun dans la prospérité et le ramener à la misère - Issa Tchiroma

Nonobstant ses éructations tendant à présenter le chef de l’Etat comme étant l’homme qu’il faut à la place qu’il faut (ce qu’il refusait mordicus il n’y a pas si longtemps), le Mincom a certainement un agenda caché dont l’atteinte ne peut qu’être préjudiciable à l’Homme du Renouveau. Décryptage.

Retournement de Gandoura

« Biya ne peut prendre le Cameroun dans la prospérité et le ramener à la misère »

Ces propos d’Issa Tchiroma Bakari, il y a à peine une décennie, révèlent crûment la duplicité d’un politicien dont le chef de l’Etat doit se méfier. Lire notre décryptage des déclarations incendiaires du Mincom sur l’homme du Renouveau.

Voici 10 ans qu’Issa Tchiroma Bakary (ITB) montait au créneau pour fustiger celui qu’il sacralise et sanctifie aujourd’hui. Au point que l’on est en droit de se demander où se situe la césure entre le Biya parfait actuel et le Biya calamiteux d’hier. Oui, l’on ne peut que s’interroger sur ce qui peut bien avoir amené le Mincom à changer aussi radicalement de position vis-à-vis du même individu, passant d’un extrême négatif à un autre, des plus laudateurs. Et sans doute la réponse se trouverait-elle dans la magie du décret qui a porté l’ancien (?) opposant au gouvernement. Décision du président de la République qui, rappelons-le, relevait surtout de l’acceptation du leader du FNSC de faire sauter, début 2008, le verrou empêchant Paul Biya de briguer un 3ème septennat d’affilée. En effet, non seulement il avait publiquement soutenu cette réforme constitutionnelle pourtant décriée par ses pairs de l’opposition, mais bien plus il s’était investi dans le plaidoyer d’une telle modification, servant sur un plateau en or à l’hôte d’Etoudi un mets de choix. Celui qui permettrait à ce dernier de pouvoir dire : « Voyez, même de farouches opposants cautionnent ma décision… »

Car farouche opposant ITB l’était. Sans doute rempli de fiel pour le régime, ne serait-ce qu’en raison des longues années par lui passées au cachot, suite à la tentative de putsch d’avril 1984 où la gestion post-coup d’Etat ne l’avait guère épargné, bien qu’il se soit défendu d’y être pour quoi que ce soit. Le ton péremptoire qu’il utilisait alors pour clouer le régime Biya au pilori, le vouer aux gémonies, était sans équivoque, brillante traduction de la piètre estime en laquelle le Mincom tenait (faut-il vraiment en parler au passé ?) l’homme du 06 novembre.

Politicien de pacotille

Tenez: invité par un confrère alors à Magic FM, M. Tchiroma déclarait à son micro: « L’histoire de ce pays jusqu’ici n’a été écrite que par les thuriféraires du régime de M. Biya, par les gens qui lui sont redevables ». Il faisait ainsi pire que balayer d’un revers de la main le catéchisme officiel présentant le président de la République comme un digne envoyé de la Providence. En comparaison avec les bilans de son prédécesseur, présenté par M. Tchiroma comme ayant tout fait alors que son successeur aura tout détruit. Dénonçant la corruption des responsables publics adoubés par Paul Biya, d’autant plus à condamner qu’ils avaient au demeurant été formés à bonne école, ayant eu de bons exemples, d’excellents modèles, il avait affirmé : « Tous les collaborateurs du président Ahidjo sont morts misérables, tous ont des taudis, c’est deux fois rien ». Suivez son regard, eu égard à l’impressionnant parc immobilier de nombreux gestionnaires actuels de la fortune publique, pris par une véritable frénésie de bâtisseurs. Impudence et imprudence, pourrait-on dire à propos d’eux, le chef de l’Etat lui-même n’ayant pas encore achevé sa résidence au quartier Golf à Yaoundé, dont les fondations datent.

Poursuivant dans sa diatribe, le Mincom éructait : « M. Biya ne peut pas prendre le Cameroun dans la prospérité comme il l’a dit lui-même, et le ramener à la misère et s’attendre à ce que ses concitoyens continuent à lui faire confiance, à jeter leur dévolu sur lui ». Pour mieux comprendre la portée de ces allégations, resituons-les dans leur contexte, qui était celui d’avant une élection présidentielle. A en croire M. Tchiroma (qui fut du reste parmi ceux que l’on entendit dénoncer plus tard les résultats de ce scrutin remporté par Paul Biya), le mari de Chantoux ne méritant pas les suffrages des Camerounais, et il fallait donc s’attendre à ce que les urnes lui soient défavorables. Toute proclamation de résultats contraires ne pouvant forcément qu’être un faux grossier…

Revenant à M. Ahidjo alors qu’il déblatérait sur le concept d’unité nationale mis à mal par les tenants actuels du pouvoir, ITB poursuivit avec la même verdeur : « Il (Paul Biya, NDLR) ne veut pas de la réconciliation, la dépouille du président Ahidjo se trouve encore à Dakar ». Maintenant qu’il pare Paul Biya de toutes les vertus, dont celle de chantre du vivre-ensemble des Camerounais, on voudrait bien qu’il nous montre la sépulture du premier président camerounais à Garoua ou ailleurs sur le sol de ses ancêtres. D’après M. Tchiroma, il n’appartenait point à la famille de l’illustre disparu de mener des démarches pour le rapatriement des restes de M. Ahidjo, celui-ci appartenant à tous les Camerounais. L’on a ici un autre spectaculaire revirement d’ITB qui, il n’y a pas longtemps, déclarait le contraire sur le plateau de la chaîne de télévision Vox Africa, alors qu’il était interrogé sur cette évolution de sa position. Toute honte bue, il affirma récemment qu’il revient à la famille, notamment à la veuve ou aux orphelins du défunt, de piloter une éventuelle opération de retour au bercail de ce qui reste de la dépouille du premier président. Vous avez dit reniement ?

1. Tchiroma qui pourfendait l’incurie du régime refusait mordicus qu’on trouve des circonstances atténuantes au chef de l’Etat, qui pour certains serait victime des turpitudes de son entourage, et serait trahi par de hauts commis de l’Etat en qui il a mis sa confiance. « Que les gens cessent de dire que le président Biya est bon et ses collaborateurs sont mauvais. Le président Biya l’a dit lui-même ; il suffit qu’il opine de la tête pour dégager toute personne qui ne lui convient pas». Avant de poursuivre sur la même lancée, enfonçant le clou couteau entre les dents : « Qu’on cesse donc de faire des autres des boucs émissaires (…) puisque le président Biya est seul comptable ».

Dans son esprit revanchard, ITB allait même jusqu’à dénier à M. Biya le principal argument généralement présenté pour magnifier son action à la tête de la nation. Celui de la paix dont il est garant, et qu’il aura réussi à maintenir en dépit de l’intérêt des uns qui s’entrechoque à ceux des autres. Morceau choisi de ce sujet sur lequel s’épanchait alors ITB, pour faire pâlir l’aura du chef de l’Etat : « Le Cameroun est calme. Et s’il y a paix, c’est la paix des cimetières. Regardez le culte de la personnalité auquel on procède aujourd’hui au niveau des médias officiels, c’est simplement inacceptable ! ».

Roublardise

L’on doit se pincer pour être sûr de ne pas être en train de rêver. Est-ce bien le même individu dont le lyrisme abscons, de nos jours, tresse des lauriers mirifiques à Paul Biya, avec des figures de style relevant de l’idolâtrie ? Lui en tant que Mincom, ne voit-il pas le regain de griotisme de la CRTV et de Cameroon Tribune, dont les commentaires sur le chef de l’Etat ne dépareraient pas dans la pravda stalinienne où le Petit père des peuples remplaçait le Christ ? M. Tchiroma ne se contente point d’observer le traitement disproportionné qui est réservé aux moindres mimiques du chef de l’Etat, sur lesquelles l’on ratiocine à l’envi. En donnant de béates explications au moindre de ses tics, à ses gestes les plus anodins. Car il y contribue plutôt grandement, usant et abusant de sa stature autoproclamée de porte-parole du gouvernement, pour tenir le crachoir plus souvent qu’à son tour. Surtout que l’homme aime s’entendre parler, et ne boude guère son plaisir lorsqu’il a en face de lui un auditoire. A défaut de pouvoir parler à un groupe de militants de son parti tant ses rares meetings sont clairsemés, il se rabat volontiers sur les pauvres hommes et femmes des médias, régulièrement invités contre espèces sonnantes et trébuchantes pour couvrir ses nombreuses conférences de presse, qu’il tient sur tous les sujets. Mais dont le dénominateur commun est d’encenser le don du ciel qu’est le président Biya pour le Cameroun.

Celui qui ces temps se pose en rempart inexpugnable du chef de l’Etat, au point de clamer qu’il faudrait lui passer sur le corps si on en veut à la personne du chef de l’Etat, disait voici dix ans : « Il faudrait que le peuple baroudeur se réveille et qu’il se dise : non, on doit construire la prospérité basée sur la solidarité, basée sur l’équité, sur la justice, et non aujourd’hui sur des mensonges grotesques ».

1. Tchiroma qui, dribblant ses amis de l’opposition avait tourné casaque pour entrer au gouvernement, regrette-t-il aujourd’hui ces propos lorsqu’on les lui fait réécouter ? « J’assume tout ce que j’ai dit», assène-t-il dans une posture qui ressemble davantage à de la bravade. Il se justifie en ces termes : « J’étais un opposant pur et dur (…). J’étais le représentant de la coalition qui voulait arriver au pouvoir. (…) C’est le métier des politiciens de caricaturer la vérité». Evidence que paradoxalement il refuse de reconnaitre aux opposants actuels, après avoir fait défection en transfuge sans état d’âme, voire sans âme, pour rejoindre le camp de l’adversaire. Jouissant sous les ors de la république, des privilèges dus et indus à son rang, il n’a de cesse depuis de chanter les louanges de celui qui l’a tiré de la dèche, comme si son maintien aux affaires est tributaire du degré de flagornerie et de larbinisme dont il fait preuve au quotidien. Tant et si bien que même les humoristes en font leurs choux gras et s’en donnent à cœur joie sur ce qu’il nous sert, eux qui brocardent sa manière éhontée de passer la brosse à reluire au chef de l’Etat. Il en fait tellement, que l’on ne peut souvent s’empêcher de penser à ce penseur qui disait : « La bêtise humaine est la première chose qui donne une idée de l’infini ». Il en fait tellement, que l’on se demande pourquoi il ne suit pas les traces d’un Jacques Bimaï qui a sabordé son micro-parti (comme le Front national pour le salut du Cameroun-FNSC de Tchiroma) pour rejoindre avec armes et bagages le RDPC. Si en effet Paul Biya est tel qu’il le dépeint, et mérite bien le soutien total et enthousiaste de l’ensemble de ses compatriotes, pourquoi ITB ne le rejoint-il pas dans sa formation politique, au lieu de continuer comme il la fait encore avec sa faction à lui ? Déjà que pour ce qui est de porter Paul Biya au pinacle, il s’agite plus que les pontes du parti des flammes. Que M. Tchiroma s’assume jusqu’au bout, pour enfin montrer à Paul Biya qui n’est certainement pas dupe, qu’il joue franc jeu. Chiche !