Actualités of Monday, 11 January 2016

Source: carmer.be

Je n'ai pas peur pour ma vie - Paul Eric Kingué

Paul Eric Kingué Paul Eric Kingué

Cameroun -Paul Eric Kingué: "Je n´ai pas peur pour ma vie parce qu´en réalité je n´en ai plus" :: CAMEROON Depuis sa sortie de prison en juillet 2015, beaucoup se demandent ce qu´est devenu Paul Eric Kingué, l´ancien maire de Njombé-Pendja qui a passé 8 ans en prison pour une affaire politique qui l´opposait à l´Etat du Cameroun. Reclus dans une retraite sabbatique de huit mois qu´il s´est imposé lui-même, c´est un homme-courage, très engagé mais prêt à enfiler sa nouvelle casquette de défenseur des droits de l´homme au Cameroun qui sera bientôt à Londres, que camer.be a inopinément croisé sur son chemin et en a profité pour prendre de ses nouvelles.

"8 mois de repos qui correspondent aux 8 années passées en prison"

"J´évite de faire une sortie médiatique. Je dois préparer ma sortie, car il faut éviter qu´elle soit faite de manière alambiquée" a-t-il tenu á préciser d´entrée de jeu. Mais en réponse sur son silence depuis sa libération, le désormais illustre prisonnier des cellules de Nkongsamba, puis de Douala explique qu´" il a mis 8 ans de pression psychologique et de stress et qu´il faut un minimum de 8 mois de repos. Je me suis légèrement retiré pour dormir de temps en temps parce que j´avais accumulé un stress énorme qui pouvait á la limite, m´emporter". " Vous avez vu la situation de Lapiro de Mbanga. Il est sorti de prison, a mis seulement quelques mois et il est décédé. Paix à son âme!" a-t-il conclu son explication.

Le prix Amnesty International

Au cours de cette conversation tout á fait fortuite, Paul Eric Kingue va annoncer qu´il sera à Londres le 23 janvier prochain pour recevoir le prix de "Défenseur des droits humains que l´ONG Amnesty International a décidé de lui attribuer. En effet, des organisations internationales de défense des droits de l´homme comme la Fédération internationale de défense des droits de l´homme, FIDH, ou Amnesty international avaient qualifié Paul Eric Kingue de " Défenseur des Droits humains" dans leurs différents rapports pendant ses longues années d´incarcération.

Mais il a vite fait d´indiquer qu´" Il n´arrive pas là-bas (Londres) pour des problèmes politiques parce qu´il veux d´abord donner du sien pour la société civile avant donc d´annoncer ou non son retour en politique. Il a ajouté qu´"il est important que ce que j´ai vu et vécu, que je m´investisse pour le changement d´un Cameroun pour le respect et le renforcement d´un Etat de droit au Cameroun".

Pour ce faire, Paul Eric Kingue est en voie de créer une fondation de défense des droits de l´homme au Cameroun. C´est dire que, malgré le retrait sabbatique de huit mois qu´il s´est imposé lui-même, l´homme est très actif. Les statuts sont déjà bouclés et vont être déposés dans les prochains jours "pour que le combat pour les droits humains soit définitivement engagé" ; des séances de travail avec les membres ont régulièrement eu lieu et l´association porte le nom de Fondation Junior Kingue dont le rôle va être de renforcer l´Etat de droit au Cameroun.

" Ce qui est sûr, je reviens sur le terrain dans les prochaines semaines. Je reviens sur le terrain, mais je commence par le canal de l´ONG parce que le travail d´une ONG est un travail collectif alors que les ambitions politiques sont parfois des ambitions individuelles", selon lui.  

Et pourquoi une association qui porte le nom de son défunt fils? PEK l´explique longuement en ces termes:

"Parce que Junior Kingue est un enfant qui décède comme conséquence collatérale d´absence d´un Etat de droit, c´est à dire que le père de Junior Kingue est en prison. Junior Kingue n´est pas malade, mais un matin son père demande qu´on lui fasse un check-up et Junior Kingué de se retrouve dans un hôpital. Donc, il a marché de ses deux pieds. Parce que son père n´était pas là, on lui donne le sang O- alors qu´on devrait lui donner le sang O+. Junior Kingue tombe sur la table et décède. Voilà l´histoire de Junior Kingue".

Il faut éviter que ce qui est arrivé à Junior Kingue arrive aux autres enfants au Cameroun parce qu´en réalité, si le père de Junior Kingue était libre, parce que s´il y avait un Etat de droit, peut-être que le père de Junior Kingue aurait dit au médecin, monsieur avant de faire la transfusion, vérifiez d´abord le groupe sanguin, vérifiez d´abord son rhésus.

L´absence d´un Etat de droit a entrainé comme conséquence le décès d´un enfant qui, en réalité ne méritait pas de décéder á ce moment-là. Que l´on me parle d´erreur médicale, vraiment ca peut arriver, mais on ne peut pas donner un sang contraire à un enfant sans des examens préalables".

Son combat

"Je ne veux pas résumer le combat à une affaire de Paul Eric Kingue. Je ne veux non plus résumer cela à une affaire de Junior Kingue. Junior Kingue est mort. Pour moi, c´est terminé; le pardon doit prendre le dessus maintenant. Ce qui doit me préoccuper, c´est le Cameroun; ce sont les populations du Cameroun. Ce sont ces abus que l´on vit au quotidien, que vous vivant là-bas, semblez ne pas comprendre de quoi je parle".
Plus précis, PEK va citer quelques cas d´abus vécus. " Ici là, pour un rien on vous enlève votre maison, on casse, on prend tout. On prend Untel on jette en prison; si tu parles c´est l´oncle colonel qui vient arrêter l´autre. En fait c´est un fourre-tout. Le Cameroun, il me semble, n´est plus un Etat normal". C´est un Etat paranormal comme le disait à l´époque mon ami et voisin de chambre à l´université de Yaoundé, feu Charles Ateba Eyene. Or, ma contribution, c´est d´essayer de rendre cet Etat normal et  je suis légitime pour le faire parce que ce que j´ai vécu, trop peu de camerounais l´ont vécu?

A la question du reporter de camer.be de savoir si Paul Eric Kingue n´a pas peur pour sa vie. Sans fioritures, il répond : " je n´ai pas peur pour ma vie parce qu´en réalité je n´en ai plus. En réalité, lorsqu´on vous prend votre fils qui décède et que le foyer implose, de quoi devrait-on encore avoir peur?".

Quoiqu´installé à Yaoundé, la cité-capitale, où il a décidé de se retirer pour évacuer les huit années de stress accumulé pendant son incarcération, Paul Eric Kingue continue de communier avec les populations de Njombé-Pendja dont la défense de leurs intérêts lui a valu ce procès contre l´Etat du Cameroun. " Je suis en communication au quotidien avec les populations". Plus précis encore, il indiquera au reporter de camer.be qu`"elles  ont besoin de moi. Elles voulaient fêter avec moi à Noel et à Nouvel An. Je leur ai dit : donnez moi 8 mois qui correspondent á 8 ans de stress. Je suis au téléphone tous les jours avec les populations qui m´appellent, me souhaitent les vœux, qui attendent très vite que je finisse de me remettre et que je revienne sur le terrain".

"A ma sortie de prison, se rappelle-t-il encore " j´étais triomphalement accueilli par ces populations. Je ne m´attendais pas à voir près de 6.000 personnes amassées au bord de la route, autant de personnes entrain de célébrer mon retour. Du jamais vu au Cameroun. Pour moi, c´est encore très, très, très fort".

Avant de se quitter, Paul Eric Kingue indiquera qu´il vit grâce aux aides et au soutien des amis, de son comité de libération, de la diaspora et de toutes les âmes de bonnes volontés qui le soutiennent dans son combat depuis le début.