Politique of Wednesday, 17 August 2016

Source: camer.be

Jean-Michel Nintcheu : L'éternel activiste et frondeur du SDF

Jean-Michel Nintcheu Jean-Michel Nintcheu

Le député est au front contre le régime depuis les années 90.

L’histoire de Jean-Michel Nintcheu s’apparente à celle de Pius N. Njawe. Comme le défunt fondateur et directeur de publication du quotidien Le Messager, l’actuel député du Social Democratic Front a connu la douloureuse épreuve de la privation de liberté.

L’interpellation des deux hommes survient pendant les années dites de braise, caractérisées par les « villes mortes ». Pius Njawe est accusé d’outrage à l’autorité du président de la République au lendemain de la publication d’une lettre incendiaire de l’économiste Célestin Monga intitulé « La démocratie truquée ». J. M. Nintcheu, lui, est accusé de troubles à l’ordre public, en cette année 1993.

C’est lui qui, durant les revendications de l’alternance politique au Cameroun, au début de la décennie 1990, imprimait les « cartons rouges contre Paul Biya », une sorte de laissezpasser imposé à l’époque aux habitants de la ville de Douala, qui était à feu et à sang. A  cause des déboires judiciaires et pénitentiaires de son mari, l’épouse de P. Njawe perdit la fille qu’elle portait dans ses entrailles.

Néanmoins, le géniteur donna à titre posthume à cette enfant qu’il ne vit jamais des yeux, le symbolique nom de Freedom Njawe. De même, au terme de sa garde à vue au commissariat du 11ème arrondissement de Douala – la « Gestapo » selon lui –, l’épouse de Nintcheu, elle aussi enceinte à l’époque, mit au monde un enfant (son 6ème) présentant une malformation congénitale.

« La police s’est vengée en séquestrant toute ma famille. Mon épouse enceinte, mon frère cadet, mes cinq enfants, alors âgés entre 11 et 3 ans, et mon chien Pluton ont vécu deux semaines d’enfer dans les cellules du commissariat dont je m’étais échappé », disait-il en 2011 à notre confrère L’Actu, à l’aube de l’élection présidentielle qui se tint cette année-là.

Martyrs

En fait de martyr, le député Sdf du Wouri-Est se considère comme tel. Il est l’initiateur, le 23 février 2008, du grand meeting populaire qui allait dégénérer et provoquer, dès le 1undi 25 février de la même année, les « émeutes de février 2008 », qui faillirent faire vaciller le pouvoir du président Paul Biya. Malgré le retrait, la confiscation de son passeport et son interdiction de sortir du pays consécutivement à ces mouvements de rue qui coûtèrent la vie à une centaine de ses compatriotes (les « martyrs » selon lui), Nintcheu n’a pas renoncé au combat.

C’est ainsi que, le 23 février 2011, il lance la première édition de la « semaine des martyrs » en souvenir des victimes des « émeutes de la faim ». Une initiative personnelle souvent mal appréciée par certains caciques du Sdf, qui y voient une indiscipline caractérisée. J. M. Nintcheu avait rejoint ce parti politique en 1996 suite à la fusion de son propre mouvement, le Rassemblement pour la Patrie (Rap), avec le Sdf.

Une alliance stratégique qui lui valut d’être le vice-président national du premier parti de l’opposition. Trois ans plus tôt, le Rap avait vu le jour à la suite de la dissolution par le gouvernement du Comité pour l’action populaire et la liberté (Cap-Liberté), un autre mouvement qu’il fonda avec Henriette Ekwè, Antar Gassagay, Senfo Tonkamd, dans l’optique initiale d’exiger la libération immédiate et inconditionnelle de Pius Njawé et de Célestin Monga, auteur de l’article à l’origine de leur arrestation.

Nintcheu avait pris la tête de Cap Liberté en décembre 1992 après le départ en exil de Djeukam Tchameni, un des cofondateurs.

Suspension

Depuis lors, il a fait son chemin, se faisant élire député Sdf du Wouri-Est, en 2007, au terme de la reprise des législatives dans cette circonscription électorale que perdait pour la première fois la députée du Rdpc Françoise Foning. Jusqu’à sa suspension, il y a quelques jours, pour une durée d’un mois, il cumulait cette casquette avec celle de président régional du Sdf-Littoral. Ce fils du Haut-Nkam (Ouest), né le 15 janvier 1959 à Banka, ancien élève des collèges Saint-Paul de Bafang et Saint-Michel de Douala et du lycée Polyvalent de Bonabéri, est titulaire d’un diplôme de commerce obtenu en 1984 à l’Ecole de commerce de Toulouse en France.