La sentence qui sera prononcée ce jour marquera le deuxième verdict rendu dans l’affaire Camair contre l’accusé Yves Michel Fotso en l’espace d’une semaine. A l’orée de cette procédure, l’ancien directeur général de la défunte compagnie aérienne du Cameroun est accusé d’un détournement de 69 milliards FCfa.
Le ministère public sollicite une disjonction de procédure, c'est-à-dire qu’il y ait deux procès distincts autour de cette affaire. Les avocats d’Yves Michel Fotso s’opposent à cela. Le Tribunal donnera gain de cause à l’accusation en optant pour la disjonction. C’est alors qu’on voit apparaitre le volet1 de l’affaire Camair et le volet 2 de l’affaire Camair.
Dans le premier « tiroir », il est reproché à Yves Michel Fotso un détournement de 31,8 milliards FCfa. Dans le deuxième « tiroir », l’homme d’affaires répond de malversations financières de l’ordre de 18,9 milliards FCfa. De 69 milliards FCfa au départ, au bout, il répondra d’un détournement global de 50, 8 milliards FCfa. De ces procès là, Yves Michel Fotso ne veut même pas en entendre tousser. Le collectif d’avocats qui se dresse à ses côtés pour assurer sa défense multiplie des exceptions de nullité. Elles sont toutes rejetées.
Les débats au fond finissent par s’ouvrir. Ils sont momentanément stoppés dans les deux procédures lorsque Fotso se propose de rembourser. D’abord sa maison évaluée à plus de 1,7 milliard FCfa. La somme de 1,7 milliard représente les termes du protocole d’accord signé entre Fotso et le liquidateur de la Camair. En d’autres termes, il s’agit de ce dont Fotso et la liquidation de la Camair ont convenu ensemble comme somme à imputer à l’ancien Dg.
Cash
L’accusation qui comprend le parquet, l’Etat du Cameroun et la liquidation de la Camair refusent la proposition de remboursement en nature. Ils veulent du cash. Pis, l’Etat du Cameroun dit n’avoir pas été partie au protocole d’accord donc ne reconnait pas ce montant de 1,7 milliard FCfa. Le Tribunal à son tour rejette la proposition de restitution en nature. Fotso demande le déblocage de ses comptes bancaires pour pouvoir restituer en espèces. On lui marque une fin de non recevoir.
Il réussit à rassembler par divers moyens la somme de 1,7 milliard du protocole d’accord. Croyant avoir ainsi restitué le corps du délit, il écrit au ministre de la Justice et au procureur de la République près le Tcs pour solliciter l’arrêt des poursuites. La dernière personnalité citée finit par lui répondre le 9 novembre 2015.
« J’ai l’honneur d’accuser réception de votre correspondance de référence sollicitant l’arrêt des poursuites en cours au Tribunal criminel spécial contre Yves Michel Fotso, comme conséquence de la restitution en numéraires du corps du délit, notamment de la somme de 1.750.661.335 FCfa, en exécution d’un protocole d’accord transactionnel. Je vous rappelle que votre client est poursuivi dans le cadre de deux procédures distinctes pour des détournements respectifs de 18.991.544.17 FCfa pour le volet 1 et de 31.848.316.370 FCfa pour le volet 2. Vous voudrez donc, afin de me permettre d’instruire pertinemment votreb requête et en application des dispositions des articles 4, 5 et 9 du décret n° 2013/288 du 4 septembre 2013 fixant les modalités de restitution du corps du délit, me faire tenir la preuve du versement intégral desdites sommes dont le montant s’élève à 50.839.860.497 FCfa, dans le compte n° 7713 ouvert à cet effet au Trésor public ».
Le procureur général du Tcs fait ainsi savoir à Yves Michel Fotso que la somme de 1,7 milliard FCfa qu’il a remboursée ne correspond à rien dans les deux procédures et que pour bénéficier éventuellement d’un arrêt des poursuites, il devrait rembourser la somme de 50 milliards FCfa, seul montant que le Tcs reconnait comme étant le corps du délit imputé à Yves Michel Fotso.
Le 11 novembre 2015, les conseils de Fosto reviennent à la charge. « La lecture de votre correspondance pour le moins lapidaire et péremptoire a suscité notre plus grande perplexité et notre incompréhension totale. La partie civile ayant arrêté son préjudice avec l’accord de l’accusé à la somme de 1.750.661.315 FCfa et cette somme ayant désormais été réglée en totalité, il est juridiquement impossible que M. Fotso soit condamné à un montant de dommages supérieurs, dans l’hypothèse même où par extraordinaire il serait reconnu coupable de tous les faits visés dans les volets 1 et 2.
De plus, ce dossier trouvant son origine dans une plainte avec constitution de partie civile de la liquidation Camair –ayant donc mis en mouvement l’action publique et non le parquet-, aucune nouvelle prévention n’est visée dans aucune des ordonnances de renvoi prises en février 2014.
Il n’est en aucun cas possible que le ministère public attende le versement d’une somme supplémentaire, sans aucun fondement factuel. Dans ces conditions, l’Etat ne saurait exiger plus au titre de la restitution du corps du délit que ce que l’unique partie civile a réclamé et obtenu, sans commettre une instrumentalisation de la justice », martèlent les avocats de Fotso.