Le 8 avril dernier Edith Kah Walla, leader du parti d’opposition Cameroon People’s Party, a été incarcérée avec d’autres militants au siège de la PJ de Yaoundé, la capitale camerounaise.
Il lui est reproché d’avoir distribué des tracts pour inciter les citoyens à observer un « vendredi noir » en protestation contre une possible révision constitutionnelle par Paul Biya, au pouvoir depuis… 34 ans.
Le cinéaste Jean-Pierre Bekolo, auteur en 2013 d’une satire politique censurée au Cameroun « Le président » s’insurge contre cette nouvelle atteinte aux libertés fondamentales.
Comme l’idée du développement de l’Afrique dans son ensemble, la femme et son rôle dans la société sont devenus un folklore insupportable. Et tous ceux qui, comme la jeune présidente du Cameroon People’s Party (CPP) Edith Kahbang Walla, surnommée Kah Walla, refusent de jouer ce jeu et affirment par leurs actes l’égalité et même plus, sont rejetés par le système politique local.
Celui-ci ne compte même pas 10% de femmes dans les instances dirigeantes, dont les pratiques datent d’un autre âge, alors que celles-ci constituent la majorité de la population. Ils sont également rejetés par les organisations internationales et ONG qui apprécient l’idée d’une femme africaine qu’ils doivent éternellement assister, et ont du mal avec celles qui sont fortes. Ils perpétuent ainsi les clichés !
Après de brillantes études aux USA, Kah Walla rentre au Cameroun dans les années 90 pour prendre la tête comme directrice générale d’une importante compagnie d’assurance privée à 24 ans seulement. Loin du folklore de la promotion féminine des ONG et du gouvernement, elle s’impose comme manager, entrepreneur et leader dans un monde du business camerounais macho, où tous les DG et PDG sont au comité central du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti du président Paul Biya).
Lorsqu’à 40 ans elle claque la porte du Social Democratic Front (SDF), principal parti d’opposition, défiant ainsi son vieux et indéboulonnable chairman John Fru Ndi devenu trop accommodant avec le régime de Yaoundé, personne ne pense que c’est cette « petite femme », comme ils l’appellent avec machisme, va devenir le « game changer » du jeu politique national orchestré par des vieillards fatigués – moyenne d’age 75 ans !
Un message politique adressé aux jeunes
Kah Walla comprend qu’il faut mobiliser les jeunes en parlant leur langage. Depuis plusieurs semaines, elle travaille pour détourner la mobilisation moutonnière du RDPC de Paul Biya, qui lance des appels à candidature « spontanée » et des élections anticipées pour réélire « très vite » dans la précipitation un président n’ayant plus rien à offrir, visiblement usé à 84 ans par 34 ans de « règne ».
Kah Walla demande aux jeunes de se mobiliser non pas pour une autre candidature de Paul Biya, qui ne ferait que perpétuer leurs cauchemars actuels, mais plutôt contre les insuffisances du régime. « Qu’ils anticipent d’abord sur l’eau et électricité ! » Un minimum non pas pour vivre, mais « se battre » (survivre). Et ce message, les Camerounais, les jeunes et les femmes les plus nombreux, le comprennent…
C’est ce qui fait peur a un régime habitué à une opposition d’affamés eux-mêmes coutumiers du retournement de veste, à l’instar de l’actuel ministre de la communication, devenu l’idiot du village, dont les contorsions linguistiques pour défendre l’indéfendable sont moqués dans les quartiers.
Si la vision de la femme de Paul Biya se confine à l’éternel ministère de la Condition Féminine ou à la journée du 8 mars et son pagne pour un défilé – dans un style militaire qui montre leur embrigadement – en présence de sa très jeune épouse l’emblématique Chantal, Kah Walla refuse d’être une « femme d’ambiance », celles habillées en pagne du parti au pouvoir qu’on appelle pour chanter, danser et faire des « oyengas » au passage des « hommes » dits politiques.
Elle est plutôt là pour justement casser cette ambiance de sérénité et d’assurance qui planait depuis 34 ans au sein des membres du régime, ceux-là même qui affirmaient jusqu’ici qu’après Biya, ce sera Biya… En d’autres termes, les Camerounais vivront toujours un pays en chute libre, sans espoir pour la jeunesse, où quelques vieillards privilégiés vampirisent le destin de leurs propres enfants en refusant de prendre leur retraite.
Mobilisation via Internet
Si Kah Walla doit se contenter des réseaux sociaux pour communiquer, car même les chaînes de télévision privées comme Canal 2 sont maquées avec le régime de Paul Biya et l’auto-censurent – des chaînes a qui elle réponds « on s’en souviendra », la mobilisation des Camerounais sur le net concernant l’affaire Monique Koumate – de la mère des jumeaux décédée aux portes de l’hôpital – fut grande lorsque Kah Walla a appelé l’opposition à une marche « non-autorisée » – ici pour faire une marche contre le gouvernement, il faut demander au même gouvernement une autorisation.
Cette mobilisation en ligne a poussé le gouvernement à s’y mettre « sur hautes instructions du chef de l’État » ! Ce même gouvernement qui, il y a encore quelques semaines, demandait aux Camerounais de se détourner des réseaux sociaux… sachant qu’il les aide déjà. En effet, le Cameroun est l’un des pays d’Afrique où Internet est si lent qu’il est quasiment impossible de regarder Youtube !
L’ancien ministre des Télécommunications a ouvertement déclaré que c’était pour éviter à son patron un printemps arabe. Peu importe donc le chômage des jeunes, peu importe l’impact sur une économie à genoux qui ne tourne que grâce à la surfacturation des marchés publics !
Accusée de rébellion, elle risque de peine de mort
Sauf que sur Internet, Kah Walla est la femme africaine, comme ne veulent pas la voir tous ceux qui pourtant travaillent et financent son émancipation, tant sur le plan national qu’international… Et parfois même, ses détracteurs sont souvent ces autres femmes qui se sont soumises au pouvoir de cet homme africain, qui jusqu’ici a conduit l’Afrique dans le trou que nous connaissons actuellement. La Kah Walla qui a été arrêtée et relâchée lors de ce « vendredi en noir » – mouvement interdit qu’elle lance pour la mobilisation contre le manque d’eau et électricité – malgré qu’elle soit une ex-candidate a l’élection présidentielle avec un parti légalement constitué, est accusée de rébellion et risquerait au vu des nouvelles loi qui se veulent dissuasives, la peine de mort !
Cette Kah Walla est en train de devenir le symbole d’une nouvelle génération de filles et de garçons dits « androïdes », qui n’étaient peut-être pas en âge de voter en 2011, mais pourra par son nombre faire la différence en 2018, qu’elle soit anticipée en 2016 ou non… Et même dans une élection à un seul tour comme le veut Paul Biya dans sa constitution !