Dans cet article, l’archiviste du Web Arol Ketch revient sur le parcours intéressant de Kamdem Ninyim Pierre, le plus jeune ministre de l’histoire du Cameroun.
Kamdem Ninyim Pierre, le plus jeune ministre de l’histoire du Cameroun
Son histoire est controversée. Kamdem Ninyim Pierre a été chef baham, député et ministre de la santé publique et de la population à seulement 23 ans.
Kamdem Ninyim Pierre est le fils du chef traditionnel Baham, Max Kamhoua. Il est très tôt envoyé à Paris en France pour y poursuivre ses études grâce à l’appui de Louis Paul Aujoulat. Il intègre le prestigieux lycée Blaise Pascal.
Durant son séjour estudiantin, il côtoie un certain Samuel Kamé; lui aussi originaire de Baham. L'administration coloniale souhaite avoir des chefferies traditionnelles totalement acquises. Lorsque le chef traditionnel Baham, Max Kamhoua, meurt le 23 mai 1954; l’administration coloniale décide que c’est son fils Kamdem Ninyim Pierre qui lui succèdera.
En effet, de par son parcours, l’administration est persuadée que ce dernier sera un agent docile de sa politique coloniale. Kamdem Ninyim Pierre quitte Paris temporairement et est intronisé. En 1955, il rentre définitivement au pays.
Louis-Paul Aujoulat qui tire les ficelles veut faire du nouveau chef Baham, un relais de poids de la France en pays bamiléké très frondeur. Ce qu’il ignore c’est que comme les jeunes de son âge, durant son séjour parisien, Ninyim a été sensibilisé aux causes nationalistes à travers l’association des étudiants camerounais de France.
Durant son cursus universitaire en France, Kamdem Ninyim avait développé une sympathie pour l’Union Population Camerounaise et leur combat pour la libération du Cameroun.
A son retour au Cameroun, bien que proche de l’administration coloniale, Ninyim se rapproche des nationalistes de l’UPC et accueille au sein de son palais les réunions clandestines du mouvement nationaliste.
Il fréquente notamment Momo Paul. De son vrai nom Paul Tchuembou, est originaire de la chefferie de Baham. Dès 1960 il est à la tête du district n°3 de l'armée de Libération nationale du Kamerun (ALNK) qui couvre la subdivision de Bafoussam.
Il se dit que Kamdem Ninyim avait reçu la promesse de Félix Moumié d’être ministre de la défense en cas de victoire et aurait organisé un maquis à l’Ouest avec Paul Momo.
Un climat de méfiance s'installe désormais entre Kamdem Ninyim et l’administration. Il est suspecté de double jeu et d’être sympathisant de l’UPC.
Kamdem Ninyim est arrêté le 24 novembre 1956 et inculpé pour “possession d'armes”, “incitation à la désobéissance” et « reconstitution de ligue dissoute » (l'UPC). En l’arrêtant dans sa chefferie, sans le savoir la France envenime la situation.
Trois mois plus tard, le 23 février 1957, le jeune chef traditionnel est officiellement destitué par le pouvoir colonial au profit de son frère Jean Marie Teguia. Le 12 mars 1957; le chef déchu est condamné à 2 ans de prison ferme et 5 ans d’interdiction de séjour dans sa chefferie par le tribunal de Dschang.
Offusqués de l’intervention de l’administration dans le pouvoir traditionnel; les défenseurs de la tradition et les nationalistes de l’UPC attaquent les partisans du nouveau chef.
Kamdem Ninyim Pierre est placé en résidence surveillée à Yokadouma, à l’Est du pays.
Ses partisans décident de mener des actions de représailles contre tous les chefs voisins qui collaborent avec l’administration. Ses partisans agissent désormais de concert avec les nationalistes upécistes.
4 mois après le verdict qui le condamne; la cour d' appel de Yaoundé en juillet 1957 réduit la peine de Ninyim qui est libéré le 30 juillet 1957. Alors qu'il envisage son retour triomphal dans sa chefferie, Ninyim est de nouveau incarcéré.
A sa sortie de Prison,,Ninyim devient officiellement un partisan du régime. Seulement, il développe un double jeu. Le jour, il s’affiche avec le régime et la nuit, il dîne avec les maquisards ( son ami Momo Paul). Ninyim joue sur les deux tableaux et s’assure des entrées dans les deux camps.
En février 1960, il se réconcilie même avec son frère et successeur Jean-Marie Teguia qui avait arraché son trône.
On lui confie la mission de convaincre les nationalistes (maquisards) d’abandonner la lutte dans la Région de l'Ouest pour espérer devenir député. Il réussit à faire rallier Paul Momo.
Ce dernier sera assassiné en novembre 1960 après son ralliement; soupçonné de trahison.
Ninyim devient un “opposant constructif” contrairement aux nationalistes qualifiés de “opposants extrémistes”. Son ascension est fulgurante. Au lendemain des élections législatives d’Avril 1960, Kamdem Ninyim est élu député.
En guise de récompense, dans la foulée, il est nommé ministre de la santé publique et de la population à seulement 23 ans dans le premier gouvernement de la République du Cameroun avec pour Premier Ministre Charles Assalé.
Le nouveau ministre de la santé, chasse son frère Teguia de son trône, prend ses femmes et remonte sur le trône. Il reste ministre jusqu’au 20 juin 1960 ( remplacé par Simon Pierre Tchoungui). Député apparenté Front Populaire pour l’Unité et la Paix (FPUP) ; il finit par rejoindre les rangs de l’Union camerounaise (UC) d’Ahmadou Ahidjo en 1961.
Lorsque son cousin et ami, le député MOPEN Noé est assassiné, le crime lui est imputé. On l'accuse d’avoir tué MOPEN Noé avec la complicité des maquisards de la région. Trahi, il est arrêté le 12 septembre 1963 et Jugé, son immunité parlementaire levée. En octobre 1963, il est condamné à mort, et fusillé le 3 janvier 1964 à Bafoussam sur la place publique devant des milliers de personnes (40 000 « spectateurs »).