Dans un entretien accordé à Jean Omer Eyango, l’ancien député du RDPC Jean Simon Omgba appelle ses amis du sérail à la responsabilité. Il plaide pour la fin des détournements de deniers publics. Extraits
Alors que le pays s’est engagé à réformer les structures économiques et de la gouvernance, il est temps d’en finir avec cette kleptocratie des avoirs publics pour le plus grand bien de l’avenir de notre jeunesse. Nous ne devons pas minimiser les tragédies que vivent les populations dans certains de nos territoires. Nous ne devons pas non plus oublier que le terrorisme résiduel dans le NOSO, a pour terroir la misère et l’extrême pauvreté d’une jeunesse déboussolée, proie facile des marchands d’illusion. La mauvaise gouvernance crée de la défiance et un déficit de confiance vis-à-vis des gouvernants. La surmédiatisation, largement relayée par les réseaux sociaux, alimente à bon compte des confrontations farouches et indécentes dans une certaine presse. Mais ceci ne doit pas nous faire oublier que le temps des médias et des réseaux sociaux n’est pas le temps de la justice.
Vous semblez indiquer que la surmédiatisation de ces actualités et les dénonciations bruyantes qui s’en suivent peuvent cacher des règlements de compte ?
Ce sont des attitudes qui nourrissent le populisme, la division et les rancœurs, nous faisant perdre de vue le caractère salutaire de l’assainissement des mœurs publiques. La généralisation des accusations fallacieuses fait perdre de vue la présomption d’innocence dont bénéficient tous ceux qui sont impliqués dans les affaires actuelles. Le chantier de l’assainissement de nos mœurs en matière de gestion publique nécessite l’ouvertes d’audits supplémentaires dans d’autres secteurs. Le coût exorbitant de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen, le projet d’eau potable de la Sanaga, la première tranche de l’autoroute Yaoundé-Douala etc… Autant de projets qui réservent de grandes surprises. Le « Covidgate » rappelle le scandale du « Watergate » aux Etats-Unis dans les années 1970, élément déclencheur de la démission du président Nixon. Dans le cas du Covidgate, il n’y a rien de surprenant. Il était prévu dès le départ que les fonds alloués seront audités. Et pourtant, aucune responsabilité n’a été établie jusqu’ici et ce malgré le pugilat et le spectacle affligeant auquel se livrent une partie de la presse à charge et l’autre partie s’étant autoproclamée avocat. Dans cette affaire, nous avons allègrement atteint à travers la presse les sommets vertigineux de la manipulation et les abysses de la méconnaissance du rôle de la justice. Tout ceci est lamentable et consternant. Les tentatives ayant pour but d’altérer notre capacité de discernement dans le « Covidgate » sont légion, la finalité ultime étant de faire prendre position à une opinion victime de la désinformation et d’autres aprioris. Toutefois, une certitude demeure : si des fonds destinés à combattre la Covid-19 ont été détournés dans une gouvernance désastreuse par des hauts responsables publics, la justice dans son indépendance doit agir avec fermeté.
Les infractions pénales éventuelles sont particulièrement graves car dans le « Covidgate », il s’agit de la vie de millions de Camerounais qui a été mise en danger. Les responsables publics et les sociétés privées qui ont signé des contrats devront apporter des éclairages sur cette affaire qui reste pour le moins opaque. Cela s’appelle la transparence. Nul besoin n’est de chercher d’autres mots. Il s’agit de l’argent public. L’enrichissement illicite de certains agents publics et privés, s’il est établi et prouvé dans le cadre du « Covidgate », est tout simplement criminel.
Vous êtes un homme politique ; vous portez un regard plutôt sévère sur le travail des médias ? Qu’attendez-vous au juste de cette corporation pour paraître plus responsable ?
En attirant l’attention de l’opinion, les médias sont dans leur rôle. Ils doivent l’assumer de manière ambitieuse et favoriser l’émergence d’un sentiment national sur l’intérêt général et la protection des biens communs. La recherche de l’intégrité est le fil rouge qui doit guider l’action des médias. Après les enquêtes, la volonté politique de prendre des mesures contre les responsables publics et privés coupables de détournement de deniers publics, est une exigence pour notre démocratie et gage de crédibilité pour notre bonne gouvernance. Dans un contexte saturé de rivalités dans les perspectives d’une alternance au sommet de l’Etat, les petits commandos dans les médias formés par les uns et les autres peuvent être contre-productifs. Le spectacle auquel nous assistons nous rappelle les mots du poète René CHAR : « Impose ta chance, serre ton bonheur, va vers ton risque ». Néanmoins, toutes les élites qui n’ont cessé de se déchirer pour conquérir le pouvoir doivent sortir de l’amalgame du procès d’intention et de la chasse aux sorcières, et se consacrer au vrai débat : celui des questions qui engagent l’avenir et notre destin collectif.