Ils manifestent contre l’attitude belliqueuse et ignoble du sénateur et revendiquent l’inscription de milliers de militants exclus du sommier à la section Océan sud 2.
Ambiance très surchauffée en la matinée de lundi 4 octobre à la place des fêtes de Kribi. Furieux, les militants du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) dans la section Océan Sud 2 (arrondissement de Kribi 2) sont sortis par milliers et ont investi la préfecture, arborant des pancartes où on pouvait aisément lire « Trop c’est trop.
Non au sénateur boxeur. Non aux barbares dans le parti. Non au tripatouillage des listes. Non à ceux qui ne respectent pas la circulaire du parti ». Deux raisons principales justifiaient cette manifestation. D’abord, l’expression du courroux suite à l’agressivité physique et verbale du sénateur Grégoire Mba Mba et les nombreuses exactions perpétrées par ce dernier depuis le lancement des opérations de renouvellement des organes de base dans la section Océan Sud 2. Une attitude ignoble de l’élu local qui se caractérise par des scènes de trafic d’influence, d’intimidations, d’injures et surtout de barbarisme.
Tout premier candidat déclaré pour la présidence du bureau de section, il n’hésite pas à faire usage de toutes possibilités pour barrer la voix à ses potentiels challengers. En effet, le week-end dernier, Kribi a été marqué par des échauffourées où on a vu le parlementaire faire preuve de belligérance. D’ailleurs, dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, on voit clairement le sénateur Grégoire Mba Mba administrer un violent coup de tête à un militant. Dans une autre vidéo, on les voit, son aide de camp et lui, essayant de lever la main sur une femme visiblement âgée qui lui reprochait son attitude belliqueuse. « Arrêtez-moi mais ne me tapez pas. On ne tape pas… » S’efforçait à dire la pauvre femme pour se défendre.
La veille, une scène sanguinolente a été enregistrée. Nzie Owona, militant opposé à Grégoire Mba Mba s’est écroulé suite à un violent coup reçu d’un certain Mpiasali, « sur ordre du sénateur », apprend-on. Les images qui ont circulé sont horribles. La victime, (qui n’était d’ailleurs pas la seule) a été prise en charge à la garnison militaire de Kribi, s’en sortant avec une incapacité de 15 jours. La plainte déposée auprès du commissariat du 2e arrondissement et auprès de la compagnie de Kribi contre Grégoire Mba Mba pour Coups et blessures n’a pas prospéré. C’est cet ensemble de choses qui explique la verve avec laquelle plusieurs milliers d’hommes et de femmes ont assiégé la préfecture.
« C’est l’expression d’un ras le bol. Cela a atteint une limite où personne ne pouvait plus supporter. Nous avons fait des rapports et déposer plainte. Mais les autorités sont restées muettes. Tout comme le comité central du RDPC qui est resté de marbre. Comment comprendre que tout un sénateur traîne l’image de la république dans la boue et que personne ne puisse le reprendre. » Déplore Ceryl Ngally. Au regard de ces comportement violents d’aucuns pensent que sa candidature doit être rejetée « Le RDPC en lui-même à Kribi n’a pas de problèmes. C’est un seul individu qui dérange. Il dit que personne ne peut rien lui faire. Il ne craint même pas Paul Biya. Il a frappé des gens. Une plainte est déposée contre lui pour coups et blessures. Il faudrait qu’il se retire et qu’il demande pardon aux victimes. Il ne peut plus être candidat. Sa place n’est pas à Kribi 2 » réagit Rosette Bito, conseillère municipale à la commune de Kribi 2.
Tripatouillages
Au-delà de dénoncer la barbarie, les militants dénoncent aussi le tribalisme et les tripatouillages orchestrés dans les opérations d’inscription des militants. C’est que, à Kribi 2, deux factions se disputent les rennes : d’un côté, la nouvelle dynamique, constituée de jeunes à la puissance montante, qui s’imposent avec un militantisme moderne. Ils ont pour leader l’opérateur économique et homme politique Lucien Piado. De l’autre côté, le cercle de vieux démons, qui croient contrôler tout Kribi. Le « gourou » de ce cercle n’est autre que le sénateur Grégoire Mba Mba.
Il se trouve que par la force des tripatouillages, près de 4 mille adhérents dans la faction Piado ont vu leurs noms disparaître du sommier politique consolidé et validé par la commission électorale indépendante de section présidée par le directeur général du port, Patrice Melom. S’étant rapprochés de la présidente départementale de contrôle la ministre Minette Libom Lili kend, il leur a été opposé une fin de non-recevoir. Ici, un doigt accusateur est pointé sur le ministre Jacques Fame Ndongo, président de la commission régionale de contrôle et de supervision pour le Sud. « Nous remarquons des tripatouillages issus des injonctions venant de la région et faites par le ministre Jacques Fame Ndongo qui instruit le refus de toutes nouvelles inscriptions bafouant la circulaire du comité central. » s’indigne le conseiller municipal Ceryl Ngally.
« Monsieur le préfet, les militants que vous voyez devant vous, anciens et nouveaux adhérents, font face à un refus total d’inscription, à partir de la hiérarchie du parti à Ebolowa, jusqu’au département géré par la ministre Libom Lilikend. Moi qui vous parle, ancien président de sous-section, mon nom ne figure pas dans le sommier. Pareil pour les 2500 militants qui sont devant vous. Madame la ministre nous a écrit en disant que monsieur Fame Ndongo a refusé les militants de Paul Biya dans le parti de Paul Biya à Kribi 2. Ce qui est inacceptable. Parce que nous, nous pouvons mourir pour Paul Biya » déclare Lucien Piado, leader de la nouvelle dynamique. Bien entendu, lors de la consolidation du sommier politique, quelques jours après le lancement des opérations de renouvellement des organes de base du RDPC à Kribi, le constat qui avait été établi est que celui-ci avait été engraissé. 918 doublons avaient été enregistrés dans la faction Mba Mba tandis que 673 doublons avaient été enregistrés dans la liste de Piado. Le fichier a été élagué.
En définitive, la départementale Libom Llikend est restée avec un sommier de 15381 militants au lieu de 16727 au départ. Voilà le nombre des militants qui étaient habilités à voter. Sauf que, le sénateur, apprend-on d’une source interne à la commission électorale de section, « sentant que les chiffres n’étaient pas en sa faveur et qu’il perdrait d’emblée si les élections se passaient avec un tel fichier, aurait activé son réseau à Ebolowa. Notamment le patron politique Fame Ndongo. D’où l’injonction de ce dernier d’invalider ledit fichier. Par conséquent, le sommier politique dont les listes ont été affichées a fait disparaître les noms de près de 4 mille militants ; ceux-là même qui sont descendus dans la rue ».
Élections hypothéquées
Le préfet de l’Océan Nouhou Bello, qui a pris soin d’écouter calmement les opprimés, a joué son rôle de garant de la paix en ramenant au calme la foule qui se surchauffait devant le cordon de sécurité dressé par une centaine de policiers et gendarmes déployés dès le constat du mouvement d’humeur. Il a invité les leaders du groupe à poser leurs plaintes et doléances par écrit trouvant leurs revendications légitimes. Contacté, le sénateur mis en cause n’a pas daigné s’exprimer. Au passage, il a lancé « Je n’ai aucune déclaration à faire. Écrivez ce que vous voulez. Mba Mba est serein. Je vois les enfants s’embrouiller. Ils disent que je les ai frappés mais ça me fait rire. C’est la fin qui va justifier les moyens ».
La concertation entre la première autorité de la ville et les leaders du mouvement d’humeur s’est matérialisée par un mémorandum qui a immédiatement été transmis à la hiérarchie du parti de la flamme ardente. Les élections qui avaient déjà été programmées pour se tenir de jeudi à dimanche prochain ont été une troisième fois renvoyées sine die en attendant les nouvelles instructions du comité central. En effet, pour voir clair sur la situation de Kribi 2, la hiérarchie du parti a dépêché le ministre Jacques Fame Ndongo en mission d’urgence à Kribi, vu qu’il est le principal accusé dans cette déchirure du parti dans la cité balnéaire de l’Océan. Une forte délégation venue d’Ebolowa parmi laquelle le gouverneur Félix Nguelé Nguelé a ainsi effectué une descente ce mardi en vue de toucher du doigt la réalité du problème et d’y apporter une solution satisfaisante pour tous. La seule attente des plaignants était qu’on permette l’enrôlement de tous les militants dans le sommier et que tous passent au vote. Seuls vont prévaloir les arguments par les urnes. Lucien Piado et son équipe se sont d’ailleurs dit prêts à accepter les résultats issus d’une élection transparente. Et pour la circonstance, Ils demandent la surveillance des élections par le comité central.
Cinq ans
La première résolution qui sort de cette rencontre c'est la disqualification des candidats des deux factions ou la suspension complète de la section pendant une période de cinq ans si les protagonistes n'arrivent pas à se mettre d'accord. Par ailleurs le ministre Famé Ndongo incriminé reconnait sa part de responsabilité dans ce trouble. Il s'engage à gérer l'affaire en toute équité sans parti pris. L'idéal selon lui est la prise en compte des revendications et l'ouverture d'un nouvel enrôlement des militants dont les noms ont disparu du sommier.
Cependant il a condamné la manifestation évoquant l'indiscipline. De même il condamne l'attitude belligérante du sénateur et demande que le parlementaire réponde de ses actes devant les juridictions compétentes. Car il a agi non pas sous la casquette de sénateur jouissant d'une immunité parlementaire, mais d'un candidat en quête de la présidence de section d'un parti politique. En ce sens, pense-t-il le droit doit être dit Par ailleurs, il faut dire que la nouvelle dynamique s’oppose fermement à ce que l’image du RDPC soit traînée dans la boue quant au sénateur Grégoire Mba Mba il s’est toujours illustré dans de telles circonstances par un caractère très agressif.
Pendant les dernières élections législatives et municipales, il était allé jusqu’à prendre à partie à travers les ondes de la radio Kribi Fm dont il est le promoteur, les chefs traditionnels qui avaient pris position pour dénoncer son incitation à la haine et au tribalisme. En 2013, lors des dernières élections à la tête de la section, il avait brillé par des mêmes actes belliqueux. On se souvient qu’il avait violemment agressé le leader Lucien Piado qui avait fini par une fracture et une commotion cérébrale entraînant une incapacité de près de 30 jours. Le comité central est resté muet face cette situation. De même qu’il l’est aujourd’hui. Pourtant l’opinion publique attendait que de tels actes soient sévèrement punis.
« Dans une société normale avec un parti politique qui valorise ses idéaux de paix et de respect des droits humains, la candidature du sénateur Grégoire Mba Mba devrait purement et simplement être rejetée. Du moins, c’est ce qu’on attend du comité central afin de montrer aux militants qu’on n’accepte pas de terroristes et de voyous dans le parti de Paul Biya » analyse un président de section dans l’Océan.