Dans le nord du Cameroun, l'armée camerounaise est engagée depuis juillet 2014 pour repousser Boko Haram. La visite des diplomates du Conseil de sécurité des Nations unies leur permet de mieux appréhender la réalité du terrain d'autant que Maroua, capitale de l'extrême-nord a déjà été touchée par trois grosses attaques terroristes.
« Nous mesurons mieux encore qu’avant – avec le cœur, mais pas simplement avec l’esprit – combien il était injuste, combien c’était une erreur que la région du Lac Tchad ne soit pas vraiment sur l’écran radar de la communauté internationale, reconnaît François Delattre, ambassadeur de France auprès du conseil de sécurité de l'ONU... ce qui ressort de tout ça ce sont des leçons extrêmement fortes, une obligation morale et politique à agir. Après ces rencontres, eh bien oui, nous allons nous engager ».
Témoignages de réfugiés nigérians
Ici, à Maroua, 85.000 Nigérians, chassés en raison de l’insécurité liée à Boko Haram, ont trouvé refuge ces quatre dernières années. Des réfugiés soulagés par la signature jeudi, d’un accord tripartite entre le Haut-commissariat aux réfugiés, le Cameroun et le Nigeria. Cet accord encadre le retour volontaire des réfugiés dans leur pays. Le texte permet surtout de protéger les nombreux réfugiés qui préfèrent attendre le retour de la paix pour rentrer chez eux. Or ces dernières années, selon Ocha, plusieurs centaines de réfugiés ont été renvoyés de force dans leur pays par les autorités camerounaises.
Luca est originaire de Gwoza. Il y a quatre ans, ce père de famille a décidé de fuir son village, lorsque des membres de Boko Haram ont brûlé sa maison, pillé les boutiques, et décapité des voisins sous son nez. Aujourd’hui, Luca est rassuré par cet accord signé entre le Nigeria, le Cameroun et le HCR, car ce texte permet de formaliser, la possibilité d’un retour dans des conditions sécurisées. « Cet accord est une bonne chose, nous explique Luca. Surtout pour les villages où la paix s’est déjà installée. Les gens vont pouvoir retourner chez eux. A l’inverse, pour les villages toujours occupés par Boko Haram, les réfugiés ne vont pas oser rentrer ».
C’est le cas d’Ali Shouek, un ancien fonctionnaire dynamique, père de 6 enfants. Cet intellectuel conditionne le retour de sa famille à l’établissement de la paix, mais surtout, à la reconstruction des écoles de son village. « Il faut améliorer le secteur éducatif. Nous avons besoin de plus d’enseignants, et de nouvelles salles de classes. Pourquoi sommes-nous ici aujourd’hui ? Nous sommes dans cette situation, à cause de truands qui sous-estiment la valeur de l’éducation. Des truands qui ont commis des délits. S’ils étaient allés à l’école, ils n’auraient pas tué des gens sans raison et détruit des maisons. Voilà pourquoi j’encourage mes enfants à aller à l’école ».
Dans un centre de rééducation de Maroua, réapprendre à vivre
La crise liée à Boko Haram affecte les enfants. Bon nombre ont été arrêtés sur simple dénonciation, soupçonnés d'être membre de Boko Haram. Aujourd'hui ces mineurs tentent de tourner cette page, grâce notamment à un centre de rééducation à Maroua, comme Ismaël.
Âgé de 15 ans, l’adolescent est craintif et ose à peine regarder droit dans les yeux. Ce jeune garçon, qui vient du Nigeria, est encore traumatisé par l’attaque de son village. La scène se déroule en septembre 2014. Des combattants de Boko Haram brûlent tout sur leur passage. « Ils cherchaient les garçons. Je me suis caché sous mon lit, nous raconte Ismaël… ça a duré 40 jours. Finalement, mes sœurs m’ont conseillé de quitter le village. Il a fallu me déguiser en fille pour fuir ». Ismaël se réfugie au Cameroun. Mais les habitants se méfient de lui. On le prend pour un Boko Haram. Ismaël est arrêté et passe deux ans en prison. « Des villageois m’ont livré aux forces de sécurité. J’ai été interrogé plusieurs fois par le tribunal, mais rien. La prison, c’était très dur. Ma maison me manquait.» Depuis deux semaines, Ismaël est scolarisé dans un centre de rééducation.
Ali, âgé de 14 ans, a passé lui quatre mois entre les mains d’islamistes radicaux. « Je n’étais jamais allé à l’école avant. Et lorsque les Boko Haram m’ont kidnappé, ils m’ont imposé l’école coranique. Aujourd’hui, je découvre l’école. J’aime les maths et l’histoire ». Grâce à cette structure, Ali peut rêver de nouveau. Ce jeune espère un jour devenir médecin, et retrouver sa famille, qui a fui dans un autre village.
Ce samedi, les diplomates du Conseil de sécurité des Nations unies poursuivent
leur tournée au Tchad. Les diplomates onusiens doivent rencontrer les autorités tchadiennes et le commandement de la Force multinationale mixte.