Dans une interview accordée au site d’information Cameroonvoice, l’animateur radio et activiste Mancho Bibixy s’est prononcé sur la détention du président autoproclamé de l’Ambazonie Sisiku Ayuk Tabe ainsi que sur les circonstances de son arrestation.

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Merci beaucoup d'avoir accepté de nous parler. Nous avons entendu des rumeurs sur votre santé qui semble se détériorer, comment vous vous portez actuellement?

Mancho Bibixy: Merci. Je vais d'abord commencer à parler de la crise actuelle et je vous remercie encore une fois de m'avoir donné la parole.
J'en ai déjà parlé abondamment et je tiens à préciser que le gouvernement est responsable de cette crise qui aurait été résolue il y a longtemps avant qu'elle n'atteigne le stade actuel. En ce qui concerne ma santé, elle s'améliore progressivement. Il ne fait aucun doute que ma santé défaillante est liée à de mauvaises conditions de détention.

Nous mangeons une fois par jour et en plus, la nourriture provient de donateurs. Nous n'avons jamais eu même un sac de riz du gouvernement, même quand la prison reçoit des tonnes d'aide alimentaire des donateurs, elle est détournée. Sans l'aide des donateurs, je ne sais pas comment nous nous serions nourris nous-mêmes.

Votre état de santé défaillant est-il lié à des conditions de détention prétendument médiocres ou est-ce que vous avez déjà eu de mauvaises conditions de santé?

Il est vrai que je n'étais pas dans mon meilleur état avant mon enlèvement, que certains appellent une arrestation, mais nos conditions de détention ne sont pas les meilleures. Les mauvaises conditions de détention ont certainement exacerbé les choses pour ma santé. Le monde doit savoir que, nos conditions de détentions ne sont pas les meilleures et plus, nous sommes détenus pour de mauvaises raisons.

Mes questions sont: est-ce que lutter pour votre droit et combattre les droits de votre peuple est une mauvaise chose? Mais Dieu nous aide à survivre et mes conditions de santé semblent s'être adaptées à la réalité ici à la prison centrale. Encore une fois, comment ne tomberai-je pas malade, comme je vous l'ai dit, nous ne mangeons qu'une fois par jour et la nourriture vient des donneurs?

Vous êtes en détention depuis maintenant près d'un an. Quelle est votre morale?

Mon morale est encore haut. Ma santé peut être défaillante mais mon morale est très élevée. Oui, j'ai demandé au président du tribunal militaire de Yaoundé de libérer les innocents prisonniers camerounais du sud détenus à la prison centrale de Kondengui et de me condamner à mort à leur place.

Quelle a été la réaction du président du tribunal militaire de Yaoundé?

Je pense qu'elle était sous le choc et je ne le faisais pas comme une sorte de théâtre ou de drame judiciaire. Je pensais ce que je disais et je suis prêt à mourir pour mes camarades détenus parce que j'en ai observé quelques-uns et je le sais, ils sont abattus et certains ne sont pas préparés psychologiquement comme je le suis. Par conséquent, j'ai demandé cela, je devrais être sacrifié pour qu'ils soient libres.

Où trouvez-vous ce courage d'être prêt à faire des sacrifices pour les autres?

Mon courage vient de Dieu tout-puissant et aussi de la brutalité déchaînée sur mon peuple. Une fois que mon peuple souffre; Je suis plus courageux.

Nous aimerions être un peu personnel, depuis votre arrestation, on en sait très peu sur vous, que faisiez-vous avant d'être propulsé vers la renommée mondiale?

J'ai été un communicateur, un annonceur, un acteur de cinéma, etc. J'ai travaillé avec des maisons privées de radio et de télévision et j'ai aussi fait des reportages pour certains journaux.
Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire dans quelles conditions vous avez été arrêté?

Je n'ai jamais été arrêté. J'ai été kidnappé sans mandat par un pick up transportant des hommes masqués qui tiraient en l'air alors que nous regardions un match de football.

Certaines personnes prétendent que vous avez été trahis, d'où vous avez été arrêté, est-ce vrai et qui soupçonnez-vous?

Je n'ai jamais été trahi. Je savais que je serais kidnappé. Ils ont essayé plus tôt et ils ont échoué. Je pense qu'ils ont essayé de m'arrêter environ 6 fois et ils n'ont réussi leur 7ème tentative. J'étais prêt pour ça. Tout le monde m'a demandé de m'échapper, mais j'ai refusé. Pourquoi devons-nous toujours fuir?

C'est une question délicate, mais nous devons connaître votre position: êtes-vous syndicaliste, fédéraliste ou indépendantiste?

Je portais des T-shirts appelant à une Fédération. Des photos des tee-shirts ont été portées devant les tribunaux comme preuve du terrorisme. Donc, au moment de mon enlèvement, j'étais fédéraliste. Le reste, vous pouvez l'imaginer.

Pensez-vous qu'avec d'autres détenus anglophones, vous êtes suffisamment soutenus par la communauté anglophone ou vous avez été abandonné?

Nous avons été soutenus énormément par nos gens. La diaspora a également apporté son soutien. Nous ne pouvons pas trop attendre. Nos gens sont en esclavage économique depuis 56 ans et ce n'est pas facile pour eux, surtout maintenant.

Comme votre procès continue d'être reporté, êtes-vous parfois découragé ou regrettez-vous ce que vous avez fait?

Je ne regretterai jamais ce que j'ai fait, même si je dois mourir. J'ai dit à mes frères que nous ne devrions jamais rien attendre de la justice. Tout ce qu'ils font est de trouver des raisons de reporter nos procès, espérant obtenir l'ordre d'en haut nous déclarer tous coupables. Mais, je suis préparé au pire, donc tous sont aussi une majorité d'autres détenus.

Êtes-vous marié et avez-vous des enfants? Si oui, êtes-vous en contact avec votre famille?

Je suis un chef de famille et j'ai hérité d'une famille nombreuse de mon défunt père. J'étais le seul qui puisse subvenir aux besoins de mon fils unique et ma femme. En plus d'eux, j'avais 9 autres personnes qui dépendaient de moi. Maintenant, je ne sais pas comment ils survivent depuis que j'ai été kidnappé. Vous savez que je travaillais dans le secteur privé et je ne pense pas qu'ils pourraient prendre soin d'eux et je ne pense pas que si je travaillais dans la fonction publique, ils auraient eu le moindre soin après mon absence forcée. J'entends aussi cela, certains membres de ma famille font aussi face à la brutalité et ils doivent s'échapper dans les brousses, parfois avec les enfants.

Maintenant, dites-nous, où avez-vous eu le courage de lancer la révolution du cercueil à Bamenda?

Le courage est venu des années de prières demandant à Dieu de m'utiliser pour détruire la calebasse qui nous tenait en otage
Que pensiez-vous lorsque vous avez décidé de vous impliquer activement dans la politique?

Je n'avais qu'une chose en tête. Commencer un processus pour libérer les anglophones de la servitude ou suivre le processus jusqu'à sa fin en notre faveur.

Il y a des variations quant à la raison pour laquelle vous avez été arrêté, certains prétendent que vous êtes en détention à cause du délégué du gouvernement au conseil urbain de Bamenda, alors que d'autres prétendent que c'est à cause de vos prétendues positions sécessionnistes. Où est la vérité?

Je ne peux pas dire exactement pourquoi j'ai été arrêté parce que personne n'a jamais signé un mandat d'arrêt. Nous vivons dans une dictature brutale où n'importe qui peut être enlevé n'importe quand.

Que pensez-vous de la crise politique actuelle dans le pays?

Je pense que la crise actuelle va générer une guerre civile totale. C'est regrettable mais c'est la vérité. Que ce soit le délégué gouvernemental du Conseil urbain de Bamenda, Paul Atanga Nji ou Philémon Yang, ce n'est pas mon affaire.

Quelle est votre opinion sur l'arrestation d'AyukTabe et de son équipe au Nigeria?

L'arrestation d'Ayuk Tabe est une autre étape pour radicaliser les modérés dans notre communauté. Cela incitera les jeunes à oublier le dialogue et à s'engager dans une offensive militaire pure et simple.

Si vous aviez un message à adresser aux Camerounais et au monde, que leur dira-t-il?

Pour les anglophones je n'abandonnerai jamais le combat. Aux francophones, je dis que c'est la dernière chance de garder les anglophones comme vos frères. Je condamne la communauté internationale pour son silence sur le génocide contre mon peuple. Mais nous vaincrons, même sans leur soutien.