Chassé du gouvernement il y a une dizaine d’années suite à de vagues soupçons de déloyauté quant à la qualité de ses intentions sur Etoudi, Edouard Akame Mfoumou vient de recevoir le coup de grâce, en se faisant éjecter sans aucune manière du Conseil d’administration de Camair-Co, ultime strapontin auquel la « magnanimité » de Paul Biya à son endroit l’avait, ces temps derniers, réduit. Une trajectoire pour le moins sordide pour celui qui est pourtant connu – de façon relativement unanime – comme un grand commis de l’Etat, l’un des ministres de l’Economie et Finances les plus compétents de l’ère Biya.
Un homme sobre, peu porté aux scandales, qui aura pourtant été conduit à laisser banaliser son image, à diluer la bonne réputation qui est depuis toujours la sienne, et à devoir s’abaisser considérablement en acceptant la mission impossible de conduire à bon port cette entreprise, depuis le départ, notoirement condamnée. Pour le dire simplement, Edouard Akame Mfoumou a donc échoué dans sa présidence du Conseil d’administration de Camair-Co. La vraie question étant cependant de se demander : lui était-il envisageable de réussir ?
Une question à laquelle l’on répond à l’évidence, non. Car, comme il est de la nature même des choses, c’est l’intégralité du système de gouvernance en vigueur au Cameroun – et qui est notamment traduit par son classement calamiteux dans tous les rankings internationaux, dont le fameux Doing Business – qui contraint les entreprises, quelle que soit leur nature, leur taille, leur structure et leur ambition, à s’abonner durablement aux infortunes de l’échec, voire de la désintégration totale.
Il n’y a rien d’étrange à cet égard à ce que, dans le classement publié annuellement par le magazine Jeune Afrique des 500 plus grandes entreprises du continent, le Cameroun ne réussisse qu’à caser une douzaine, entre autres preuves de la très grande inefficacité de son système global de gouvernement des entreprises.
Les lois économiques offrent en effet des déterminants d’ensemble auxquels il est difficile d’échapper. Les hommes sont certes importants dans l’alimentation d’une infrastructure, mais ils le sont beaucoup moins que les lois de structure et de gravitation qui déterminent leurs actions et interactions. Ainsi, non seulement l’échec du tout nouveau directeur général – le pauvre ! – de Camair-Co est déjà largement donné pour acquis, mais plus encore, le Cameroun actuel, avec son système de gouvernance global actuel, ne sera jamais en mesure de générer des entreprises, tant publiques que privées qui marchent à peu près correctement.
A l’exemple de la tragédie ordinaire de Camair-Co (faite d’imprécations permanentes, d’irrationalité dans l’affectation des ressources, de culture de rentes et de gaspillage de ressources) les Camerounais devront donc se faire à voir se déliter, progressivement et sournoisement, l’ensemble des entreprises qui auraient pu, en temps normal, se positionner comme des fleurons.
Dans le même temps, des managers compétents, voire exceptionnels viendront se briser et ruiner leur réputation, voire leur carrière ou même leur vie (comme cela arrive funestement à Edouard Akame Mfoumou aujourd’hui mais comme cela fut affecté hier à Charles Metouck, Polycarpe Abah, Urbain Olanguena, Zaccheus Fordjidam et autres), dans le vertige cynique d’une organisation maffieuse qui leur laisse aucune chance.
Un important philosophe de ce pays et, accessoirement, chanteur de makossa, plus connu sous le nom de Petit-Pays, nous a fait savoir jadis que « mensonge n’a pas de longues jambes » ; pensée redoutable que l’on pourrait traduire par : il est impossible de tromper les gens tout le temps, sans être à un moment ou un autre, rattrapé par la vérité.
Ainsi, autant monsieur Akame Mfoumou savait sans doute mieux qu’un autre que le mensonge auquel il se prêtait ne pouvait le conduire nulle part, autant tout le monde sait clairement que l’architecture actuelle de gouvernance économique ne peut rien produire d’autre que le désastre.