LETTRE À MAMA FOUDA par Christian Alain Christian Djoko
Monsieur le Ministre,
Depuis quelques semaines, vos agissements suite aux revendications syndicales des médecins ne cessent de défrayer la chronique. Sauf votre respect, je peux comprendre que n'ayant pas fait des études en médecine (moi non plus) plusieurs enjeux peuvent vous avoir échappé.
On peut toutefois se demander s’il est nécessaire d’être diplômé en médecine pour comprendre l'importance de la mise en place dans un délai court d'une assurance maladie à couverture universelle et de l’amélioration substantielle des conditions de travail des médecins qui, à l’évidence, laisse à désirer.
À votre décharge, vous évoquerez sans doute les contraintes budgétaires et administratives importantes. Je suis d'accord. Mais cela ne vous aura pas échappé qu’on ne vous demande pas d’améliorer le système de santé en seul jour, mais de vous donner de concert avec les différents partenaires, un cadre de discussions et un échéancier optimal en vue de la réalisation des objectifs susmentionnés.
Monsieur le Ministre,
Au lieu de se mettre la tête dans le sable, en espérant vainement que le vent de la revendication retombe rapidement, saisissons collectivement cette occasion pour réaliser un diagnostic exigeant de la situation sanitaire au Cameroun et proposer des solutions viables et innovantes. Les récentes propositions du SYMEC peuvent constituer un point de départ.
À la lumière de ce qui précède, je vous invite Monsieur le ministre, à descendre de votre piédestal et à penser à un moment donné à ces milliers de camerounais qui n'ont pas et n'auront jamais la chance comme vous de bénéficier d'une évacuation sanitaire. Pensez à ces populations sociales pauvres et défavorisées dont la vie dépend au moins en partie des conditions de travail des médecins camerounais.
Prenez congé de la gouvernance par la peur et délestez-vous de la stratégie du pourrissement. Car au fond, elles ne font que remettre à demain un problème qui pourrait trouver un début de solution aujourd'hui.
Hélas, sans être fataliste, je ne serai pas surpris qu'en droite ligne de cette stratégie de diversion qu'on n’en arrive dans les prochains jours, à des dérobades habituelles : tribalisation et politisation des revendications sociales. Mieux encore je ne serai pas étonné de voir émerger, non sans oblitérations des scrupules, un autre syndicat à la gloire du Ministère.
Monsieur le ministre,
Le combat mené par ces médecins est le nôtre, c’est-à-dire le vôtre. Clochardiser notre corps médical c'est inéluctablement réduire notre système de santé à une entreprise mortifère. En outre, je reste pleinement convaincu que les évacuations sanitaires réservées exclusivement à la baronnie de ce pays est non seulement injuste socialement mais incongrue en termes de stratégie d'investissement.
D’ailleurs, rappelez-vous Monsieur le Ministre, rappelez-vous que « la roue tourne » comme on le dit si souvent au Cameroun. Le passager que vous méprisez à l’embarquement sera peut-être votre mécanicien en cours de route. Si certains de vos anciens collègues (je ne parle des victimes du système) avaient un jour imaginé se retrouver Kondengui sans possibilité d'évacuation sanitaire, il y a fort à parier qu'ils auraient alors en fonction, pris des dispositions pour l'amélioration des conditions carcérales et sanitaires au Cameroun.
N'écoutez pas les gens qui vous conseillent de vous claquemurer dans une approche répressive. Vous ne gagnerez rien à recourir à l’effronterie, l'intimidation, à l’objurgation ou à la force. Si par vos récentes affectations disciplinaires et la tentative de musèlement médiatique qui s’en est suivie, vous croyez mettre les médecins « dans la sauce », alors vous vous trompez lourdement. Si vous croyez que par ces actes administratifs à forte connotation punitive vous parviendrez à étendre suffisamment le linceul politique pour enterrer les revendications exprimées, croyez-moi une fois de plus, c'est là, une avenue vouée à l’échec. En effet, vous pouvez « tuer » le messager mais jamais vous ne parviendrez à ensevelir le message.
L'histoire récente des pays africains montre à suffisance que les fils de la douleur d'un peuple, parfois se coupent, s'entrecoupent et se tissent sans que jamais leur ressenti ou leur mémoire ne se perdent. Alors, agissez avant que cette douleur n'hurle de manière assourdissante et ne se hisse sur le pavois de votre décente aux enfers.
Monsieur le Ministre,
Au demeurant, je ne souhaite pas votre démission. Très honnêtement, elle m’importe peu. Car, la réalité des problèmes sociaux au Cameroun est plus systémique que conjoncturel. En revanche, je souhaite qu'avec l'humilité qui honore et anoblit la mémoire des grands hommes d'État que vous engagez un dialogue social en vue de l'amélioration à la fois de la condition des médecins et de la prise en charge sanitaire au Cameroun. A ce moment-là, on pourra alors évoquer l'excuse d'une réaction impulsive, que dis-je, hâtive.
A ce sujet, je me permets de vous rassurez. Il nous arrive tous d'être parfois sur la défensive et de réagir de manière irascible voire prématurée. Ne soyez pas de ceux et celles-là qui seront emporter par les marécages de l'histoire. Réveillez l'humanité tapie en vous et usez du sens des responsabilités qui convient en de pareilles circonstances. La balle est dans votre camp, à vous de jouer.
Salutations cordiales
@Christian Djoko