Forte indemnité journalière de session de certaines entreprises publiques caracole à 600 mille FCFA, multiples frais de mission ou de représentation, etc. Autant de stratagèmes permettant d’augmenter le revenu mensuel d’une petite clique de fonctionnaires. Pendant ce temps, les chantiers structurants accusent un grand retard et sont chers comparativement aux pays de même niveau de développement que le Cameroun.
Pour la recherche des perdiems et autres avantages pécuniaires pour arrondir les fins de mois, le Cameroun n’est aucunement pauvre en idées. C’est que, souligne un rapport daté du 25 mai 2018 et présenté à Yaoundé par la Banque mondiale (BM) aux partenaires techniques et financiers, les salaires des agents de l’Etat et autres personnels assimilés sont bas. Dans ce document intitulé « Revue de dépenses publiques, aligner les dépenses publiques aux objectifs de la vision 2035 », la BM souligne que le salaire mensuel de base des fonctionnaires des catégories A1/A2 s’élève à 150.000 FCFA au minimum, pour 350.000 FCFA au maximum. Le salaire mensuel des fonctionnaires de B1/B2 oscille entre 110.000-120.000 et 200.000 FCFA.
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Aussi, les pouvoirs publics ont trouvé des stratagèmes qui permettent à une petite poignée de responsables publics de gagner leur vie comme des princes. Ainsi des membres des conseils d’administration. La BM note que les indemnités journalières par session pour une réunion du conseil d’administration d’une entreprise publique peuvent atteindre jusqu’à 600.000 FCFA par membre. Les membres du Comité ITIE eux, empochent calmement entre 200.000 et 300.000 FCFA pour des travaux similaires.
« Le niveau relativement bas de la masse salariale formelle masque l’existence d’un système de rémunération non salariale discrétionnaire qui encourage des pratiques « de recherche de rente » et contribue au retard des processus administratifs de prise de décision », explique la BM. Qui ne s’arrête pas à ce constat. « Ces avantages informels sont limités à une portion réduite d’agents de l’Etat. Les compensations non salariales ne figurent pas dans le bulletin de paie. La distribution et le paiement de ces indemnités ne font pas l’objet de contrôle interne systématique. Elles ne sont pas liées à la performance et encouragent de ce fait les pratiques de recherche de rente », souligne la BM.
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Qui relève aussi avec force et tableaux d’illustratifs à l’appui les perfusions financières devenues courantes alors que ces mêmes entreprises affichent de 2006 à 2014 des performances désastreuses, causant au passage la rallonge du budget public.
Dépenses publiques
Si dans sa circulaire du 20 juin 2017 relative à la préparation du budget de 2018 le président de la République demandait que le train de vie soit réduit, la BM dans ce rapport ressort le fort attachement des fonctionnaires aux frais de mission et de représentation, des moyens efficaces qui leur permettent de gagner le triple, voire le quintuple de leur salaire de base en l’espace d’un an. «La composition fonctionnelle du budget révèle qu’une part disproportionnée du budget est allouée aux frais de l’Etat, aux dépenses des secteurs prioritaires du DSCE. »
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Mais la suite est grave : « La décomposition du budget par nature économique relève que la moitié des dépenses en biens et services est constituée des frais de représentation, de missions, de réceptions et services extérieurs. » Ici, la BM répertorie 617 frais de représentation, de mission et de cérémonie. La BM souligne à grands traits certaines données chiffrées au cours de la période 2013-2015 : 618 rémunérations extérieures, 6 187 frais de formation, stages et organisation de séminaires, 6 171 indemnités de mission à l’extérieur, 6 189 autres rémunérations extérieures, 611 fournitures et de petits matériels, 616 frais d’entretien, maintenance et sécurité. Autant d’appuis divers apportés à certains agents de l’Etat. Ces frais varient en fonction des années. Ils absorbent 17,6 % des dépenses publiques en 2013 ; 23,6 % en 2014 ; 19,8 % en 2015.
Gros retards
Le train de vie de l’Etat tranche avec l’évolution des chantiers structurants. Lancés en grande pompe pour la plupart en 2012, ils ne sont pas toujours réceptionnés alors que le budget alloué à l’investissement public ne cesse de croître année après année. « L’essentiel de la hausse des dépenses publiques a porté sur le budget d’investissement (…). Bien que conforme aux objectifs de la vision 2035, cette forte hausse des dépenses publiques a détérioré la situation budgétaire de l’Etat. »
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Le budget d’investissement grimpe chaque année, sans que depuis sept ans les populations ressentent le bien-fondé de ce qui a été fait. « Une des raisons de la faible qualité des infrastructures en dépit de la forte hausse du budget d’investissement est que la classification du budget d’investissement de l’Etat surestime de la dépense en capital (…) et ce fait ne contribue pas à l’annulation des stocks-capital. »
Et au sujet de ces projets structurants, la BM les trouve trop coûteux par rapport aux mêmes projets réalisés ailleurs. Du coup, le Cameroun ne suit pas le rythme de la Côte d’Ivoire, du Kenya, de l’Indonésie, de la Malaisie, de l’Azerbaïdjan. La BM analyse trois secteurs précis : la santé publique, l’éducation, la protection sociale. Son résultat est sans appel : le pays de Paul Biya accuse un retard.