Actualités of Wednesday, 22 February 2023

Source: www.bbc.com

La Boîte à Bébés en Namibie : "Je voulais que quelqu'un s'occupe mieux de mon fils"

"Je voulais que quelqu'un s'occupe mieux de mon fils"

La découverte du cadavre d'un nouveau-né abandonné derrière une école de Windhoek, la capitale namibienne, en novembre dernier, montre qu'un changement juridiques n'a pas suffi à résoudre le problème.

En 2019, la Namibie a adopté une loi stipulant que les femmes qui, par désespoir, prenaient la mesure radicale d'abandonner leur enfant, ne seraient plus poursuivies.

Des lieux sûrs où l'on peut laisser un nourrisson ont été créés, mais les changements juridiques ne sont pas encore suffisamment connus.

Il y a deux ans, Linda, qui n'est pas son vrai nom, a utilisé l'un de ces endroits pour laisser son enfant.

Linda pleure quand elle parle du bébé qu'elle a dû abandonner.

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"Ce n'était pas une décision facile, en tant que mère, de porter un bébé pendant neuf mois et de le donner. Mais je l'ai quand même fait à cause de la situation dans laquelle je me trouvais", dit Linda à voix basse. Elle parle du fait qu'elle n'avait pas les moyens d'avoir un autre enfant.

Linda partage une petite maison avec ses autres enfants et son petit ami dans un quartier près de la ville côtière de Swakopmund.

Elle a parfois du mal à s'offrir un repas, et dit que ses quatre enfants comprennent que si "maman n'a rien aujourd'hui, nous ne mangerons pas aujourd'hui".

Elle ajoute : "Mais pour le cinquième né, s'il n'y a pas de repas, il ne comprendra rien. Alors j'ai pensé : "Je dois donner ce bébé à quelqu'un qui s'en occupera mieux".

Linda a des remords mais pense avoir fait ce qu'il y avait de mieux pour son bébé à l'époque.

"Il me manque, mon bébé me manque parce que je l'ai allaité pendant trois jours, mais je sais qu'il va bien, qu'il est avec les bonnes personnes."

"Chère maman"

Si elle sait qu'on s'occupe de lui, c'est parce qu'elle l'a laissé dans ce qu'on appelle une boîte à bébé, un tiroir encastré dans le mur d'un complexe à Swakopmund, avec un matelas et une couverture à l'intérieur. Il y a aussi une lettre.

"Chère maman... Sachez que nous ne vous jugeons pas", peut-on lire dans cette note rassurante.

"Nous ne pouvons comprendre les circonstances qui vous ont amenée [ici]", ajoute-t-elle.

Le message provient de la Fondation Ruach Elohim, créée à Swakopmund par Ronel Peters et son mari Dick pour créer un refuge pour les bébés.

"Nous avons reçu ce petit hier", dit Mme Peters, en berçant un petit garçon.

"Il est âgé de quatre jours. Malheureusement, nous avons été très occupés, nous ne lui avons même pas encore donné de nom."

La boîte à bébés est une initiative de sa fondation et il existe des projets similaires ailleurs dans le monde.

Cette boîte, la première et la seule en Namibie, est un moyen pour les mères d'apporter leurs bébés, généralement des nouveau-nés, et de les laisser anonymement dans un endroit sûr où ils seront retrouvés et soignés.

Elle existait déjà avant que la loi ne change, mais Mme Peters espère en installer d'autres, ailleurs dans le pays.

Chaque fois qu'un bébé est laissé dans la boîte, Mme Peters et son équipe de sept personnes reçoivent une notification sur leur téléphone et quelqu'un va alors chercher le bébé.

La mère a 30 jours pour réclamer son bébé si elle change d'avis.

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"Si les 30 jours s'écoulent et qu'elle ne revient pas, alors nous supposons évidemment qu'elle est satisfaite de la décision qu'elle a prise, et... ce bébé peut être enregistré comme bébé adoptif en Namibie", explique Mme Peters.

À l'intérieur de la maison, il y a un tableau sur le mur avec les photos des bébés et les dates auxquelles ils sont arrivés. Nikolai, Miracle, Gabriel et Joshua ne sont que quelques-uns des enfants qui composent le tableau.

La boîte à bébés n'est qu'un des moyens par lesquels les enfants arrivent et, depuis sa création il y a un peu plus de quatre ans, dix bébés y ont été laissés.

Mais malgré la modification de la loi, des bébés continuent d'être abandonnés dans des endroits peu sûrs.

Selon les statistiques de la police, entre 2018 et 2022, près de 140 bébés ont été abandonnés dans tout le pays - bien plus que ceux laissés dans des lieux sûrs, et un nombre élevé compte tenu de la petite population du pays, qui compte seulement 2,5 millions d'habitants.

Mme Peters souhaite que davantage de personnes soient au courant de l'existence de la boîte à bébé.

"Les mères doivent être informées qu'elles sont autorisées à laisser leur bébé, indemne, dans un endroit sûr, et de manière anonyme, si elles le souhaitent.

"Chaque fois que j'entends parler d'un autre bébé qui a été abandonné, je me sens très coupable, j'ai l'impression que c'est ma faute, parce que je n'ai pas fait assez de sensibilisation."

"Je prie pour qu'il me pardonne"

La pauvreté, comme dans le cas de Linda, est l'une des raisons pour lesquelles les mères estiment ne pas être en mesure de s'occuper d'un enfant. Mais d'autres bébés ont été abandonnés parce que leurs mères estimaient qu'elles étaient trop jeunes, ou qu'ils étaient le résultat d'un viol, ou encore que les pères s'étaient éloignés de la famille, explique Donata Tshivoro, une assistante sociale du ministère du genre.

La décision de dépénaliser l'abandon de bébé en 2019 a été prise pour encourager les mères à laisser leur bébé dans des lieux sûrs, comme un hôpital ou un poste de police - ou dans une boîte à bébé.

L'enfant ne doit présenter aucun signe de maltraitance, de négligence ou de malnutrition. Une fois le bébé remis, l'enfant est confié à un travailleur social.

Mercia Chingwaramusee, une assistante sociale qui travaille sur cette question, reconnaît que, malgré le changement de loi, il existe une stigmatisation et "la peur que les gens sachent que vous êtes allée déposer votre enfant là-bas".

Néanmoins, elle ajoute qu'une mère qui prend la décision d'abandonner son enfant parce qu'elle n'est pas en mesure de le garder lui donne en fait "une chance de vivre".

Les autorités reconnaissent qu'il reste encore beaucoup à faire pour sensibiliser les gens à la manière sûre de laisser un bébé afin d'éviter d'autres décès.

"Nous parlons à la radio, dans différentes langues vernaculaires, nous allons dans les écoles, nous organisons des réunions communautaires et les travailleurs sociaux vont également voir les chefs de village", explique Mme Tshivoro.

S'il existe aujourd'hui des moyens sûrs d'abandonner un enfant, les sentiments troublants des personnes comme Linda ne disparaissent jamais.

"Je prie simplement Dieu pour qu'un jour il me pardonne", dit-elle, "ou qu'il vienne me voir un jour".