Actualités of Thursday, 8 June 2017

Source: 237online.com

La Primature autait torpillé un projet de 100 000 emplois

Philémon Yang Philémon Yang

Les services du Premier ministre retardent sans explication la signature d’un contrat de partenariat pour la mise en œuvre d’une plateforme technologique destinée à créer 1 000 startups.

Le discours numérique du gouvernement ces derniers mois, porté avec volontarisme par le président de la République lui-même, a du plomb dans l’aile depuis quelques semaines. En cause : le projet de « réalisation d’une plateforme technologique nationale pour le développement de l’économie numérique », qui doit marquer le décollage définitif de ce secteur au Cameroun, est enferré dans des atermoiements administratifs dans les services du Premier ministre.

C’est un projet monté en partenariat public-privé avec une entreprise franco-tunisienne, Phonecontrol, dont la signature du contrat est inexplicablement bloquée par la Primature, malgré toutes les validations obtenues des parties prenantes. Ce retard compromet un projet qui vise, pendant trois ans, à « créer un minimum de 1 000 entreprises numériques, générer 100 000 emplois directs et indirects et renforcer les capacités de 10 000 chercheurs d’emploi », selon les indications fournies par le partenaire tunisien, fournisseur en solutions télécoms. Pourtant,


même le financement est réputé bouclé. Le coût total du projet est de 10,5 milliards de F CFA dont 4,1 milliards, représentant les 39,5%, est supporté par l’Etat et 6,3 milliards de FCFA, soit 60,5% en valeur relative, apportés par Phonecontrol. Tout était bien parti au départ. Dans la mouvance de la fièvre numérique qui s’est emparée du gouvernement, le ministère des Postes et télécommunications initie un projet qui aura valeur de big bang pour le développement de l’économie numérique.

Les griefs des start-uppeurs se concentrent sur l’absence au Cameroun d’un accompagnement des pouvoirs publics. Le projet de « réalisation d’une plateforme technologique nationale, pour le développement de l’économie numérique » est donc monté, avec le soutien du Premier ministre, Philemon Yang. C’est du reste avec son autorisation qu’un mémorandum est signé le 22 avril 2016 avec le partenaire tunisien.

Le contrat de partenariat envisagé est soumis au crible du Carpa (Conseil d’appui à la réalisation des contrats de partenariat). L’expert du gouvernement en la matière de contrat de partenariat émet, le 30 août 2016, un avis d’éligibilité au projet. D’ailleurs, en octobre de l’année dernière, Philemon Yang autorise une mission conjointe Minpostel/Carpa en Tunisie, histoire de toucher la réalité du partenaire : ses installations, ses équipes, son expertise, son statut juridique, etc.

C’est quasiment une mission d’enquête de moralité et de capacité sur Phonecontrol qui rend une copie favorable. C’est vrai que cette entreprise, créée en 1980, est leader en solutions telecom et billing en Asie du Sud-Est et premier opérateur cloud pour centres de contacts en Europe et Afrique du Nord. C’est ensuite au Comité chargé de la validation des projets prioritaires du service universel et de développement des télécommunications et TIC qu’il revient d’examiner ce projet.

Le 16 novembre, cette instance tombe aussi sous le charme des perspectives qu’offre ce partenariat en construction entre l’Etat et l’entreprise franco-tunisienne. Tant et si bien que deux semaines plus tard, le Carpa émet un avis favorable à la demande de dispense de concurrence au bénéfice de Phonecontrol. Plusieurs autres avis et validations techniques sont ainsi obtenus pour ce projet, y compris le site approuvé par le ministère des Domaines pour l’installation de la plateforme numérique. L’attente commence donc pour la finalisation et la signature du contrat de partenariat.

Tout est pourtant prêt, le Minpostel sait même où trouver la quote-part de l’Etat, soit 4,1 milliards : dans le Fonds spécial des télécoms, dont les ressources sont oisives. Seulement, au moment où l’accord de signature du contrat est attendu, recommence un cycle de réunions. Une première a lieu le 5 mai dernier à la Primature, présidée par le secrétaire général Séraphin Magloire Fouda. Les conclusions : l’organisation d’une réunion avec les administrations concernées par ce dossier, comme s’il se posait un problème de coordination.

Le 18 mai, un procès-verbal de tenue de cette rencontre est envoyé à Philemon Yang. Mais ce n’est pas fini : le 10 mai 2017, un « groupe de travail chargé d’accompagner la conception du projet de mise en œuvre d’une plateforme pour le développement des projets dans le domaine du numérique » est mis en place toujours dans les services du Premier ministre, sous la présidence de Magloire Séraphin Fouda. Initiateur du projet, le ministère des Postes et télécommunications n’hérite même pas du poste de rapporteur de ce groupe de travail.

Sur cette lancée, Philemon Yang marque son accord pour une autre mission de deux membres de ce groupe de travail chez le partenaire tunisien. Phonecontrol est depuis dans tous ses états et se demande de quel sérieux est le gouvernement camerounais. Pendant ce temps, des milliers de jeunes start-uppeurs, mobilisés par le discours officiel, attendent un signe que tout cela n’est pas qu’une suite de mots. A la Primature, on se hâte lentement. Pour des raisons inexplicables.