Une inculpation suivie d’un mandat d’arrêt international en projet marquent la détermination des ennemis du désormais « meilleur expert du FMI et de la banque mondiale » à lui régler les comptes en instrumentalisant l’appareil judiciaire.
Les ennuis judiciaires d'Essimi Menye, l’ex-ministre de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) n’ont pas pris fin avec son évacuation sanitaire survenue en décembre 2015. D’abord mise en veilleuse, l’information judiciaire de l’affaire des « Fonds débloqués à la Banque Atlantique du Cameroun S.A (Bacm), Patrimoine de l’ex-Société Camerounaise de Tabac (SCT) : Aff. c/ Ministre Essimi Menye », communément appelé « affaire Amity Bank » a repris. Comme par enchantement, la réactivation de la machine judiciaire contre M. Essimi Menye a coïncidé avec son retour aux affaires du côté du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Et cette fois-ci, les choses seraient allées très vite.
Des indiscrétions glanées au tribunal criminel spécial (TCS) font état de l’imminence de l’ordonnance du juge devant sanctionner la fin de l’information judiciaire. Les avis concordent sur un dénouement du dossier en défaveur de M. Essimi Menye. L’on invoque avec récurrence un mandat d’arrêt international contre lui. Le projet serait déjà en préparation. Une telle option incline à penser que son inculpation ne fait plus l’objet du moindre doute. D’aucuns arguent que l’objectif n’est pas tant de rattraper l’ancien membre du gouvernement que de lui régler plutôt les comptes.
« Essimi Menye a fait montre d’une audace exceptionnelle en rebondissant au FMI et à la Banque mondiale, où il va récolter une aura et une visibilité internationale que redouteraient déjà ses détracteurs d’autant plus qu’ils se sont sentis nargués » analyse un haut magistrat, partisan de la thèse d’un complot contre l’ancien Minfi.
L’homme excipe aussi le fait que prendre une telle mesure peut procéder d’un objectif autre que rendre justice à un Etat qui ne s’est curieusement jamais donné des moyens pour rattraper ses justiciables à l’étranger. Et de marquer son étonnement sur l’impunité de ceux qui, bien que supposés être sous contrôle judiciaire, ont miraculeusement réussi à s’enfuir hors du Cameroun, à l’instar de Dayas Mounoume, l’ancien directeur général du Port autonome de Douala (PAD).
Convalescent, Essimi Menye a repris du service à Washington comme «meilleur expert du FMI et de la Banque Mondiale». Le 13 avril 2016, l’ancien argentier national est apparu dans le panel des experts de ses nouveaux employeurs, à l’occasion de la rencontre organisée dans le cadre du «World Bank Group-Africa Investor Strategic Dialogue» visant à aider les pays africains, y compris le Cameroun, à développer le potentiel des agro-entreprises en Afrique.
Il aura par la suite sillonné plusieurs pays africains, comme membre de la délégation du FMI et de la Banque Mondiale. Un mandat d’arrêt international contre Essimi Menye viserait à briser, à en croire certains analystes, sa nouvelle idylle avec le FMI et la Banque mondiale. Difficile de croire que les institutions de Breton Woods puissent s’accommoder d’un collaborateur en proie, à tort ou à raison, à des ennuis judiciaires.
Au départ de l’affaire Amity Bank dont la fin de l’information judiciaire est annoncée, il y a une correspondance du ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des sceaux (Minjustice), adressée au chef de l’Etat en date du 07 octobre 2014. M. Laurent Esso y sollicite le visa présidentiel afin de procéder à l’audition de celui qui est encore son collègue du gouvernement, Essimi Menye, afin de le « faire entendre comme témoin.»
Il s’appuie sur la convention signée avec la Banque atlantique le 9 mai 2009 par l’ex Minfi pour indiquer à Paul Biya que « l’Etat devait payer 9.025.000.000 FCFA à Banque Atlantique en douze semestrialités avec quatre années de différé. En contrepartie, l’Etat devait recevoir les créances douteuses de Amity Bank à concurrence du même montant et en confiait le recouvrement à la société camerounaise de recouvrement (SRC). »
Plus loin, le Minjustice dit : « à ce jour, l’Etat a déjà payé deux semestrialités, une de 676.531.00 FCFA et une de 684.032.500 FCA, soit au total 1.360.563.500 FCFA. » « En contrepartie, l’Etat n’a pas reçu les créances douteuses sus-évoquées pour les faire recouvrer » se désole le Minjustice. « Amity Bank a été mise en liquidation en décembre 2013 et l’on ignore désormais le sort de la convention face à cette nouvelle donne » s’inquiète Laurent Esso.
Surtout que, après la mise en liquidation d’Amity Bank en 2013, sous le magistère d’Alamine Ousmane Mey, il s’est trouvé que « Pour élucider ces points d’ombre, les cadres du ministère des Finances interrogés déclarent tout ignorer de cet aspect du problème.» Paul Biya a donné son visa à M. Laurent Esso. Ouvrant la voie à la descente aux enfers pour M. Essimi Menye.
L’ancien Minader traverse actuellement une mauvaise passe qui pourrait s’étendre avec son éventuelle inculpation et ses conséquences. La traque lancée contre lui semble manifestement s’intensifiée. Il y a deux semaines, Essimi Menye a été obligé de sortir de son mutisme habituel, par le biais d’un communiqué de son avocat, pour démentir une folle rumeur lui attribuant un projet de création d’un parti politique d’opposition au pouvoir du président Biya, en prélude à la présidentielle 2018.