La publication d’une nouvelle cuvée de maîtres des parents suscite des grincements de dents sur fond de soupçons de corruption.
Nous sommes mercredi matin, 29 avril 2015. Dans la cour de la délégation régionale de l’Education de base qui jouxte la clôture de l’Ecole du centre administratif, la cour est pleine d’usagers.
Cette affluence tient au fait qu’un communiqué signé du ministre de l’Education de base (Minedub), Youssouf Hadidja Alim, le 27 avril 2015, informe les postulants à la titularisation en qualité de maîtres des parents, que les listes définitives sont connues.
En s’approchant des petits groupes qui se forment, l’évidence de quelques griefs se fait ressentir. Des plaintes fusent à l’instar de cette institutrice qui crie au scandale. « Je suis maîtresse des parents depuis près de cinq ans dans une école de la banlieue de Yaoundé. Nous sommes au nombre de cinq dans mon école, et nous avons tous postuler à la titularisation. Je vois la liste concernant mon école avec trois noms qui ne sont même pas ceux de mes collègues. J’ai les larmes aux yeux », confie-t-elle désemparée.
Plusieurs autres plaintes se font entendre de part et d’autre de la cour. « Je viens de voir le nom d’un camarade qui depuis notre sortie de l’Enieg, travaille dans une école privée. Moi qui suis depuis trois ans maître des parents dans la Mefou et Afamba, je n’ai pas vu mon nom », explique cet autre candidat malheureux à la titularisation.
Les responsables de la délégation régionale renvoient tous les plaignants au niveau des services centraux du Minedub. « C’est hier [mardi] que les listes ont été remises au délégué pour affichage. Donc pour les réclamations, que les concernés se rendent au ministère », indique un chef de service.
Dans les locaux du Minedub, l’ambiance semble sereine. A la direction des ressources humaines, on soutient que l’opération a été menée avec « diligence et probité ». La commission mise en place par madame le ministre à cet effet, a effectué un travail au-dessus de tout soupçon, estime-t-on en ces lieux.
Tripatouillages
Cependant, au moment où le reporter s’apprête à quitter les lieux, il est interpellé par un jeune homme qui se prénomme Achille, un produit des Enieg, pour le moment sans poste. Il raconte son histoire en rapport avec la présente opération. « Lorsque ce recrutement a été lancé, je suis venu voir des connaissances ici au ministère. On m’a fait savoir que tout se passait au niveau des écoles, avec les directeurs, et des inspections d’arrondissement ».
Il poursuit son récit en déclarant que « je me suis rendu à Monatélé [chef-lieu du département de la Lékié dans la région du Centre]. Là-bas, un directeur d’école m’a demandé la somme de 300.000Fcfa pour faire aboutir mon dossier. Ne les ayant pas, j’ai laissé tomber. Mais j’en connais qui sont passés par cette voie ».
Prévue pour prendre fin avant la rentrée scolaire 2014-2015, l’opération de contractualisation de 3000 instituteurs (sur 10.000 candidatures enregistrées) accuse un sérieux retard et arrive à son terme au moment de la préparation des examens de fin d’année, Cep et Fslc.
Elle est menée à l’initiative des partenaires au développement qui ont émis le souhait de voir les conditions des maîtres des parents améliorées et leur prise en charge financière, devenir effective. L’Unesco et l’Unicef, les principaux partenaires financiers du gouvernement, se voulaient pourtant clairs lors du lancement en insistant sur le fait que, « si cette opération est soupçonnée un temps soit peu de tripatouillages, si elle n’est pas menée sur des bases logiques et objectives, les financements prévus ne seront purement et simplement pas débloqués ».
En attendant des explications du Minedub sur les listes affichées, une nouvelle vague de recrutement est lancée pour le compte de l’année 2015. Près de 3000 autres postulants seront contractualisés.