Brenda Biya, la fille ainée du président camerounais a-t-elle provoqué, à son corps défendant, une discorde entre ses parents ? C’est en tout cas ce qu’indiquent certaines indiscrétions recueillies au début du mois, peu après l’arrivée de Paul Biya à Genève, où l’attendaient son épouse Chantal et leur fille Brenda dont la vie agitée aux Etats-Unis où elle était inscrite dans une université a enflammé les réseaux sociaux ces derniers mois. Samedi, Paul Biya est rentré au Cameroun sans son épouse, ce qui laisse croire qu’effectivement, la sérénité n’est pas de mise dans sa famille.
« A son arrivée en Suisse, le président ne voulait pas parler à sa femme. Il la tiendrait pour responsable des problèmes de leur fille et estime que tout ce qui s’est dit sur cette enfant a sali son nom dans le monde entier », indique une source, sous anonymat.
« Court séjour privé »
Selon cette source, c’est un Paul Biya très en colère qui a quitté Yaoundé le 27 mai dans la matinée, c’est à dire une semaine après la célébration de la fête nationale. Une cérémonie pendant laquelle un incident, la panne de la limousine dans laquelle il devait faire la revue des troupes l’avait déjà courroucé, selon nos informations.
Au moment de son départ, un communiqué du cabinet civil de la présidence indiquait alors laconiquement qu’il se rendait en Europe, pour un « court séjour privé ». Le texte ajoutait qu’il était accompagné d’une suite restreinte composée du Directeur du Cabinet civil, Martin Belinga Eboutou, du Conseil spécial à la Présidence, le Contre-Amiral Joseph Fouda, et du Chef du Protocole d’Etat, Simon Pierre Bikelé.
Ce sont ces mêmes proches collaborateurs du dirigeant qui l’avaient accompagné trois mois plus tôt en Février, lors de son avant-dernier « court séjour privé » en Europe.
Depuis des années, les Camerounais sont habitués à cette expression : le président voyage beaucoup, et passe parfois près du tiers de l’année en occident.
Cependant, un détail avait retenu l’attention: Paul Biya n’était pas accompagné de son épouse Chantal, lorsqu’il avait pris l’avion à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen le 27 mai. Pourtant cette femme qu’il a épousée en secondes noces en avril 1994, deux ans après le décès de Jeanne-Irène, sa première épouse, est régulièrement omniprésente à ses côtés, lorsqu’il quitte le pays. Elle l’avait ainsi accompagné à Paris à la fin de l’année dernière lorsqu’il s’était rendu à la conférence sur le climat (Cop21). Sa position de seul conjoint de dirigeant présent avait été remarquée.
L’affaire Brenda
Puis il y a eu l’affaire Brenda Biya, du nom de leur fille aînée, qui vient d’avoir 19 ans. Pendant plusieurs semaines jusqu’en mai, Brenda Biya a négativement suscité un vif intérêt sur les réseaux sociaux. La fille du président Biya se trouvait alors en Californie sur la côte ouest des Etats-Unis, où elle était inscrite dans une université réputée.
Dans un premier temps, l’adolescente s’est elle-même mise en scène en postant photos et vidéos suggestives ou provoquantes, récoltant à chaque fois des milliers de réactions partagées, entre indignation et compassion.
Dans une de ces vidéos publiée fin janvier, elle se disait victime de racisme. Elle expliquait qu’un taxi qui doutait de sa capacité à payer une fois à destination le prix de la course, 400 dollars, avait refusé de la prendre.
Loin du « racisme » supposé dont elle se plaignait, la plupart des réactions sur Internet n’avaient retenu que le coût prohibitif de la course en taxi. En racontant innocemment son expérience, Brenda Biya qui depuis sa naissance n’a connu que la vie des palais et palaces avait sans doute oublié que son père dirige un pays pauvre, où 400 dollars représentent plus de cinq fois le salaire minimal légal et où des gens meurent encore, faute d’argent pour se soigner.
Face aux critiques, Brenda Biya avait essayé de s’amender. Elle avait publié un message dans lequel elle s’excusait d’avoir « choqué des gens ». Mais ce faisant, elle avait commis une nouvelle maladresse en commentant sur son train de vie, lorsqu’elle avait déclaré qu’elle faisait « beaucoup moins que dans d'autres familles présidentielles ».
L’incident aurait pu s’arrêter là. Seulement, quelques semaines plus tard, l’adolescente refaisait de nouveau parler d’elle en publiant deux nouvelles vidéos encore plus préoccupantes. La première la montrait en train de fumer toute seule. Dans la seconde, elle se trouvait dans une sorte de cabine, et était accompagnée d’une autre jeune qui fumait aussi, en écoutant du rap.
Les réseaux sociaux s’étaient de nouveau enflammés. Car si en occident où elle vit, les jeunes de son âge fument au vu et au su de tout le monde, il n’en va pas de même chez les Camerounais, qui sont les plus nombreux à suivre la fille de leur président sur les réseaux sociaux. La nature de la substance qu’elle fumait n’avait pas été déterminée. Etait-ce du narguilé, cette sorte de grande pipe à eau très répandue dans le monde arabe et en Iran qu’on utilise pour fumer le tabac et qui serait plus toxique que la cigarette ordinaire selon certaines études ? Ou tout simplement de la cigarette électronique ? Ou autre chose ? Quoi qu’il en soit, les deux vidéos avaient récoltées de nombreuses réactions indignées, certaines d’entre elles évoquant l’action néfaste des « mauvais esprits », d’autres appelant le couple Biya a prendre ses responsabilités. Extraits.
Une certitude se dégageait cependant : la fille de Paul Biya avait des problèmes dans sa vie, et lançait peut-être des appels de détresse, à travers ses sorties controversées sur les réseaux sociaux. C’est dans ce contexte que d’autres acteurs entrent en jeu.
Menace avec un couteau
Le 11 mai, Patrice Nouma un ancien militaire camerounais vivant aux Etats-Unis et se présentant comme étant le chef du Conseil national de transition (CNT), un groupe d’activistes appelant via des vidéos parfois enflammées au départ de Paul Biya se penche spécialement sur le cas de la fille du dirigeant.
Sur sa page Facebook, il publie un message particulièrement alarmant : Brenda Biya, écrit-il, a fait une overdose de drogue accompagnée d’agressions sexuelles. Elle a été hospitalisée, ajoute-t-il. Il soutient aussi détenir une vidéo prouvant ses allégations, mais indique qu’il ne la publiera pas, par décence. Il annonce enfin que Chantal, l’épouse de Paul Biya a quitté le Cameroun pour être au chevet de sa fille.
D’autres sources confirment le départ de Chantal Biya du Cameroun. Elle n’a pas accompagné son époux, lorsque celui-ci s’est rendu le 14 mai à Abuja au Nigéria, lors du deuxième sommet sur la sécurité entre le Nigéria et ses voisins. Pourtant, une dizaine de jours plus tôt, elle était à ses côtés dans le même pays, lorsque Paul Biya avait honoré une invitation du président Muhammadu Buhari.
De nouveau le 20 mai, les médias camerounais remarquent l’absence de Chantal Biya au boulevard du 20 mai à Yaoundé, pendant la célébration de la fête nationale. Un fait inédit.
Le 27 mai lorsque Paul Biya quitte le Cameroun pour la Suisse, il est désormais acquis que son épouse ne se trouve pas au pays. Selon certaines sources, Chantal Biya aurait quitté le Cameroun plus de deux semaines avant, dans un avion de location, pour se rendre en Californie.
Elle aurait réussi à ramener sa fille en Suisse, après une vive résistance de celle-ci. Patrice Nouma affirme dans un nouveau message qu’elle l’aurait même menacé à l’aide d’un couteau et qu’un tribunal américain l’aurait convoquée pour ce fait. Sur les réseaux sociaux, les sympathisants de la famille présidentielle camerounaise crient à la manipulation, arguant de l’absence de preuve formelle d’une procédure judiciaire engagée lancée contre Brenda Biya. Ils démentent aussi l’allégation de la menace avec un couteau, relayée sans vérification par de nombreux sites internet.
Cependant, une vidéo vient confirmer l’histoire du couteau, même si elle ne permet pas d’affirmer que la personne menacée était bien Chantal Biya.
Cette vidéo dont la date de captation n’est pas indiquée apparaît début juin. C’est probablement Angie Forbin, une journaliste camerounaise qui a été la première à la publier sur sa page Facebook. On y voit Brenda Biya particulièrement déchainée. La jeune fille très remontée parle comme un charretier. Dans un anglais jargonneux, elle vocifère des menaces contre une ou plusieurs personnes que le film ne permet pas d’identifier. Elle brandit effectivement un couteau, promettant aux gens à qui elle parle son père les tuerait. Vers la fin de la vidéo très instable qui dure 55 secondes, on aperçoit un véhicule blanc en gros plan, puis au loin une autre voiture de couleur noire qui s’éloigne.
Retrouvailles familiales en Suisse
La suite se serait passée dans la capitale helvétique, ou Paul Biya a rejoint sa femme et sa fille. Les deux parents de Brenda Biya qui visiblement n’étaient plus depuis un moment sur la même longueur d’onde au sujet des problèmes de leur fille se seraient vivement disputés. Une brouille qui aurait coûté très cher au Trésor public camerounais.
« Une fois arrivée à Genève, Chantal Biya a renvoyé au Cameroun l’aéronef loué pour son voyage entre les Etats-Unis et la Suisse avec à son bord quelques personnels habituellement à son service. L’avion est resté quelques jours à Yaoundé. Mais le président a refusé de monter à bord et a ordonné qu’on lui loue un autre aéronef, ce qui a été fait, pour son voyage en Suisse », explique une source bien renseignée. Notre informateur poursuit, indignée : « ça fait plusieurs avions loués pour les déplacements du président et de femme, en quelques semaines. C’est inadmissible pour un pays pauvre ! »
Selon une autre source, une fois à l’hôtel Intercontinental de Genève, Paul aurait refusé de cohabiter avec son épouse en s’installant dans un étage différent du sien.
« Lorsqu’il est arrivé, le président ne voulait pas lui parler. Il trouve que l’étalage des difficultés de fille sur sa place public a profondément nui à son image. On ne sait pas les détails de ce qu’il reproche à son épouse dans l’éducation de leur enfant. Mais il semble dégager sa propre responsabilité des déboires de celle-ci », explique notre source.
Ces indiscrétions ont été recueillies à la fin de la première semaine du mois. Le président et sa femme ont-ils pu revenir à de meilleurs sentiments depuis lors ? Difficile de le savoir. Samedi, Paul Biya est rentré au Cameroun, après avoir passé presqu’un mois à l’étranger. Il n’était accompagné ni de sa femme ni de leur fille.