Au Cameroun, l'accès à l'eau potable est encore un besoin de première nécessité. Même dans certains quartiers de la capitale politique, les robinets sont à sec depuis près de huit ans.
L’eau coule d'une source dans un bas fond du quartier "Damas" à Yaoundé.
C’est le seul point d’approvisionnement en eau pour des milliers de personnes qui parcourent parfois quatre kilomètres à la recherche de l’eau, dont les enfants âgés entre 7 et 9 ans. Ils avouent n’avoir jamais vu de l’eau couler à partir d’un robinet au domicile familial.
La source d’eau a été aménagée par les résidents de "Damas", officiellement Nsimeyong III, l’un des quartiers sans eau à Yaoundé. Trois tuyaux ont été enfoncés dans la source pour tirer l’eau vers l’extérieur. On ne demande pas plus ici. C’est mieux que rien.
Le septuagénaire Albert Atangana Fouda partage, la mort dans l’âme, la situation dans son quartier:
"Il avait l’eau avant. La Snec (l'ancienne Société nationale des eaux du Cameroun) nous a dit qu’il y avait pénurie d’eau. Ses agents sont venus enlever les compteurs d’eau. Depuis lors, nous sommes sans eau. Nous avions espoir que dans un bref délai, la situation allait revenir à la normale. Tantôt, on nous dit que l’eau va revenir à partir du fleuve Nachtigal. L’absence d’eau dans ce quartier est à mettre au deficit de la société qui distribue l’eau et peut-être des autorités publiques".
Le chef de quartier a dû lui-même aménager dans sa concession un puits d’eau "moderne" à usage exclusivement familial pour avoir le précieux liquide.
A Yaoundé, depuis des années, plusieurs quartiers à forte agglomération sont concernés par les robinets à sec. Une association a décidé d'en parler auprès des pouvoirs publics.
Le jeune secrétaire général de la Ligue camerounaise des consommateurs, Manassé Adouéme Olaga, ne décolère pas sur la situation.
"Le Cameroun est en train de violer le droit d’accès des populations à l’eau potable. En outre, le gouvernement est fermé dans le dialogue avec la société civile. Nous ne comprenons pas quelles sont les priorités pour la Cameroon Water utilities - société à capitaux publics qui gère le secteur de l’eau potable au Cameroun - d’effectuer les travaux de rénovation de ses équipements au centre-ville. Or, il y a plutôt urgence dans les nouveaux quartiers où les robinets sont à sec et les compteurs sans eau depuis plusieurs années."
Au fil du temps, les habitants de ces quartiers sans eau dans les robinets endurent le pire. Les conséquences sur la santé sont graves et nombreuses. Georges Zakia est assureur et habite le lieu-dit Damas depuis quatre ans.
Il nous confie n’avoir jamais pris un bain sous la colonne de douche :"Nous vivons à "Damas" comme si nous n’étions pas au Cameroun. Il faut se lever à 4 heures du matin, parcourir quatre kilomètres à la recherche de l’eau, et là-bas, il faudra encore faire la queue."
Des maladies liées à la consommation ou l’utilisation d’une eau de mauvaise qualité. Il y a deux ans, les habitants du quartier étaient ravitaillés en eau potable à partir des camions-citernes de la société Camwater. En l’absence de ces engins devenus rares et très irréguliers, les puits d’eau, les forages, les sources d’eau ont pignon sur rue.
La plupart des quartiers sans eau à Yaoundé sony à Damas, Simbock, Mbankolo, Olembé Nkozoa ou Carrèrre, qui étaient, il y a dix ans, des petites bourgades. Des milliers de personnes ont acquis ici des terrains pour bâtir des maisons. Le développement a vite suivi : des routes bitumées, des établissements scolaires, des salons de coiffure, des stations de service etc. Mais l’eau reste rare.
Un homme d’affaires camerounais du quartier Nsimeyong I, concerné par la même rareté de l’eau potable dans les robinets, a acheté un duplex 15 ans auparavant. La luxure du cadre cache un mal-être d’une vie sans eau.
"J’avais voulu faire un forage dans ma concession. Les techniciens m’ont déconseillé - sous prétexte qu’il fallait percer la terre sur plus de 40 mètres de profondeur - pour avoir de l’eau. Sans le forage, c’est la corvée ici. Ma femme et moi puisons l’eau à partir de nos bureaux respectifs que nous transportons dans les véhicules. Parfois, des particuliers viennent nous vendre de l’eau. Vous voyez cette citerne, elle a une contenance de 1000 litres. Il faut débourser 5000 francs CFA pour le plein. Faites vous-même le calcul sur un mois, pour imaginer les dépenses".
250.000 mètres cubes d’eau sont nécessaires par jour pour satisfaire la demande en eau potable de près de 3 millions d’habitants de la ville de Yaoundé. Pour y parvenir, l’État doit investir dans l’adduction en eau potable.
Pour le cas des quartiers Damas, et Nsimeyong, les derniers travaux du genre avaient été effectués en 1993 pour satisfaire un ex-collaborateur du chef de l’Etat, confie sous anonymat une responsable de la société de distribution d’eau potable du Cameroun.
Pour le reste de la population, il faudra peut-être attendre 2019, année d’aboutissement d’un ambitieux projet du gouvernement camerounais en cours. Le projet vise à porter l’offre en eau potable dans la capitale politique du Cameroun à 315.000 mètres cubes. Il va engloutir 399 milliards de francs CFA.