« Procès injuste », pour Amnesty International, « condamnation scandaleuse », pour Reporters sans Frontières. Autant de réactions après la condamnation d'Ahmed Abba à dix ans de prison ferme au Cameroun. Le correspondant de RFI en langue haoussa travaillait au nord du pays, notamment sur le groupe Boko Haram.
Le tribunal militaire de Yaoundé l'a reconnu coupable de non-dénonciation d'actes terroristes et de blanchiment du produit d'un acte terroriste. Comme elle l'avait annoncé, sa défense vient de faire appel. La direction de RFI appelle à la mobilisation générale pour défendre la liberté d'informer. Un verdict dont la presse fait écho ce mardi.
Plusieurs médias camerounais évoquent ce mardi le verdict dans le procès Ahmed Abba. « L'audience a été brève, mais l'attente a duré toute la journée. Puis le verdict est tombé : dix ans de prison ferme », relate Cameroon Tribune. « Le juge n’a donc pas suivi la requête du procureur », pointe de son côté Cameroun Info. Le procureur qui demandait la prison à perpétuité. « Il a choisi la peine minimale en termes de réclusion », explique le site internet rappelant que le principal chef d'accusation, complicité d’acte de terrorisme, avait été écarté.
Il n'empêche, c'est la consternation à RFI. « C’est la liberté d’informer et d’être informé qui est mise en cause », a réagi la direction. Stupeur également au Monde Afrique. « Comment comprendre cette condamnation basée que sur un téléphone, lequel aurait appartenu à un terroriste puis à une victime du terrorisme, selon les accusations changeantes du parquet », écrit le journal.
L’Observateur Paalga au Burkina va plus loin. Il parle d'un « médiacide, alors que l’accusation n'est jamais parvenue à donner les preuves irréfutables de ce présumé pacte avec le diable ». Le journal poursuit, affirme qu'on « se trompe d’ennemi, qu'on s’acharne sur un journaliste qui ne faisait que son métier, les vrais collabos, eux, continuent de prospérer ».
Le Pays, toujours au Burkina, hausse encore le ton en dénonçant « l'inclémence répugnante » du tribunal, une condamnation en forme de coup de poignard dans la liberté de la presse, simplement pour que les journalistes « se tiennent tranquilles ».
La défense a fait appel
Comme elle l’avait annoncé dès la condamnation, la défense d’Ahmed Abba a fait appel du verdict. Et son avocat, maître Charles Tchoungang, insiste sur le vide sur lequel repose le dossier d’accusation : « Un jour est un jour de trop pour monsieur Abba en détention dans la mesure où il est constant que dans le dossier, il n’existe aucun élément à sa charge. Donc nous continuons ce combat et nous sommes convaincus que la cour d’appel cette fois va rétablir monsieur Ahmed Abba dans ses droits. Il appartient à l’accusation d’apporter les preuves de ces accusations.
Il se trouve que dans le cas de ce dossier, dans le cas de cette affaire, après six audiences, le commissaire du gouvernement a avoué, il n’y a pas de témoin. Dans le système anglo-saxon normal, le procès aurait dû s’arrêter. On l’a continué en invoquant des éléments qui n’existent pas dans le dossier, des modes de téléphone qui n’existent pas, etc. Donc notre stratégie défense va être rigoureusement la même : demander au commissaire du gouvernement de nous apporter, de nous démontrer ce qui est impossible puisqu’on ne peut plus introduire de nouveaux éléments dans le dossier, de constater que le dossier est vide et de recueillir l’acquittement pur et simple de monsieur Abba ».