Régulièrement pointé du doigt par certaines organisations non gouvernementales qui l’accusent de porter atteinte aux droits de l’homme dans sa guerre contre la secte terroriste Boko Haram, le Cameroun est plus que jamais confronté à la gestion des personnes détenues dans le cadre de ce conflit.
Combien sont-ils, les prisonniers liés à Boko Haram qui dorment dans les geôles camerounaises ? En tout cas, selon nos informations, ils sont essentiellement répartis dans deux villes : Yaoundé et Maroua. Ceux qui croupissent dans les geôles de la capitale ont, à quelques exceptions près, été interpellés dans la région de l’Extrême-Nord.
Aussi, en raison de leur importance supposée ou réelle, ils ont été transférés à Yaoundé. «Boko Haram peut difficilement mener une opération dans la capitale pour libérer ses membres ou les liquider pour les empêcher de parler. Donc, quand nous jugeons qu’un suspect est digne d’intérêt, il est transféré dans la capitale pour une meilleure exploitation et une meilleure coordination avec nos partenaires», explique une source sécuritaire. Parmi les suspects de Boko Haram détenus dans la capitale, figure l’ex-maire Rdpc de Fotokol, Ramat Moussa.
Arrêté en septembre 2014, celui-ci attend toujours son procès du fond de sa cellule de la prison de Kondengui. «Il a été cité comme complice par des membres de la secte arrêtés le 23 septembre 2014 dans une villa à Kousseri. De Maroua, le maire a été transféré au GSO à Yaoundé, ensuite dans les locaux de la direction de la Police judiciaire avant de terminer sa course à la prison de Kondengui», explique Mahamat, un proche de l’exmaire.
Difficile cependant de connaître le nombre exact des prisonniers de Boko Haram dans la capitale. «Certains ont été libérés dans le cadre des négociations pour la libération des otages. De plus, ceux qui sont ici sont repartis sur plusieurs sites. En dehors de la prison, il y a les cellules des services de sécurité. Pour ma part, ils sont moins d’une cinquantaine.
Généralement, une fois que les services de sécurité ont fini de les cuisiner, ils sont remis dans le circuit normal de la justice», affirme une source sécuritaire. Un «circuit normal» désormais encadré par la loi anti-terroriste de décembre 2014. C’est à la prison de Maroua, capitale régionale de l’Extrême-Nord, que se retrouve l’essentiel des prisonniers de la secte terroriste. A la date du 25 mai 2016, ils étaient 792 au total sur une population carcérale chiffrée à 1552 détenus. Sur cet effectif représentant près de la moitié des prisonniers, l’on retrouve 744 hommes, 29 femmes et 19 mineurs.
125 d’entre eux ont déjà été jugés et lourdement condamnés par le tribunal militaire de Maroua. Condamnés pour la très grande majorité à la peine de mort, ces membres de Boko Haram attendent aujourd’hui dans le couloir de la mort. Il n’est pas non plus superflu de rappeler que prévenus et détenus de Boko Haram sont originaires de trois pays.
Les Nigérians sont les plus nombreux, suivis des Camerounais et enfin des Tchadiens. Construite en 1935 pour abriter 350 pensionnaires, la surpopulation de la prison de Maroua est aujourd’hui une source de préoccupation majeure pour les populations et les services de sécurité.
«Il est surprenant que des dangereux terroristes soient gardés dans de telles conditions. Pour Boko Haram, la surpopulation est une aubaine pour véhiculer ses idées et enrôler de nouvelles recrues», explique Aïssa, dont le frère est détenu à la prison de Maroua. Elle craint pour lui qu’il ne sorte de là avec des «idées tordues».
Pour limiter les dégâts, le régisseur de ce pénitencier, Pierre Ayissi, a pris des mesures restrictives dont l’impact reste toutefois discutable. Il a par exemple interdit aux prisonniers de Boko Haram de prier en petits groupes, alors même que le reste de la journée, ils ne font pas l’objet des restrictions particulières.
Dans le même ordre d’idées, les autorités pénitentiaires ont interdit toute communication des détenus de Boko Haram avec des visiteurs. «Nous ne communiquons plus avec nos visiteurs depuis longtemps. Malgré tout, nous sommes bien encadrés dans cette prison et nous accomplissons nos 05 prières journalières sans contrainte», reconnaît un prévenu de Boko Haram. «Ils ne sont pas des enfants de coeur.