Un nouveau mouvement a vu le jour au Cameroun. Porté par des jeunes sou le leadership de Saphia Ndongué, le mouvement veut instaurer la "transition générationnelle" évoquée par Biya. En d'autres termes, "La Relève" veut remplacer les vieux qui dirigent le Cameroun par des jeunes conscients et compétents.
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Le mouvement est baptisé « La Relève ». Il est porté par Saphia Ndongué et se donne pour mission de sensibiliser, former, et encadrer les jeunes sur la gestion des affaires de l’État, en vue de préparer ces derniers à la transition générationnelle annoncée par le président de la République. Conscient de ce dont la jeunesse camerounaise a besoin, notamment de « prendre son destin en main », de « façonner son avenir » en fonction de ses besoins et de ses aspirations, la jeune femme originaire du Nord a réuni autour d’elle amis et sympathisants pour mettre sur pied un instrument, capable de les y conduire : à occuper les postes et les responsabilités au sein de l’appareil d’État, qui dans un délai long ou immédiat, seront laissés vacant par la purge inévitable que va engendrer le changement de régime. En substance, il s’agit d’un cadre de préparation au leadership tous azimuts, où les jeunes pourront méditer, voire discuter ensemble des questions liées à leur épanouissement et aux stratégies de reprise en main d’un pays visible‐ ment à bout. Caractérisé par le « chômage, le sous emploi des jeunes, l’accès à l’éducation de qualité, les violences en milieu scolaires, l’accès aux soins et à la justice… ».
Responsabiliser les jeunes
L’inertie, cette impression tenace que tout le système est figé, on la voit partout. Chaque jour, des hordes de jeunes sortent commercer dans les boutiques ou sur les trottoirs et d’autres s’entassent dans les gares routières de fortune pour glaner un « 100 f » à chaque véhicule « clando » chargé. Certains ont le bac et même, souvent, un diplôme universitaire bien supérieur. C’est le cas de Daouda, un conducteur de moto dans la ville de Douala. Il affirme avoir fait des études de droit, mais n’avoir rien trouvé ensuite. Un voisin de trottoir de Daouda présente un profil identique. "Il n’y a aucune perspective pour nous ici, déplore‐t‐il. Même avec le bac plus beaucoup d’année, gagner seulement 50 000 F CFA, relève de la magie. Les vieux mangent jusqu’à leur mort. On va faire comment ?" Des chiffres circulent, peut‐être peu fiables, mais mêmes les autorités ne songeraient à les remettre en question. À Douala, 80 % des dizaines de milliers de conducteurs de moto‐taxi auraient au moins le bac. Le niveau de sous‐emploi des diplômés y atteindrait 75 %. Dans une enquête de nos confrères de Jeune Afrique, les propos d’un des ministres qui a réclamé, comme beaucoup, l’anonymat étaient rapportés. Il admettait que le chômage "concerne 60 à 70 % de la population" et reconnaît qu’il touche principalement les jeunes diplômés, "qui ont fait des études mais ne trouvent pas de travail". Tout cela fait dire à nombre d’observateurs que le Cameroun est une bombe à retardement. "visiblement, aucune force sociale est en mesure de contenir un mécontentement social qui s’approfondit sur fond de fracture générationnelle et laisse augurer des luttes sociales violentes, marquées par une résurgence inquiétante du tribalisme depuis l’élection présidentielle de septembre 2018.
Le mouvement La Relève dans sa démarche, semble vouloir contribuer à ce challenge de redonner un espoir à une jeunesse en perte de raison d’être camerounaise. Elle veut amener la jeunesse camerounaise selon leur mission mentionnée dans leur site web, à prendre conscience des implications qui sont les siennes, à poser clairement ses difficultés, à proposer des solutions concrètes et à veiller à la prise en compte de ces solutions par les décideurs. Pour parvenir à ses fins, cette jeunesse de la diaspora de retour au Cameroun se fixe 6 objectifs dont « Créer un cadre de réflexion et d’échanges pour la recherche des solutions pouvant améliorer les conditions de vie de la jeu nesse ; Préparer les jeunes pour une transition générationnelle tout en respectant et en profitant de l’encadrement des ainées ; Emmener la jeunesse à maitriser le sens de la responsabilité et à développer le sens du leadership ; Sensibiliser les jeunes sur l’implication dans la vie politique de la nation ; Sensibiliser la jeunesse sur l’importance du respect des symboles de la nation ; Former les jeunes sur com ment faire entendre leur voix en utilisant les dispositions légales prévues par la constitution camerounaise », apprend‐on.
Entre Ignorance, banalisation et méfiance
Pour les jeunes militants et sympathisants du parti de Cabral Libii, et même pour certains proches du jeune président originaire du Nyong‐et‐Kelle, le mouvement la Relève n’évoque rien et ne suscite pas de curiosité. À vrai dire, le jeune parti aux 5 députés est préoccupé à remettre de l’ordre dans ses rangs et galvaniser sa base électorale et ses membres. Pour illustration, Ces dernières semaines, un groupe de 18 conseillers municipaux frondeurs du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN) demandaient une session extraordinaire pour destituer leur camarade, Sylvain Moïse Tjock, le maire de la commune d’Eseka, dans le départe‐ ment du Nyong‐et‐ Kelle. Motif, incompétence et incapacité à assumer sa fonction de premier magistrat de ville. Chez les Franckistes, on regarde du coin de l’œil cette tendance qui s’emble aussi s’engouffrer dans la brèche de la transition générationnelle. Mais pour les leaders du Mouvement de soutien de la candidature de Franck Biya à la magistrature suprême, « les jeunes confrères de La Relève sont parfaitement alignés derrière eux et prônent un idéal commun à celui des Franckistes pour le pays ». Curiosité, à consulter de près les publications faites dans le site du mouvement La Relève, on constate une étrange similitude avec le discours ambiant au sein du régime.
Les éléments de langage sont choisis : « vivre ensemble » ; « pro‐ motion de l’image du Cameroon » ; « respect des emblèmes nationaux et des armoiries de l’État » ; « plaidoyer jeune ». Cette proximité dans le positionnement idéologique laisse croire à certains que, le mouve‐ ment La Relève est un fruit et même une continuité du Frankisme qui fait aujourd’hui partie de l’environnement politique du pays. Les responsables du mouvement des Franckistes en France affirme que, « le jeunes de La Relève ne seraient pas opposés à une candidature de Frank Biya à l’élection présidentielle de 2025 ».
Pour rappel, Nathan Abomo, un cadre du Mouvement citoyen des Franckistes pour la paix et l'unité du Cameroun, fondé par Mohamed Rahim Noumeu, soulignait que "Franck Biya apparaît comme le jeune qui réunit toutes les compétences nécessaires. Pour avoir occupé le poste de conseiller spécial du président Paul Biya pendant près de 25 ans, il est clair qu'il maîtrise les dossiers sensibles du Cameroun, il maîtrise la politique interne et externe du pays. Franck Biya est discret, c'est un entrepreneur. Autant de raisons parmi d'autres qui nous ont motivés à l'appeler à se présenter à la présidentielle de 2025. À propos de son mutisme, le connaissant, ça pourrait être stratégique."
Le doute persiste
Certains observateurs se laissent volontairement aller à des analyses les plus complotistes, pour André (nom d’emprunt) jeune cadre du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (Rdpc), ce nouveau mouvement est probablement un cheval de Troie des groupes de pression pour un retour d’un nordiste musulman à la tête du pays.
Sans forcer, ce jeune militant affalé dans son fauteuil de Directeur général d’une Pme « spécialisée » dans la livraison des com‐ mandes des marchés publics veut convaincre : « ils ont une présidente qui vient du nord du pays, même s’ils essayent de brasser les tribus, l’entourage proches est très marqué nordiste […] Mohamed Sarky vous connaissez ? nous ne devons pas baisser la garde ».
La transition des générations est lancée et la bataille sera davantage plus rude pour la jeunesse car, elle va devoir forcer le départ des ainés lancés dans une course de résistance, en même temps qu’elle, va probablement mener des luttes intra‐ générationnelles fratricides.